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La vie des formes


C’est en 1934 que l'historien d' art Henri Focillon publie cet ouvrage capital. Focillon fait une synthèse entre l'héritage historique et les découvertes bergsoniennes sur l' évolution et l' élan vital, appliquées à l' esthétique. L'auteur se dégage heureusement de toute conception a priori, et sa méthode part de l'oeuvre d' art, conçue comme donnée unique d' expérience, dégage ses éléments essentiels et en esquisse une explication psychologique. Rejetant l'opposition scolaire entre la "forme" et le "fond", il montre que la "forme" s'identifie à la pensée même de l' artiste, l' art consistant en effet, avant tout, dans l'effort d'expression concrète. L'étude des formes est inséparable de l'étude des styles, d'où l'on peut dégager quelques phases essentielles: expérimentale, classique, raffinement baroque. Cette seule constatation suffirait à prouver qu'il existe un monde des formes, autonome, avec son évolution propre, qui peut être objet de description.

Dans un second chapitre, Focillon étudie les formes dans l' espace: la forme décorative, élémentaire; la forme architecturale, "moule creux", qui crée à la fois un objet dans l' espace et un nouvel espace, intérieur; la forme sculpturale; enfin la forme picturale, qui enveloppe un espace complet, mais illusoire. La forme, d'autre part, n'est point séparable de la matière, et c'est l'objet d'un troisième chapitre: si la forme modifie la matière, elle est aussi affectée par elle. Chaque matière possède en effet une "vocation formelle", c'est-à-dire une disposition intrinsèque à recevoir telle ou telle forme: de là l'importance décisive de la technique.

Le quatrième chapitre étudie les formes de l' esprit: la thèse de Focillon veut que les conceptions de l' artiste se confondent complètement avec les formes de l'oeuvre d' art: la forme n'est pas "l' allégorie ou le symbole du sentiment, mais son activité propre". Enfin, dans le dernier chapitre, qui étudie les formes dans le temps, Focillon reprend, mais d'une manière très souple, la notion bergsonienne d' évolution: déjà l'étude des formes dans leurs différents rapports a pu montrer la diversité des facteurs qui influencent sur leur vie. Il est impossible, comme on le fit au XIXe siècle, de réduire cette évolution soit à la race, soit au milieu. Le milieu, la race, mais aussi bien l' histoire, la vie politique, les affinités personnelles, enfin la vie propre des formes déterminent leur développement, qui ne sera jamais systématique: "L' histoire, écrit Focillon, est généralement un conflit de précocités, d'actualités, de retards". Ce livre, dont on doit admirer le style d'une grande clarté, résume tout l'enseignement de l'auteur et marque une date importante dans l'histoire de l' art contemporain.


A voir aussi : Hommage à Henri Focillon


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