Publié(e) par Robert Paul le 20 novembre 2009 à 6:34
Introduire des mots dans la peinture est un procédé ancien, il est presque aussi vieux que
l'invention de l'écriture, en effet on le trouve déjà dans l'Egypte pharaonique, plus tard, en
Occident, tableaux et tapisserie, comporteront les noms des personnages et bien d'autres
indications écrites, facilitant la compréhension de l'oeuvre. Le texte cependant reste un élément
étranger, marginal qui ne joue qu'un rôle secondaire dans la composition de l'oeuvre. Marier
texte et images dans une unité indissoluble est, semble-t-il, une recherche propre à notre siècle,
déjà les cubistes et les futuristes l'ont réalisé dans leurs collages, ils utilisent des papiers
imprimés, qui apparaissent à la fois comme un matériau original et comme une référence. Il ne
s'agit pas de textes qui éclaireraient la signification de l'ensemble, mais les fragments de
partitions ou de journaux font partie de la composition au même titre que le tracé ou les formes
peintes. Poussant l'invention plus loin des peintres, à partir des années 20, ont inséré dans leurs
compositions des textes complets, une phrase, un poème écrits à la main qui jouent le même
rôle qu'un dessin parmi les personnages ou les taches de couleur. Ainsi, par exemple, en 1925,
Joan Miro, alors sous l'influence du surréalisme, écrira-t-il, à travers toute la surface de sa
toile, d'une belle écriture moulée, une poésie: "Le corps de ma brune - parce que je l'aime-
comme ma chatte habillée en vert salade- comme de la grêle c'est pareil". La peinture est en
quelque sorte soutenue par les mots, elle se marie avec eux, leur absence désorganiserait ses
belles arabesques, parallèlement le tracé peint donne sens aux mots, les réinvente en quelque
sorte. Par la suite, on retrouve souvent des signes d'écritures jouant le rôle de figures dans tel
ou tel ensemble au tracé très libre comme chez Paul Klee. Plus tard encore le pop art fit
intervenir dans des tableaux des bulles de bandes dessinées et différents éléments graphiques de
la civilisation contemporaine, comme des étiquettes d'emballages ou des signaux routiers.
Mais le groupe Cobra suit de plus près l'invention de Miro en mêlant comme lui des textes
poétiques à des peintures; en outre, à l'instigation d'un de ses fondateurs, Christian Dotremont,
Cobra a introduit une nouvelle manière de d'organiser l'oeuvre en donnant une part égale à
deux auteurs, qui travaillent à quatre mains.
Rappelons que ce groupe a été constitué en 1947 par des artistes, peintres et écrivains,
évoluant en Belgique, en Hollande et au Danemark, d'où son nom: CO (penhague)-
BR(uxelles)- A(msterdam). A l'individualisme des surréalistes, ces nouveaux venus substituent
une collaboration étroite. Ainsi le poète Christian Dotremont devient souvent le co-auteurs des
oeuvres des ses amis peintres, il ne se contente pas de leur dicter un texte, mais il s'empare d'un
pinceau, et écrit à travers la toile d'Asger Jorn, de Pierre Aléchinsky et de quelques autres . Ces
associations se multiplient, Serge Vandercam pour sa part travaille avec Dotrement et avec
Joseph Noiret. Le texte court ou fragmenté est intégré comme un élément plastique à part
entière. Le style très libre de Cobra permet de confondre les grands mouvements de la couleur
avec le graphisme généralement monochrome, et donc lisible, des mots intégrés. La peinture
elle-même tire sens des mots, c'est l'ensemble qui est en une peinture ou, si l'on préfère, un
poème. Les tableaux- mots, permettent aux poètes du groupe de participer à des inventions
communes.
Une des premières oeuvres caractéristiques de cette manière de faire est sans doute, en 1948,
la toile de Dotremont et de Jorn intitulée Je lève, tu lèves, nous rêvons où l'écriture épaisse de
Dotremont se marie étroitement avec les taches de couleur, équilibrant la composition et lui
donnant sens: "une main qui n'existe pas rencontre (la nuit)une main qui va bientôt
apparaître JE LEVE TU LEVES nous rêvons une bonne taches de gros temps sur une mer
parfaite." Le titre avec ses majuscules et deux mots en italique, nous rêvons forment le centre
du tableau. C'est cette intégration de l'écriture qui est expressive, c'est elle qui donne un sens
onirique à l'ensemble; toute la composition dépend de la place où s'inscrivent les lettres du
texte.
Non seulement le papier ou la toile servent de supports mais encore, avec Vandercam associé
à Dotremont, des boues ramenées des Fagnes. Sur cet étrange matériau l'écriture se trace à la
pointe ou à la mirette du potier. L'expérience des tableaux-mots se poursuivra avec la
plupart des peintres du groupe jusque dans les années 60, à cette époque Christian Dotremont
travaille avec Karel Appel, pour créer Dors dans ton langage (Kunstmuseum, Silkeborg).
Parallèlement il invente en 1962 les logogrammes inspirés entre autre de la calligraphie
japonaise et chinoise. Il avait affirmé dans le passé que " le mot est la matérialisation
symbolique de l'objet ", il découvre qu'on peut "peindre la poésie / sans modèle ni
mode.". Il est donc possible de peindre des mots dans la spontanéité d'une écriture libérée
de toutes règles soumise seulement au rythme du texte, à l'inspiration du poète. La plupart du
temps il travaillera désormais seul, créant d'extraordinaire graphies au pastel gras et ensuite à
l'encre de chine sur papier. La difficulté de lecture est désormais telle qu'il lui faut écrire une
deuxième fois les textes en petites italiques courantes et intégrer le poème ainsi décrypté dans
la composition. Le tableau à ce moment est constitué entièrement par les mots. Un certains
nombre de logogrammes ont été "encadrés" dans des marges d'Aléchinsky ce qui est une autre
manière de travailler à quatre mains.
L'idée de l'intégration du mot au tableau fera son chemin, on ne s'étonne pas de la retrouver
chez des artistes de chez nous, tel Englebert Van Anderlecht qui n'a pas participé au
mouvement Cobra, mais qui connaît évidemment les habitudes de ses concitoyens, en
revanche, il est plus étonnant de voir, en 1955, débuter une série de l'Américain Robert
Motherwell autour des mots Je t'aime ( en français). Les tableaux ne sont plus faits en
collaboration, même lorsque le texte est la citation d'un poète, le peintre reprend toute son
autonomie, c'est lui qui trace les mots, lui qui les déplace, qui les déchire comme fera
Vandercam lui-même avec Noiret. Bien que tous deux aient participé à Cobra, ils abandonnent
la technique du tableau à quatre mains, mais le mariage étroit du texte et de l'image, ou mieux
le rythme du poème traduit en couleur, reste essentiel.
Peut-être faut-il parler aussi du Français Ben qui, d'une belle écriture d'école primaire, inscrit
des aphorismes en blanc sur fond noir ou en noir sur fond blanc, mais ici la peinture disparaît
au profit d'un message satirique.
En revanche actuellement l'usage de majuscules romaines remplace de plus en plus souvent le
graphisme qui se liait si bien à la joyeuse invention des peintres, il semble lié au désir
d'échapper à l'improvisation qui caractérisait aussi bien Miro que les compagnons de Noiret ou
de Dotremont et qui subsistait lorsque le peintre redevenait seul maître de sa composition. Ce
travail est fait en quelque sorte à l'inverse des logogrammes, il ignore la spontanéité du geste,
le sens passionné des mots qui deviennent peinture dans un lyrisme chaque fois renouvelé. Il
vise à l'objectivité d'un message universel. On voit un exemple assez remarquable de cette
rigueur dans une composition en céramique bleue qui orne le métro de Bruxelles dans la station
Parvis de Saint Gilles, pour laquelle Françoise Schein a imaginé de composer le texte des
Droits de l'homme, en petit blocs séparés d'une lettre chacun, ce qui provoque l'étonnement des
passants. C'est en suscitant la curiosité qu'on espère attirer leur attention et les inviter à la
lecture de ce qui leur est donné à voir. Cette fragmentation régulière donne aussi au texte un
aspect monumental voire une sorte de sacralisation qui souligne le message et marque avec
force les intentions de la plasticienne. On pourrait dire, comme pour les logogrammes, que
l'alliance mots-peinture est totale.
Tout ceci témoigne assurément, s'il en était besoin, de l'absence de frontière entre les arts, entre
les paroles et les couleurs, entre l'écrit et le peint, qui caractérise notre temps.
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Les textes, les mots, les lettres m'ont toujours interpellée. J'écris, je peins, je calligraphie... sans frontière. Voici un petit échantillon de mon travail
il etait un siécle ou l'artiste mouslim ne pouvait pas suivre le meme chemin que l'artiste occidental et emprunter les memes régles artistiques pour s'exprimer ainsi la religion islamique a opté pour l'autonomie d'un art qui sort des sentiers battues et qui se distingue par une nouvelle richesse artistique loin de l'imitation de ce que fait l'autre,cette attitude va pousser l'artitste mouslim a creuser dans l'écriture et aussi dans le dessin -voir les peintures persanes-ce qui va développer un art floral et abstrait enrichi d'écriture-voir dans ds mosquées et des lieus dits saints.
quand on a pas un référant a imiter,on donne libre cours a notre imagination dans un but de renverser nos habitudes esthétiques et si l'image ne touche pas la poésie des choses qu'on a envie de dire,on reviens au verbe parcequ'il nous permet de prolonger la beauté du geste.
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quand on a pas un référant a imiter,on donne libre cours a notre imagination dans un but de renverser nos habitudes esthétiques et si l'image ne touche pas la poésie des choses qu'on a envie de dire,on reviens au verbe parcequ'il nous permet de prolonger la beauté du geste.