Sur la plage est apparue cette jeune fille
Là où il ne revient que du temps sur l’envers
C’est le mien qui la voit comme une image floue
C’est le sien puisqu’elle est seule comme un chagrin
La mer ne me garde vraiment rien au grand large
Elle est sans rémission la vague qui s’échoue
Mes rêves me restent comme vaisseaux fantômes
Et je me demande qui est la jeune fille
Le temps est si étrange et quelque part éteint
La jeune fille est si loin quand elle est près de moi
Tout nous sépare comme deux bouts d’un voyage
Par l’impossible inversion des grands sabliers
Me voilà donc témoin de ce qui fait mémoire
Du tout premier chagrin et cœur à marée basse
A ces autres marées basses mais cœur expert
Des marées hautes, des grandes vagues d’amour
Je suppose un prénom à cette jeune fille
Que j’aurais pu prononcer avec insistance
Avec constance aussi mais le comprendrait-elle
Si je lui disais comme j’ai pu le garder
Qui est-elle ? Tant d’images se superposent
Sur ce tableau de la jeune fille à la mer
On ne peut le peindre que de la ressource
Des sentiments qu’on rend à l’intemporel
La jeune fille est à moi réelle, irréelle
Elle est là, elle ne l’est pas, mais je l’admire
Dans un fort intérieur comme endroit secret
A tout ce qui me fait l’émotion qui déborde
Lui ferais-je confidence de ce qu’elle inspire
Elle qui rapporte ma jeunesse et ce que je suis
Comme bord de mer depuis le premier amour
Qui me ferait dire l’amour ne s’oublie jamais
Lui dirais-je que j’ai pu la prendre pour fille
Pour me consoler du doux semblant d’un mensonge
Pour lui servir d’appui quand je ne le peux pas
Pour ma fille qui me laisse sans le nom de père
Lui dirais-je que le temps n’arrange pas tout
Il est des amours qui nous restent impossibles
Mais rien ne sert de forcer l’imaginaire
S’il n’est pas de vie modèle, tout peut arriver
Sur la plage a disparu cette jeune fille
Mais j’ai gardé une étoile de mer
© Gil DEF - 20.10.2010
Commentaires
Magnifique... l'étoile de mer comme un joyau!
Bonjour Arlette, bonjour Andrée
J'apprécie votre sympathique passage sur ce texte.
Bonne soirée. Amitiés. Gil
Bonjour Marie-Ange, bonjour Joëlle
Je puis dire que j’ai déjà donné ailleurs et dès les premiers temps de mon expression poétique d’autres versions de la jeune fille avant ce texte de la jeune fille et la mer. Ces versions sont essentiellement des superpositions d’images sans ordre précis, celles de ma souvenance éparpillée, celles de la présence supposée et interrogée, celles de l’imagination à combler des manques, à compter tous les dés jetés des hasards, par des histoires improbables mais à les croire tellement possibles et vraies. Ce sont des visions de jeunesse, de genèse des amours d’un homme qui a vieilli. Ce sont des tentatives de dialogue d’un homme qui pourrait être père parlant à sa fille, comme aux aventures de toute jeune fille, tentatives de dialogue entre deux temps qui ne se comprennent pas souvent à cause de cette distance prise ou difficile à prendre avec les choses de l’amour.
Je me souviens de la première version qui a suscité nombre de commentaires et diverses idées de poésie dialoguée ou de courts métrages. Tout est resté à l’état de quelques essais inaboutis… Est-ce vraiment un hasard que cette jeune fille qui échappe à une histoire bien définie?
Bonne journée. Amitiés. Gil
Etoile de mer Etoile dans le coeur
Etoile dans les yeux
Bonjour Gil et merci à toi de nous donner justement cette envie ce besoin de sentir ce qui peut et pourrait être l'histoire, la suite de la jeune fille et la mer.
Je t'embrasse et te souhaite une belle fin de journée poète
Marie-Ange
Bonjour les amis de Arts et Lettres
A qui me donne, j’aime rendre. C’est pourquoi je me mets volontiers à vous confier ce qui m’a conduit dans l’écriture de ce texte, et à vous remercier d’une passerelle.
Le texte est né dans une période où j’avais envie de traiter par l’image poétique le sujet de la souvenance, et ce texte n’est pas le premier, ni le seul que j’ai commis sur le sujet. Mais je lui accorde une sorte de tendresse particulière à cause de l’image, cette image de la jeune fille et la mer qui s’est imposée tant la souvenance m’est apparue infiniment liée à l’amour, comme dimension essentielle à la vie. Cette image est bien l’aveu de deux amours, deux immensités d’amour, en flux et reflux, avec au moins deux sortes de cordes pour les émotions, les cordes des choses vécues ou possibles, et les cordes des choses inaccessibles et qui font mon univers, ordinaire et extraordinaire.
Je me suis appuyé sur l’expérience de mes bancs de solitude, non pas quand ils étaient tristes mais quand je cherchais quelque part des planches de salut dans l’observance des belles choses, notamment ces passantes, ces inconnues qui sont tout un lieu, toute une rue, tout un parc, tout un bord de mer, toute retrouvaille possible avec l’ensemble de ses amours au-delà des ses chagrins.
Au moment de l’écriture, il m’est revenu aussi l’entrevue que j’avais eue avec une peintre qui s’acharnait sur un tableau qu’elle voulait capable de retrouver sa fille qui ne lui parlait plus, et par l’expression de tout son amour. Ne pouvant faire son tableau, elle m’avait demandé ce que je peindrais. D’emblée, j’avais répondu une jeune fille et la mer. Et elle me téléphona moult fois pour me demander comment je voyais ce tableau. Je n’ai jamais vu le tableau, différent du mien sans doute, mais au bout de nombre de jours d’épuisement du peintre, ses grands remerciements entre ses sanglots payèrent largement mes droits d’auteur.
Pour ce qui est de la nommée souvenance, je la distingue donc de la mémoire, ou du souvenir. Je me suis ainsi laissé guider par une sorte de diaporama étrange qui mélange, et défile nombre d’images de temps différents, de concepts différents, images réelles ou floues ou reconstruites ou idéalisées, irréelles, et dans un ordre qui semble aléatoire. Il est indéniable que nombre d’images se sont ajoutées à celles dont j’ai parlé précédemment et qui ont un rapport avec mes lectures, mes belles références notamment celles qui je garde depuis l’adolescence. Je n’ai pu les saisir toutes, mais qu’importe.
Qu’importe quand je vois ce qui se passe de formidable autour ce texte.
Me voilà qui reçoit de la générosité qui sied parfaitement aux amoureux de la vie et de l’art que vous êtes. Me voilà avec chaque commentaire qui reconstitue les images du diaporama. Me voilà avec des poètes qui poursuivent de leurs vers, avec ces peintres qui me donnent leurs tableaux et une suite possible à l’histoire que j’ai évoquée qui veut retrouver une jeune fille, et un amour, et me font de nouveau moitié-auteur, moitié-visiteur non pas d’un tableau, mais de multiples tableaux, l’envie d’avoir un jour une main avec un pinceau, ou de penser à une vidéo de la jeune fille et la mer. Me voilà avec des personnes qui révèlent bien des aspects du texte, de sa trame jusqu’à cette histoire, jusqu’à mon blason romantique du vers de terre amoureux d’une étoile. Me voilà avec une passerelle si agréablement fréquentée et au-delà de mes espérances de passerelle que je comptais avoir.
Quel cadeau que cette passerelle !
Au-delà de vos élans généreux, vous me permettrez de penser que l’administrateur de Arts et Lettres a contribué à cela et que nombre de passerelles sont fréquentées ici par tout ce qu’il fait.
Bonne journée. Amitiés. Gil
Un vers de terre amoureux d'une étoile .............................................ou l'amour impossible !
Vivifiant ce texte !
Merci Gil
La plage, la mer, la solitude et une grande bouffée d'air pur pour se resourcer... pour voir poindre l'espoir au bout de l'horizon... tout peut arriver dans l'oeil du poète...
Merci du partage de ce très beau texte Gil