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JULIANE SCHACK : AU SEUIL DE L’EXPRESSIONNISME MYSTIQUE
Du 28-11 au 16-12-12, se tient à l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles) une exposition consacrée à l’œuvre de l’artiste Allemande, Madame JULIANE SCHACK, intitulée LUMIERE ET MOUVEMENT.
Ce qui caractérise l’œuvre de cette artiste extrêmement cultivée à la fois de sa matière et de son temps, c’est la profonde dialectique qu’elle entretient avec le visible. Elle insiste, d’emblée, sur ce rapport en mettant l’accent sur la nécessité du vécu visuel, transfert de l’expérience émotionnelle, dans la réalité visible.
L’œuvre de cette artiste est centrée sur une interprétation relative aux possibilités qu’offre l’Expressionnisme aujourd’hui.
Expressionnisme et intériorité spirituelle se marient dans un foisonnement de détails qui donnent à l’œuvre un caractère extrêmement travaillé, sans pour autant la surcharger.
Chez JULIANE SCHACK, l’expressionnisme surgit non pas du traitement de la figure humaine mais bien de tout ce qui l’entoure. La représentation figurative est, en fait, réduite à sa plus simple expression. Elle acquiert les traits d’une silhouette frêle et lointaine, « couvée », si l’on peut dire, à l’intérieur d’une architecture exubérante dans ses formes.
MEDITATION(81 x 65 cm – 2010)
nous offre la vision d’un personnage tout en intériorité dans sa pensée, presque sa prière. Cette intériorité se manifeste dans l’attitude du personnage en silhouette, replié sur lui-même, en position fœtale, à l’intérieur d’un « ventre » tout en énergies, en lumières et en mouvements. Son immobilité réflexive tranche avec le feu d’artifice qui l’entoure sans le perturber.
En cela, l’artiste pose une question essentielle, à savoir l’Expressionnisme est-il mystique ? Au contact d’un DIX ou d’un KOKOSCHKA, nous poserions-nous la même question ? Probablement pas. Parce que ce style, intrinsèquement lié par sa naissance, à deux des moments les plus douloureux de l’Histoire de l’Europe (et particulièrement de l’Allemagne), nous a trop habitués à une atmosphère de révolte, exprimée par une dilatation généralisée du volume apporté à la figure humaine ainsi que par une mise en scène obsédante de l’espace scénique, faisant office de protestation face à une situation humaine et sociale intolérable.
L’Expressionnisme a servi de repoussoir une première fois face à la menace pressentie de la Première Guerre Mondiale. Ensuite, taxé d’ « entartete kunst » (art dégénéré) par le régime nazi, il a vu maints artistes s’exiler à travers le monde vers des destins incertains.
Ne perdons pas de vue que sa naissance, au début du 20ème siècle s’est voulue une réaction viscérale contre l’Impressionnisme français, car il ne s’attardait qu’à la réalité physique du sujet, alors que le mouvement naissant se centrait sur ses états d’âme. L’Expressionnisme se voulait avant tout « politique » car son objet d’étude était l’Homme dans toutes ses composantes.
Pouvait-il, dès lors, aborder le courant « mystique » au sens où nous l’entendons communément ?
Néanmoins, l’Art évolue avec la société. JULIANE SCHACK, elle, nous donne à voir un Expressionnisme parcourant un voyage intérieur. Et cela se manifeste dans un rapport intime entre intériorité et technique. Car s’il est impossible d’atteindre l’œuvre « parfaite », du moins est-il possible de la faire vibrer par les cordes d’un dialogue intérieur. Elle demeure expressionniste, en ce sens que ses interrogations confinent avec le Symbolisme dans sa façon d’aborder l’activité méditative touchant presque à l’onirique.
Ce dialogue intérieur, l’artiste le poursuit dans les arcanes les plus profondes de l’iconicité byzantine.
Ses ICONES (55 x 46 cm – 2003 groupe du haut et 2003 groupe du bas) offrent toujours la vision mystique de personnages en silhouettes où le visage n’est que pure cavité plastique, rehaussé d’un faisceau de lumière. Cet ensemble de six tableaux est divisé en deux parties : une première série à dominante rouge fauve (en haut) et une deuxième caractérisée par une palette aux couleurs tendres (en bas).
Si l’œuvre assumant la dimension morale d’ « iconostase » (cloison parée d’icones séparant le sanctuaire – le divin – de la nef – l’humain) irradie l’ensemble de l’œuvre, la série aux couleurs tendres confère aux silhouettes un mélange de hiératisme et de douceur.
Assurément, THEOPHANE LE GREC et ANDREJ ROUBLEV ne sont pas loin. Néanmoins, l’Expressionnisme mystique de l’artiste entoure les silhouettes de lignes douces, à peine perceptibles, signifiant les plis des drapés, les arrachant ainsi à la pure et dure esthétique byzantine, laquelle en traçant des lignes abruptes, cinglantes, presque cubiques, pour signifier ces mêmes plis, durcit l’image de la figure humaine, dans sa perpétuelle recherche de gravité hiératique. Ces œuvres sont l’expression d’un voyage à Venise et du souvenir ressenti de la culture byzantine.
SIGNES (60 x 20 cm – 2004)
forment un ensemble iconographique de six tableaux rectangulaires réunissant les différents symboles du monothéisme abrahamique (la croix chrétienne, la ménorah juive et le croissant de lune islamique).
Cette œuvre constitue un dialogue sur la spiritualité prise en tant qu’ensemble cognitif sur le Monde sans la moindre volonté de perspective morale.
JULIANE SCHACK est une immense artiste. Une artiste qui assure sa nécessité créatrice dans une perpétuelle recherche. Cela se perçoit au premier contact entre l’œuvre et le regard. Ce dernier étant, à la fois, l’origine et le réceptacle de celle-ci.
L’artiste est également pédagogue.
Sa vie est un itinéraire de rencontres artistiques qui l’ont, bien sûr, influencée mais desquelles elle a dû se distancier pour mieux se retrouver.
Sa rencontre avec OSKAR KOKOSCHKA fut déterminante. Elle fut son élève pendant un an à l’Académie de Salzburg, en 1960. Maître incontestable et incontesté de l’expressionnisme allemand mais qui, aux dires de l’artiste, ne cessait de réclamer de ses élèves une obéissance totale au point d’exiger d’eux une copie conforme à son propre style. Cela, bien sûr, JULIANE SCHACK ne pouvait l’accepter.
Néanmoins, l’on ne sort pas indemne d’une rencontre avec une telle personnalité. Même indirectement, l’artiste en a sûrement été nourrie.
D’autres rencontres, telles que GIACOMO MANZU, EMILIO VEDOVA et JOHNNY FRIEDLAENDER dont elle avoue ressentir une véritable influence, ont beaucoup compté pour elle.
Native de Düsseldorf, l’artiste vit à Ramatuelle sur la Côté d’Azur. Lorsqu’on se penche sur son parcours l’on se rend compte du nombre impressionnant d’expositions dont elle a été l’objet.
JULIANE SCHACK qui affectionne particulièrement l’acrylique car elle sèche très vite, attaquant la toile en couches successives pour que chaque surface abordée ressorte vivante, n’hésite pas à travailler également avec ses doigts ainsi qu’avec des bouts de tissus. Bien que selon ses dires, elle se sent dans l’ensemble plus proche du Classicisme moderne français, elle poursuit l’odyssée de l’Expressionnisme en lui offrant la possibilité d’un autre voyage, parti de la peur et de la révolte, vers les profondeurs d’un questionnement humain éternellement renouvelé.
François L. Speranza.
© Copyright 20012
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L’artiste allemande Juliane Schack a exposé ses œuvres dans la galerie en 2012. Et son billet d’art du critique d’art François Speranza a été publié dans le « Recueil n° 1 de 2012 » par « Les Éditions d’art EAG » dans la Collection « États d’âmes d’artistes » en 2015.
Lien vers la vidéo lors du vernissage de son exposition dans la galerie :
C'est la première fois que je vois la mystique traitée dans un style expressionniste, un expressionnisme qui, associé au symbolisme, renouvelle le thème en remplaçant la piété,nettement religieuse, par la prosternation devant la transcendance, ou encore par l'illumination..
L'analyse de François sur l'expressionnisme, son époque,sa raison, sa nature ainsi que sur Juliane Schack est très éclairante par son propos et son style qui nous épargne toujours un jargon de spécialiste.
Une oeuvre dense et profonde, jaillie de l'âme, inondée de lumière et d'harmonie, aux accords subtils de couleurs comme un vibrant questionnement de l'homme face à la spiritualité, l'éternelle question du genre humain.
Merci François Speranza pour cette découverte, article intéressant!
Bonne journée.
Amicalement,
Pascale
Je ne connaissais pas cette artiste, c'est magnifique. Je vais de ce pas essayer d'en savoir plus sur son travail.
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