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journal de bord, samedi 18 juin 2011 (2)

Introduire une chanson, dire tous les mots (en parlant) qui mettent le public dans l'coup, c'est tout un art. Aussi.

 

La mise en bouche, en quelque sorte.

 

Autant certaines chansons, à mon sens, se suffisent à elles-mêmes (en tant que chansons), n'ont pas besoin de commentaires ...

 

Autant certaines (je m'en rends compte après les avoir écrites, souvent) doivent être "un peu" expliquées. Je ne suis pas forcément sûr, dans ces cas-là, que, si on n'explique pas le contexte au préalable, le public peut être dérouté.

 

Maint'nant, je suis peut-être à côté de la plaque, en ce qui concerne ces opinions à l'égard de mes propres chansons. Mais voilà : on n'est pas toujours le meilleur juge, par rapport à ce qu'on fait. Y a tout ce qu'on voit, tout ce qu'on perçoit, à l'intérieur de soi. Quant à ce que le public, qui est extérieur, perçoit, avec ses propres yeux, eh oui, il peut y avoir un monde de différence.

 

Introduire ses chansons avec des mots (en public) ...

 

Ce n'est pas là que je me sens le plus à l'aise.

 

Oui, bien sûr, s'il s'agit d'un commentaire court (genre "l'indifférence est un phénomène de groupe", sans plus ou genre "je prends souvent le train depuis quelques années", sans rien ajouter de plus ... quand j'introduis une chanson qui parle de train), là, ça va. La formule est concise, limpide. Facile à ret'nir. Percutante.

 

Mais parfois ...

 

Un commentaire, une mise en bouche "parlée", avant une chanson, ne se limite pas toujours à trois ou quatre mots.

 

Ainsi, pour piocher dans mon répertoire personnel ...

 

Une de mes chansons (récentes) s'appelle "LES TAQUES DE LA CHAUSSEE".

 

Je l'aime bien. Je la trouve ... réussie. Au niveau du rythme. Au niveau de l'écriture. Elle me paraît ... finie. Mais, peut-être, hermétique si je me contente de la chanter ... sans rien ajouter.

 

Pour l'introduire, j'ai les éléments ...

 

Tout le monde sait que je suis facteur ... je distribue du courrier dans cinq ou six rues différentes ... dont trois chaussées qui montent, qui montent ... avec des trottoirs pavés, cabossés ... je pousse un caddy à trois étages ... régulièr'ment, le caddy valse par terre à cause des trottoirs cabossés ... la commune, paraît-il, n'a pas assez de sous pour les réparer ... je suis bien obligé, quand je m'arrête devant une maison où je dois distribuer le courrier, de stabiliser mon caddy quelque part, mais alors, il bouche parfois le passage aux gens qui passent (et j'ai peur d'avoir un problème avec les gens qui passent) ... c'est pas tout ... les maisons où je distribue, dans ces chaussées, se suivent les unes à côté des autres ... ça donne des portes avec cinq ou six boîtes aux lettres ... je dois m'arrêter devant elles ... c'est pas tout ... sous ces portes, y a des pierres à deux étages ... y a des seuils ... sur le sol, y a des espèces de taques carrées qui touchent les pierres et les seuils ... je suis obligé d'y poser mes pieds, pour m'arrêter, me stabiliser, trouver mon équilibre pour prendre quand même le temps nécessaire pour mettre les lettres dans les boîtes ... sur les taques, ça grince parfois ... je ressens des secousses, des oppressions dans ma respiration ... un jour, j'ai entendu qu'un ancien facteur était carrément, suite à une taque pas solide, tombé dans les catacombe ... depuis ce jour, j'ai peur ... 

  

Ca nous en fait, déjà, de la matière. Et j'ai pas encore tout dit, si je fouille. Oui, dans cette action, y a aussi le fait ... de pousser le caddy sur la poignée, de l'arrêter, de prendre le temps de s'arrêter devant les maisons, de reprendre quand c'est terminé, de re-pousser le caddy, de s'arrêter à nouveau ...

Bref : des mouv'ments contradictoires qui s'enchaînent.

Et ... la respiration qui traîne, qui ne suit pas.

Et ... la poignée du caddy qui est dure. Sa suspension est lourde. Un peu comme ces volants des voitures du début du siècle passé.

Et ... les gens qui passent à ce moment-là, qui vous interpellent avec des questions précises, dans un moment où vous n'êtes pas réceptif, parce que vous avez le souffle coupé.

 

Oui, ça nous en fait beaucoup, des éléments ... à raconter, pour introduire une chanson.

 

Les aligner les uns à la suite des autres, ça peut être long, pour le public qui vous écoute. Je suis moi-même le premier, quand j'en entends certains, à décrocher à cause de c'là (je l'ai encore vécu, hier soir, en assistant à une soirée contes).

 

Pourtant, ici, en ce qui concerne mon intro, avec les éléments que j'ai cités ...

 

Eh bien, tous ces éléments me paraissent avoir leur importance. Si j'en oublie un, il me semble ... qu'une pièce manque au puzzle. Comment pratiquer ? Comment les aligner ? Comment les dév'lopper ? Comment aller en crescendo, afin que le public vous suive de a à z ?

 

Plus d'un me dit : écris-les. C'est très très juste. Y a, hélas, un problème, avec l'écrit (je l'ai déjà expérimenté) : quand je fige un truc sur papier, non seul'ment ça me pompe, mais au final, je ne suis pas sûr de ret'nir (surtout quand je reprends le truc ... six mois après l'avoir écrit).

 

Très curieus'ment, quand je suis en piste, quand je suis sur scène, que je risque quand même mes intros, je m'en tire. Instinctiv'ment. Le public me suit. Sans réfléchir, je trouve pratiqu'ment toujours des voies de sortie. J'en suis même le premier surpris. J'en suis même ... maqué, souvent. Devrais-je me contenter de ça ?

 

Pas simple, non !

 

Passionnant, oui !

 

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