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journal de bord, mardi 29 mars 2011

Lorsque ... quelqu'un n'est pas de notre avis, ce n'est jamais vraiment la divergence d'opinion qui cause problème.

 

J'en connais plus d'un(e), dans mon entourage, qui pense autrement que moi et qui arrive à me dire ... ce qu'il a à me dire, sans que ça ne me cause problème.

 

Tant qu'on y met la manière, tant qu'on me dit ... ce qu'on a à me dire, au moment où je suis capable d'entendre, de recevoir (de préférence, quand je suis assis), tant que ça ne sent pas la pique, l'insinuation, le cynisme, l'accusation, tout passe ... chez moi.

 

Maint'nant, j'avouerai que le degré de sympathie (ou d'antipathie), d'attirance (ou de répulsion) à l'égard de la personne qui me communique son point-de-vue ... intervient aussi.

 

Le moment choisi, ça c'est vach'ment important pour moi. Je ne suis pas le seul, j'imagine.

 

Je sais, par expérience, qu''il ne faut pas "trop" me contrarier, me contredire, me contrer, cinq minutes avant que je ne démarre un spectacle, ni cinq minutes, ni dix minutes, ni un quart d'heure, ni même une demi-heure après que je sois sorti de scène. Même si le point-de-vue est juste.

 

Ainsi, donc ...

 

Dimanche dernier ...

 

Je donnais, en début d'après-midi, une représentation, quelque part à Bruxelles.

 

Quand je suis arrivé dans la haute maison où le concert se passait (avec la grande porte qui avait du mal à s'ouvrir), le soleil était au rendez-vous, les chaises étaient déjà disposées dans la salle (aux murs blancs et aux nombreuses photos sur les murs). Une fenêtre, dans l'fond, d'où le soleil laissait passer ses rayons. Une cour de l'autre côté, avec des fleurs roses, jaunes pour l'entourer.

 

J'ai rapid'ment vu des gens (que j'avais contactés, informés) dans la salle. Certain(e)s étaient accompagné(e)s. Merci, la vie. Certain(e)s s'asseyent, parlent, créent un climat d'harmonie.

 

On attend le quart d'heure académique. Y en a toujours qui arrivent en r'tard. "On peut comprendre", dit une dame dans la salle, "avec les chang'ments horaires !". Un(e) autre ajoute, sans doute : "avec le soleil, les gens préfèrent sortir". Je souris. Je ne crois pas trop en ces considérations générales, expliquant le "pourquoi du comment" des gens qui arrivent en r'tard, mais bon ... mon envie de commencer à chanter justifie peut-être ce retrait, cette distance qui opère systématiqu'ment dans mon cerveau. Encore l'un ou l'autre qui arrive. De belles surprises, toutes simples. Je reste debout, entre les deux rangées de chaises où les gens sont assis (ou sont en train de s'asseoir). Des regards complices avec plus d'un.

 

Et ...

 

Dans la flopée des commentaires de la salle, évoquant toujours l'arrivée des retardataires, où je participe, je me surprends à dire : "C'est fou, ils arrivent en r'tard au spectacle, à cause de telle ou telle raison, mais ils ne sont jamais en r'tard à leur boulot ou chez l'dentiste".

Dans la salle, une dame réagit : "Je ne suis pas d'accord avec vous ... quand on a dix heures de boulot, qu'on a des enfants, on est fatigué et ..."

J'enchaîne : "Oui, mais on est capables, même avec les difficultés, d'être à l'heure au boulot, et pas au spectacle ... comme on avait besoin d'obligations pour être à l'heure ... comme si le travail était plus important que les loisirs ..."

La dame rebondit : "Non, monsieur, justement, les loisirs sont plus importants que ..."

Et déjà ... l'escalade commence. A partir d'une simple divergence de vues. J'ai encore envie d'argumenter. La dame, dans la salle, ne lache pas son point-de-vue non plus, son ton est carré, l'expression de sa bouche tirée, pas souriante du tout, son chignon gris, ses lunettes et son chemisier ligné font même ressortir le climat.

Et je réponds, après cinq minutes de blanc, sans doute : "Excusez-moi, mais avant un spectacle, je préfère ne pas aborder une discussion de fond".

Je file, d'un pas décidé, dans la pièce voisine, où des gens arrivent encore, où y a une table sur laquelle l'accordéoniste (qui anime égal'ment l'après-midi) et moi avons déposé des livres et des CD's. Là, on m'offre un verre de vin. Le spectacle va commencer dans quelques instants. Je parle avec une autre personne. Je suis encore tendu. Cinquante pour cents de mon énergie se sont (momentanément) envolées dans les airs. Je suis d'accord : c'est moi qui ai involontair'ment provoqué un débat, en donnant un avis sur les gens qui arrivent en r'tard. Je suis d'accord : la dame, dans la salle, a dit ce qu'elle avait à dire, et elle n'avait pas tort. Mais bon : on ne contrôle pas toujours les phrases qui nous échappent. Mais bon : ça fout les boules, quand même. Heureus'ment que j'arrive (maint'nant) à calmer un peu l'jeu quand il est encore temps.

 

Et le spectacle se passe. L'accordéoniste démarre. Je le suis. Nous nous alternons. Quand vient le moment où ma chanson sur "LES TAQUES DE LA CHAUSSEE" surgit, voilà que ... l'accordéoniste m'accompagne au feeling et donne une note juste et surprenante à ma chanson. Nous n'avons pourtant répété qu'une fois. Je suis quand même sous le charme (ou sur le c...). Le gars, il est très fort, c'est un premier prix de Conservatoire. Et je sais déjà que si je devais enregistrer ma chanson en studio, je fais appel à lui, immédiat'ment. Je regrette de ne pas lui rendre la pareille (instrumental'ment) quand il enchaîne avec son accordéon. J'ose croire que mon sourire, quand je me suis assis, l'a convaincu. Le sol crisse au fil des morceaux. Et je surprends régulièr'ment, dans l'public, la dame au chignon gris, qui n'était pas d'accord avec moi, au sujet des gens qui arrivent en r'tard : je la découvre soudain attentive et ... captivée par mes chansons. Gjovalin, l'accordéoniste, parle, avec son accent venu tout droit d'Albanie, un français qu'on comprend très bien, où l'humour n'est pas exclu (j'aime quand il évoque, avec ses mots, le sens de la ... fidélité).

 

L'entr'acte arrive. Y en a qui vont fumer dans la cour. Des nouvelles personnes arrivent.

 

La seconde partie ne se fait pas attendre. Un jeune couple est arrivé. Un autre gars s'est assis sur une chaise, aussi.

 Je chante une chanson au piano. Gjovalin évoque, le temps d'un morceau, les Balkans. Y a des enfants dans la salle. L'un d'entre eux s'agrippe à l'épaule de son père et crie de temps à autre. Curieus'ment, quand je lache l'instrument de musique et que je parle, le gosse se tait à la seconde même. Les murs sont hauts. Accordéon, guitare, accordéon, piano, accordéon. Quand je termine ma chanson "J'AI PERDU MON BIC", un gosse me tend ... son bic. Surprises, surprises. Le piano accompagne bientôt l'harmonica, les photos se prennent. Chansons, chansons, chansons. On arrive bientôt à la fin. On nous réclame un "bis", deux "bis". On s'exécute. Gjovalin reprend "Comment ne pas perdre la tête ?", ce célèbre morceau français. On invite le public à danser. Brusquement, une jeune dame sort de l'assistance, rejoint notre duo et chante le morceau de tout son coeur ; sa voix à la Piaf transporte le public, même si ses trous de mémoire sont fréquents (le '"life" fait passer tell'ment de choses).

 

On se retrouve bientôt tous, dans la pièce d'à côté. Vin rouge à l'honneur. Celle qui chantait Piaf (elle s'appelle Estelle), son homme (ou son mari) et moi, on sympathise. Elle serait si heureuse de rencontrer un musicien qui l'accompagnerait. J'embraie, je dis "oui" tout de suite. Vas-y donc. Ils réévoquent mes morceaux, avec beaucoup d'enthousiasme.

 

 "J'aimais tout ... sauf, peut-être, le dernier morceau, auquel j'ai moins accroché", dit Estelle, avec le sourire. Le vin me plaît.

 

 "J'aimais tout ... sauf, peut-être le dernier morceau, auquel j'ai moins accroché".

 

 Evidemment, ce détour de phrase, je l'ai entendu (même s'il a glissé parmi plein d'autres). Je rencontre, dans l'assistance, une dame, à côté, venue du Québec et qui me compare à Gilles Vigneault (évidemment), même si mon registre de chansons est différent.

 

 "J'aimais tout ... sauf, peut-être, le dernier morceau, auquel j'ai moins accroché"

 

Merde : ça commence à me trotter. Merde : ça commence à me travailler. Allez, je gère encore. Une fraction de seconde, j'ai envie de lui demander : "qu'est-ce qui ne t'a pas accroché, dans cette chanson ?". Mais je suis encore trop sensible pour risquer ce type de question. Je réponds aux rires du bonhomme (ou du mari) d'Estelle qui est informaticien et qui ne se réjouit pas trop de son boulot. Un autre gars, un, peu plus loin, me parle d'un scénario de cinéma où il était question ... d'un facteur.

 

Comme par hasard, mon métier officiel ne s'est pas égarée dans l'oreille d'un sourd. Le contraire serait étonnant. On me pose des tas de questions sur le sujet. Evidemment. A un moment donné, une voix m'interrompt en me disant : "donc, tu rentres au boulot sans terminer ce que tu as à faire" (sans me laisser le temps de poursuivre et de dire comment je m'organise, ensuite, pour accomplir mon boulot jusqu'au bout). Ca m'incommode ... un peu beaucoup. Inutile de préciser que la personne qui m'a interrompu, c'est ... Estelle.

 

Je coupe court. Je file m'asseoir dans un divan. Je ferme les yeux. "J'aimais tout ... sauf, peut-être, le dernier morceau auquel j'ai moins accroché", "Donc, tu rentres au boulot sans terminer ce que tu as à faire", c'est assez à digérer. Relativiser, OK. Mais les nerfs, mais le corps, mais le coeur, eux, l'entendent autrement. Une pause, une pause, une pause. D'accord, le "dernier morceau", c'est ma dernière composition, je ne la possède p'têt pas encore vraiment. D'accord, d'accord, je m'exprime trop longu'ment, d'accord les gens ont envie de réagir dans le vif du sujet ... sans pour autant se donner la patience d'écouter jusqu'au bout, d'accord d'accord. Mais ... à p'tites doses, s'il-vous-plaît !

 

Cinq minutes plus tard, dans l'divan, toujours ...

 

Devinez qui vient me réjoindre !

 

"Je t'écoute, Estelle !"

"Ce n'est pas Estelle, c'est Esther !", dit-elle, sur un ton fauss'ment choqué.

Allez : encore un match nul ! Et elle commence à refaire des chichis. Et je décroche. Et elle ne s'en rend même pas compte. Et elle continue. J'ai pas la force de lui répondre (je n'essaie même pas). Je lui adresse juste, en toute gentillesse, des soupirs avec ma bouche ... qui me font du bien et qu'elle ne relève même pas.

Elle me balance, pour terminer : "je ne sais pas si c'est le moment de s'échanger nos numéros de GSM". Sur un ton incroyablement désinvolte, je lui réponds : "si tu veux". Et elle s'arrange pour sortir, de son sac, les bricoles nécessaires.

 

Je ne peux mal de la rapp'ler, pour l'instant.

 

A moins qu'un bel oiseau, demain, ne m'apaise ... comme il le fait à chaque fois.

 

Je résume : le moment et la manière, pour dire les choses, c'est capital.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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