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journal de bord, mardi 24 mai 2011

Sur les chemins de Compostelle (deuxième étape prévue) ...

 

Entre Hastière et Inzemonts, c'est le cas de le dire, ça grimpait. Pour un début, y avait intérêt à garder l'énergie. Et ... les balises, c'est l'coup classique, n'étaient "pas trop" mises en évidence. Certaines, très petites (parfois presque effacées) étaient cachées derrière des plantes vertes qui poussaient à côté des murs (où on a placé, parfois beaucoup trop bas, les balises).

 

Arrivé au sommet de la première montée ...

 

Passé Inzemonts, sur un terrain (enfin) plat ...

 

Mon GSM a sonné. Un appel qui semble venir droit du large. Quelqu'un m'a laissé un appel. Surprise. Qui c'est donc ?

Je vérifie.

Coup d'bambou. Je n'ai pas eu une très bonne nouvelle. C'était un message d'une de mes amies conteuses, qui réagissait (avec sa sensibilité), suite à un "journal de bord" où j'évoquais une soirée contes (à laquelle elle participait), qui avait p'têt' l'honnêt'té de me dire ce qu'elle sentait, mais qui interprétait mal (non : à sa façon) le commentaire que j'avais fait sur elle. Ca arrive.

 

Sur la route, le soleil tapait.

 

Six kilomètres plus loin, au bout d'une heure et d'mie de marche, je me trouvais à Ermeton-sur-Meuse.

 

Je suis tombé sur une indication adressée aux ... pél'rins de Compostelle. Avec l'auto-collant bleu où la coquille est représentée en jaune. On déconseillait, pour le moment, aux marcheurs, de prendre le chemin "prévu" de droite. Suite aux tempêtes récentes, des arbres ont été déracinés. Chemin impraticable. On précisait, sur le mur : aller jusqu'au passage à niveau, emprunter (juste avant) le Ravel en direction de Mariembourg, s'arrêter au bout de dix kilomètres à Doische (près de la gare) où les chemins de Compostelle rejoignaient, à cet endroit, le GR 125.

 

Bon.

 

J'aurais déjà voulu, à Hermeton, m'arrêter au bistro, au premier tournant qui suivait le pont avec le ruisseau. Mais il était fermé ... malgré les parasols ouverts.

 

J'ai entamé, ensuite, le fameux "Ravel" de dix kilomètres. J'y ai croisé un groupe de cyclistes (des élèves avec leur maîtresse).

Et ...

Le chemin, éternell'ment en ligne droite. A n'en plus finir. Toujours, toujours. Des arbres, des feuilles à gauche. Des arbres, des feuilles à droite. Parfois, un pont. Parfois, une intersection de route. Parfois, une maison. A un moment donné, une espèce de grange (en forme de chalet) où un cheval (ou un âne) dépasse la tête. Ca n'en finit pas. Je le sens sur les épaules. J'ai soif.

 

Et ... ce coup de GSM de l'amie conteuse qui me trotte dans la tête, qui m'obsède.

Et ... personne d'autre qui appelle.

Et ... personne que j'ai la force d'appeler. Si, y en a une, mais celle-là, aux dernières nouvelles, elle n'a plus de crédit.

 

Et la route qui continue. Agimont. Une autre route perpendiculaire, au loin, puis de près. Mmm. Je reconnais, à l'horizon, l'ex poste-frontière qui mène à Givet (France). Ca va, l'issue arrive. L'ex-gare de Doische va montrer le bout de son nez. Et ... je rumine, tant et toujours, le fameux coup de GSM, ça ne s'efface pas d'un coup de baguette magique.

Et ... je repense à une autre conteuse de la soirée de vendredi. Je l'appell'rai Emmanuelle. Que j'aime beaucoup. Envers laquelle je me prends d'une hyperaffection. Qui n'y est pas insensible. Mais qui se contente d'en sourire ... jusqu'à un certain point. Et je pourrais faire tout ce que je veux, c'est peine perdue. Je le sais. Je le vois. La vérité me saute à la gueule. Je sue, je souffre. Je pleure de tout mon sou. Sans rien laisser paraître. Mais c'est rien. Identifier ses pleurs (ou ses cris), c'est déjà voir clair, c'est déjà avancer.

 

Gare de Doische. Tiens ! Mon père avait un client, y a une paire d'années, quand il était représentant, qui habitait à cet endroit et qui avait un tic : à tout bout de phrase, il disait : "Hé donc !". Le bâtiment a été repeint en blanc.

Encore un kilomètre avant d'atteindre le village, à proprement parler.

Je passe au "P'tit Delhaize" du coin m'acheter une pomme et une bouteille de Spa.

 

Et je tombe encore sur ... une connaissance. Un gars du coin, chez qui j'ai fait une émission, y a vingt-cinq ans, à Radio Fenil (ça n'existe plus). Il m'invite dans sa demeure. Boire un verre. Son fils est éducateur à Liège, sa fille tient un commerce de bijoux dans la région de Namur. Le gars est passionné de chanson française. Il m'amène trois anciens "vinyls" de Georges Chelon (chanteur que j'adore), que j'identifie tout de suite. Je connais la plupart des morceaux par coeur. J'en profite ensuite pour lui jouer deux de mes dernières chansons, avec ma guitare.

 

Malheureus'ment pour lui, je suis fatigué. La marche, ça vous épargne pas. "Tu chantes souvent dans la région de Charleroi ?" "Y a du monde quand tu passes par là ?" Parfois, même quand on connaît la réponse, on n'a pas envie de répondre. Le gars m'évoque, ensuite, le jour où il m'a croisé à Redu, dans les années 80 (je m'en souviens, c'était lors d'une foire, je chantais quelque part, sur la place, assis sur une chaise). Je rends l'âme. Les images anciennes redéfilent dans mon cerveau, mais, en cet instant, j'ai envie de les balayer. Les souvenirs ont beau être intacts dans la mémoire, ils peuvent, à un certain moment, m'épuiser, me faire mal.

 

Le "pote animateur de radio" m'a accompagné, quand j'ai repris la route jusqu'à l'église de Doische. Il m'a donné une grosse bouteille d'eau pétillante. Merci, l'ami !

Il m'a même déconseillé de prendre le chemin à droite jusque Hierges. Tout droit, d'après lui, c'était plus simple. Mais voilà : j'avais quand même envie de suivre les balises du chemin de Saint-Jacques. Tout crevé pouvais-je me sentir, je restais (faut me connaître) du genre à suivre mon objectif comme je l'avais décidé.

Le "pote" m'a dit aussi que, si je ne trouvais rien, je pouvais toujours l'appeler et venir chez lui.

Les anges gardiens ne manquent pas sur nos routes.

 

Les côtes sont revenues. Les lisières aussi. Durant trois ou quatre kilomètres.

 

Je suis arrivé, ensuite, au village de ... Vaucelles.

 

Il n'était pas encore dix-huit heures. Encore heureux ! Je pouvais encore marcher deux ou trois heures, s'il le fallait. Le prochain village, c'était Hierges (en France). S'il n'y avait pas moyen de loger là-bas, eh bien, y avait encore moyen de filer jusque Mazée, mettre encore deux heures pour marcher (bien sûr), mais bon, on s'en tire comme on peut : dans ce village-là, selon le guide, y avait aussi des possibilités de dormir.

 

Une chapelle recouverte d'un tas de feuilles. Rue du 8 Mai 45 (redev'nue, apparemment, rue de Hierges), sur la gauche. Un grand château qui se dessine. Je l'avais déjà aperçu, sur ma route, dans le lointain, quelques heures auparavant.

 

J'ai débouché sur Hierges. Village remarquablement conservé. Malgré le peu de kilomètres qui nous séparent de la frontière, on sent franch'ment une différence de climat.

 

Sur la place principale ...

 

Tilt ! Une terrasse, une taverne. Son nom : "La Causerie des Lilas". Jean-Marc, un pote de chanson (et de rando) y est déjà passé. Il m'avait dit, avec enthousiasme : "Vas-y, le gars qui tient ça, c'est un copain, t'y vas de ma part, tu pourras loger sans problèmes !". Ma foi, essayons. On ne sait jamais. Je m'avance. Je perche mes yeux. Oui, on s'y restaure. Oui, on y fait chambre d'hôtes. Mais les belles portes en bois brun sont fermées. Manque de bol : l'établissement est ouvert essentiell'ment le week-end et les jours fériés.

 

Je poursuis la route ... pavée. Tout n'a peut-être pas encore été exploré. Y a peut-être encore un autre gîte. Sinon, eh bien, on prendra son courage à deux mains, comme on se l'est promis, et on tent'ra l'ultime offensive jusque Mazée.

 

Je tombe sur un couple, dehors.

"Excusez-moi, mais vous ne connaissez pas un endroit, ici, où on peut loger ?"

Comme c'est dur, pour moi, de faire la démarche ... de faire ce genre de demande.

"J'ai une chambre si vous voulez, c'est trente euros la nuit"

Je n'en reviens pas.

Si, c'est vrai, il existe des gens qui louent des chambres, sans s'afficher extérieur'ment.

 

Le gars et moi, on sympathise directement. On règle la somme directement. Chose due chose faite. Lui, c'est le Français accueillant, chaleureux, simple, comme on aime les rencontrer. Il est ouvrier, mais il ne peut, vu les circonstances dans lesquelles son boulot évolue, travailler régulièr'ment. Toute une pièce où je pourrai dormir (un ancien garage).

 

Et ... il aperçoit ma guitare. Et ... il me demande ce que je fais. Ma foi, je rentre dans les explications. Et ... il se fait un honneur de m'inviter "manger" chez lui. A condition que je lui joue des morceaux. Et ... il me dit qu'il a déjà reçu, dans sa demeure, un musicien qui joue du synthé.

 

J'ai fait connaissance avec sa femme. On sentait beaucoup d'amour, de connivence entre eux. Comme ces couples qui traversent les années en tendresse et qui se comprennent, avec le temps, sans être obligés de passer par les explications. On a mangé des croquettes de poisson, du riz et de la salade. Tous les deux, ils s'excusaient toutes les trente secondes : "Désolé, ce qu'on fait, c'est tout simple !". Justement, les amis, c'est ce que j'aime.

 

Roger (c'est son prénom) m'a montré, sur Internet, un long"blog" qu'il a conçu, où il était question ... des fêtes médiévales à Hierges, où on voyait une ancienne salle du château, où y avait un lac qui n'en était pas un.

 

J'ai chanté à leur balcon. Il a pris des photos ... et des photos. J'ai retrouvé, en chantant, l'état de fraîcheur que je trouve, à certains moments, quand je donne des spectacles dans un moment où je suis en super forme, où tous les gestes que je sors (y compris les trous et les fausses notes) me paraissent agréables, divins, surprenants. Hugues, tu renaîs parfois à toi-même ! Hugues, il te suffit, parfois, en chantant, d'être le spectateur de toi-même et ... t'épater, ça coule de source ! Le reste suit. Mais qu'on ne s'illusionne pas : quand on s'exprime en chantant, quand ça marche sans rien forcer, c'est, comme par hasard, grâce à l'ambiance autour, grâce aux gens qui sont là, qui font les trois quarts du spectacle à ta place. Sacha Guitry et Fernandel, ces grands mythes du théâtre et du cinéma, raisonnaient pareil à l'égard de leur public.

 

Roger a fini par contacter, sur son portable, le responsable de la fameuse "Causerie des Lilas", où j'avais trouvé porte de bois quand j'étais arrivé au village. Comme quoi !

 Oui, le gars (il s'appelle Jean-Michel) a fait un détour, en vue de ... me rencontrer. Il a écouté ce que je chantais, m'a souri avec énormément de bienveillance. Même s'il a du partir avant la fin de ma chanson, parce qu'une personne venue d'ailleurs app'lait et avait besoin qu'on la guide pour la route.

 

Que du bonheur, en somme !

 

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