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journal de bord, mardi 22 mars 2011

 

Le droit à la tranquillité, quel vaste sujet !

 

Dieu sait si, comme toute personne humaine qui se respecte (ou s'efforce de se respecter), j'y aspire.

 

Même si, à tout bout d'champ, notre "tranquillité" (relative) est (ou semble) mise ou remise en cause.

 

Mmm.

 

Comment trouver, retrouver sa tranquillité ... sans porter préjudice aux autres ?

Comment maint'nir sa tranquillité en équilibre ... sans porter préjudice aux autres ?

 

Je me revois, dimanche dernier, vers huit heures du soir ...

 

Dans le train, parti de Quiévrain, où j'avais trouvé une place assise plus que confortable, dans un compartiment. Pour moi tout seul (pratiquement). 

 

Dehors, de l'autre côté de la f'nêtre (du train), une espèce de grosse lune ralliait, à elle toute seule, la Grande Ourse et les étoiles polaires.

 

Sur mon siège, je recommençais, à p'tits pas, à p'tites doses, à respirer normal'ment.

 

Faut dire ...

 

Une demi-heure, trois quarts d'heure avant, je me trouvais chez une amie, où y avaient deux chiens et un chat, où la pièce principale était surchauffée. En plus, je regardais l'horloge tourner. Plus que vingt-cinq minutes, plus que vingt minutes avant le prochain train. L'attendrai-je encore ? Mon corps en était compressé et la crise (d'asthme) n'a pas tardé à se déclarer, du côté de mes poumons. Quelle en était la cause ? Les animaux ? La chaleur ? Les deux conjugués ?

 

Toujours est-il que ...

 

Dans le train (enfin), assis à ma place, certain d'être (enfin) reconduit presqu'à domicile, sans devoir me battre pour ça, je me laissais bercer, emm'ner.

 

Cinq, dix minutes se passent après le départ ... depuis Quiévrain.

 

Dans l'aisance procurée par le simple fait d'être assis ...

 

Evidemment, je rêvasse.

Evidemment, plein d'invités (comme dirait quelqu'un que je connais) envahissent mon écran intérieur.

Evidemment, un fond de musique s'en mêle.

Evidemment, mental'ment, je finis par revisiter mes chansons. Comme par hasard, je mémorise l'une d'entre elles ... que je joue au ukulélé. Machinal'ment, instinctiv'ment, je retrouve mes accords. Mes doigts suivent. Juste, juste un accord bien précis dont j'oublie la case exacte sur l'instrument. Je décide de ne pas y penser, d'y rev'nir demain. Mais ... c'est impossible.

 

Et voilà que ...

 

Dans l'train, j'ouvre la housse de mon ukulélé, je finis par avoir l'instrument en main, je joue le morceau, je retrouve l'accord oublié, je découvre des finesses nouvelles sur le morceau (que je garderai peut-être définitiv'ment), je plâne, je me rôde sans l'avoir établi.

 

De l'autre côté de la fenêtre, les p'tites gares défilent.

 

Et je joue, et je joue, et je joue.

 

Et voilà que ...

 

Un gars s'amène. D'origine ... arabe. Sympa. Il commence à manifester de l'enthousiasme pour mon instrument. Il me demande si je ne suis pas professeur (comme s'il s'adressait à un grand maître). Son français semble approximatif. IL me regarde dans les yeux. Il me pose des questions.

 

Et ...

 

Voilà que je recommence à tourner de l'oeil. Rien qu'à voir, qu'à sentir la présence de quelqu'un dans les parages, dans un moment où j'ai besoin de garder mon espace, mon coeur s'emballe (ou ... s'empale). Rien que ... écouter l'gars, rien que ... me concentrer, m'appliquer pour comprendre ses bouts d'phrase (en vain), rien que ... m'arranger pour donner des réponses correctes, rester poli, je suis lessivé, pas rassuré. Quand va-t-il sortir, le gaillard ? Je pourrais le lui dire. Aimablement, de préférence. Mais même ça, c'est trop. J'aim'rais tant que les choses se passent comme je le souhait'rais, sans être obligé de me battre, de m'épuiser pour les obtenir.

 

"Vous êtes fatigué ?", poursuit-il.

 

Je lui réponds, en souriant, que je décompresse, suite à une crise d'asthme.

 

Du tac au tac, dans le but de ... me rendre service, il ouvre trois fenêtres dans l'compartiment. Assez fermement. Je ferme les yeux.

 

Je deviens dépendant de son départ. Sans l'vouloir, il m'use jusqu'à la corde, le mec.

 

Je résume : je me suis assis (librement), j'ai commencé à jouer (librement), un gars est arrivé (librement) grâce à la musique que je propageais, le gars m'a parlé (librement) et ... je ne me suis plus senti libre. Suis-je donc à ce point responsable des effets que je suscite, même si ces effets ne me font guère de bien ? Dois-je donc fermer ma gueule ? Dois-je donc souffrir en silence ?

 

Gare de Quaregnon. Gare de Jemappes.

 

Le gars s'envole enfin. Ouf !

 

Gare de Mons.

 

Pas mal de gens grimpent dans l'train.

 

Un jeune "ket" (on pourrait dire : un Gavroche) vient s'asseoir sur le siège voisin du mien.

 

"Monsieur, vous êtes musicien ?"

 

Ca y est, ça r'commence. J'ai pas droit à la paix. J'ai pas droit à mon salut. Ah, il a une bonne bouille, le nouveau voyageur. Je n'ai même pas le temps de répondre à sa question qu'il enchaîne déjà : "Je dois descendre à Braine-le-Comte, je vais voir ma fille". Est-il déjà séparé de la mère de sa gosse ? La mère a-t-elle déjà trouvé un nouveau père ? Il a l'air attachant, ce nouveau voyageur. Je finis par apprendre qu'il est encore (pour pas longtemps) sans emploi, qu'il aura un log'ment dans trois mois et qu'il pourra ainsi se mettre en ménage. D'accord d'accord. Il me plaît déjà mieux que le voyageur précédent, mais ... il est trop près de moi. D'accord, on ne choisit pas. Je me distrais en regardant de l'autre côté de la fenêtre. La grosse lune brille toujours. Le contrôleur (qui a déjà vérifié mon billet et qui s'est montré sympa avec moi) déboule dans le compartiment et s'arrête devant mon "jeune" voisin. L'adrénaline commence à monter entre les deux. Visiblement, le "jeune" gars n'a pas payé son ticket. Visiblement, le "jeune" gars trouve ça normal (d'après le peu que j'écoute, que je capte) de ne pas payer parce qu'il n'a pas beaucoup d'argent sur son compte. Evidemment, le contrôleur ne l'entend pas de cette oreille. Evidemment, le contrôleur lui donne un avertiss'ment. Le "jeune" gars proteste. Le contrôleur s'en va. Dix s'condes plus tard, le "jeune" gars quitte le compartiment, fait claquer la porte d'entrée et gueule : "Connard !"

 

Gare de Soignies. Gare de Braine-le-Comte.

 

Je me remets. Je me retape. La crise d'asthme est pratiqu'ment terminée.

 

Quand je pense aux multiples fois où, dans l'train, j'ai sorti ma guitare, j'ai chanté, avec l'intention de communiquer, sans qu'aucun voyageur ne réagisse et que j'en ai eu très mal au coeur ...

 

Où est donc le point d'ancrage ?

 

Je garde aussi le souv'nir de ce gamin de treize ans, y a deux ou trois mois, qui m'avait entendu jouer dans un compartiment, qui était venu me parler de son rêve de jouer de la batt'rie et qui avait cessé de suivre des cours à l'académie parce que (selon le professeur, j'imagine) ... il n'avait pas le rythme.

 

Y a de quoi se poser bien des questions.

 

Quant à la tranquillité recherchée ...

 

J'arrive toujours à la trouver, un jour plus tard, quand je revisionne, chez moi (dans mon bain, dans mon lit) ces mêmes évén'ments à mon rythme, quand je les apprivoise, quand je les accepte.

 

Et ... je ne regrette jamais, au bout du compte, tous ces instants pris, vécus sur le vif et si enrichissants.

 

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Commentaires

  • Salut l'ami, continue à jouer dans l'train!!!! Allez à une prochaine - Je t'embrasse Dolorès
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