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journal de bord, dimanche 13 février 2011

 Dans un cabaret bruxellois, où je me suis rendu, ce soir ...

 

J'ai eu la grande chance de découvrir Simon Delannoy. Il a une voix très sensible. Il dégage une très très grande gentillesse. Accompagné d'un batteur et d'un contrebassiste. Il a évoqué, parmi tant et tant d'images qui nous emmènent, un Giverny où Manet (ou Monet) passe, la désillusion quand on entend un "non" pour passer dans la première partie d'un certain Salvatore, les gens qui balaient plus devant la porte des autres que la leur ...

 

Des phrases, des chansons que j'aim'rais réentendre, à l'av'nir.

 

Au cours de la soirée ...

 

Entre un feu ouvert ...

 

Entre une copine très franche qui fait les entrées et savoure son cigarillo, dans la cour, de temps en temps ...

 

Je n'ai pas, non plus, oublié la raison pour laquelle je me rendais dans ce cabaret : trouver une date avec la tenancière, cette année, pour que j'y chante.

Faut préciser : je chante au moins une fois par an dans ce cabaret depuis sa création (1996).

J'en garde des moments très forts.

Et une envie, qui se renouvelle d'année en année, d'y passer à chaque fois, en tenant compte des chansons que j'ai écrites entre temps, et de l'évolution, à pas lents, qui se trame toujours un peu derrière.

 

Général'ment, quand je passe dans ce cabaret, c'est en avril. La tenancière s'arrange, comme elle le peut, pour faire coïncider la date de ma prestation avec celle de mon anniversaire.

 

Je me suis abstenu, durant toute la durée du spectacle, d'aller la déranger. Elle était occupée derrière le bar. Je me suis dit : tout à l'heure, il sera toujours temps.

 

Et le temps passe ...

 

La prestation du chanteur annoncé a le temps de se terminer ...

 

Des gens restent aux tables, savourent une grosse bière. Une jeune photographe, venue tout droit de Louvain-la-Neuve, semble avoir eu un coup d'coeur pour le chanteur.

 

Et je finis quand même, à un moment donné, par trouver la tenancière.

 

"Il faudra qu'on trouve une date !", me dit-elle, effectiv'ment.

 

Un blanc de silence.

 

Elle dit, à un moment donné : "Je voudrais quand même te dire ... j'avais été assez déçue de ta prestation de l'année dernière ... tu jouais avec une vieille guitare ... et ta voix ne donnait pas ... tu étais en dépression, ça se voyait bien"

 

Je me demande si elle évoque bien ma prestation, dans son cabaret, d'avril 2010, où j'avais interprété l'une ou l'autre chanson au piano.

Il s'avère que c'est bien celle-là.

 

J'écoute la critique. Sereinement. Elle sait de quoi elle parle, la tenancière. C'est toujours important, quand on fait de la scène, d'écouter le point de vue de ceux (ou celles) qui vous entendent, vous écoutent, vous ré-entendent, vous ré-écoutent.

 

Ma mémoire se remet en marche.

 

Et je me revois, en avril 2010, dans ce cabaret. En train de chanter (avec un tea shirt noir).

Je revois des images phares de cette soirée.

Je revois, je revis surtout (rien qu'en pensée, par la grâce de ma mémoire) l'état d'esprit dans lequel j'étais quand j'ai presté.

 

Très curieus'ment ...

 

Moi, j'avais très bien vécu la prestation que j'avais donné.

Je sais que je n'étais pas en dépression, le jour où j'ai donné cette prestation.

Je sais que je n'étais plus en dépression, le jour où j'ai donné cette prestation.

 

Oui, j'avais vécu, quelques mois au préalable, deux mois et demie d'arrêt d'travail.

Mais je m'étais déjà ré-épongé ... lorsque j'avais donné mon spectacle en avril.

Le temps que j'avais passé, durant ces deux mois et demie d'arrêt de travail, je l'avais consacré à me recentrer, à apprendre à vivre beaucoup plus tranquill'ment.

J'avais surtout compris, réalisé durant ce temps d'arrêt d'travail, que les nombreuses années que j'avais passées à courir après l'objectif, courir après le contrat comme on court après le bus, ça ne me faisait plus de bien.

Donc, j'avais peu à peu appris à respecter mon rythme respiratoire, mes états de fatigue ... et j'en passe.

 

Et quand je me suis remis au travail, avec des bases nouvelles, je me suis senti un autre gars.

 

Et, pour l'avoir vécu de l'intérieur, je témoignerai ...

 

Dans le cabaret bruxellois ici présenté, je n'ai jamais vécu, en tant qu'acteur de la soirée, en tant que chanteur programmé, en avril 2010,  une prestation avec autant de bonheur, de légèreté. Je vivais chaque chanson, chaque geste à mon rythme. Je regardais le public, autour de moi, avec une tendresse que je n'avais jamais vécue, ni ressentie auparavant. Je m'étais tenu à huit chansons dans les deux parties, en tenant compte des remarques de la tenancière (qui savait de quoi elle parlait), alors que ... les autres années, elle me le disait déjà, mais je ne m'en préoccupais pas.

 

OUi, j'ai donné peut-être moins de voix que d'habitude. Ca, je m'en rappelle. Mais je donnais peut-être cette (autre) voix avec plus de sincérité que les autres années. Il m'est souvent arrivé, dans bien des prestations précédentes (dont plus d'une dans ce cabaret), de forcer sur les effets vocaux, par peur de ne pas être entendu. Bon, d'accord. Mais ... d'un autre côté, la voix est aussi (ou doit être aussi, en principe) un reflet important de l'âme.

 

 Et en me contentant de laisser passer ma voix comme elle se trouve, il m'est arrivé plus d'une fois d'entendre aussi (surtout depuis un an) : "C'est fou, Hugues, même quand tu murmures, on t'entend !"

 

Très curieusement ...

 

Il m'est aussi arrivé de chanter (dans ce cabaret ou d'autres endroits) en étant (personnell'ment) à fleur de peau, en étant réell'ment en dépression, en venant de subir un chagrin d'amour (dans le cabaret ici cité, je me suis un soir écroulé en larmes, en coulisse, juste après un spectacle) ... sans que ça ne nuise à mon spectacle ... et sans que ça n'empêche le public de me montrer son raviss'ment à l'égard de ma prestation.

 

Le fait d'aller réell'ment mal suscite-t-il la performance extraordinaire dans le spectacle ?

Aller bien (et en tenir compte en chantant), est-ce un gage d'échec ou de déception ?

 

Que de questions ! Que de mystères !

 

Effectiv'ment, si je repasse un jour dans ce cabaret, je veill'rai à jouer avec ma belle guitare. Même si, en fonction de mon bien être personnel, je préfère la vieille (qui, à mon sens, a plus d'âme) ... mais j'ai peut-être le tort de projeter (comme tout un chacun) mon bien être chez ceux (et celles) qui viennent m'écouter chanter.

 

Quand je suis sorti du cabaret, je n'avais toujours pas de date prévue. Mais ... je l'ai accepté. Après tout, c'est important d'agir en vue d'obtenir ce qui nous est important. Quant à lutter contre la disposition des autres, quant à lutter, dans certains cas, contre l'impossible, j'y renonce, maint'nant. S'échiner en pure perte, alors qu'en franchissant la porte de sortie, des milliards de nouvelles portes sont (et seront) peut-être prêtes à vous accueillir, ça ne tient plus en route.

 

Bien sûr, j'ai eu mal au coeur en quittant le cabaret. Bien sûr, j'ai eu mal au coeur en reprenant le métro.

 

Mais, paradoxal'ment, je me sentais plus solide. Y a une paire d'années, je me serais effondré, j'aurais douté de moi, j'aurais pris le conseil de la tenancière comme parole d'Evangile. Maint'nant, j'arrive à rester centré. J'ai vécu cette prestation, en avril 2010, avec bonheur, raviss'ment, étonn'ment ... et ça m'appartient. La tenancière du cabaret a vécu ma prestation comme décevante, avec toute une série de raisons louables ... et ça lui appartient.

 

La tenancière, chanteuse elle-même, envisage aussi de refaire un CD. Je la soutiens à fond dans son projet. En connaissant l'état de fatigue qu'elle vit, chaque semaine (depuis quinze ans), rien qu'en organisant ses soirées, rien qu'en réglant des factures, rien qu'en soignant son lieu, je me doute qu'il ne lui reste plus beaucoup de temps pour se consacrer à sa vie d'artiste, en tant que telle.

Et elle envisage, dans ce laps de temps, de ne plus programmer de spectacle.

Avril, mai, juin semblent compromis.

Quoi de plus normal ?

 

Revenons à la fameuse soirée d'avril 2010, où la tenancière m'a trouvé décevant, parce que ma voix ne sortait pas, parce que j'étais en dépression et que ça se sentait ... et qui ne me propos'ra peut-être, de ce fait, pas de contrat cette année (et c'est son droit !)

 

Je pose (ou je me pose) une question.

 

Qui dois-je désormais privilégier ? Le gars que je suis, avec son bien être personnel, y compris dans mes spectacles ?

Ou ... le gars que j'ai été, durant des années, c'est-à-dire le personnage public qu'un certain nombre de gens ont enregistrés, qui passait peut-être avec plus de punch que maint'nant, même si c'était aux dépens de mon bien-être personnel ?

 

Je connais la réponse.

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