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Jeanne et Thomas JGobert

Dans un petit local où l’ampoule dénudée éclaire des visages chagrinés, le silence règne en maître. Tous s’observent. Tous se regardent. Pour parvenir dans ce lieu, une petite ruelle sombre avec une porte cochère qui donne dans un couloir étroit mal éclairé. Un long chemin à parcourir avec soi-même pour arriver à cet endroit.

Certaines personnes se connaissent. Ils se côtoient depuis un moment. Ils savent.

Bien des années plus tôt, Jeanne a traversé une période très difficile. L’enchaînement d’une vie stressante, bouleversée. Divorcée, elle a quitté sa maison, son quartier, ses voisins. N’arrivant pas à faire surface, elle a perdu son boulot et ses amis. Ceux-ci se sont dispersés pour disparaître peu à peu et tout a tourné au cauchemar.

Jeanne veut se battre seule. A la recherche d’un travail, elle sonne aux portes, envoie ses coordonnées, laisse son numéro de téléphone. Et le soir, pour se réconforter, Jeanne prend l’habitude de boire un verre. Un verre pour s’apaiser, un verre pour se détendre. Chaque soir, c’est devenu un rituel. Un petit verre salvateur, un ami qui l’attend dans cet appartement vide. Tous ces petits verres l’aident à trouver l’instant plus agréable. Ils deviennent nécessaires à sa vie. Jeanne ne s’inquiète pas, elle s’arrêtera quand le moment sera venu.

Les cadavres de bouteilles remplissent sa poubelle et Jeanne prend maintenant un petit verre le matin pour partir à son nouveau travail. A midi, elle ne mange pas et s’autorise néanmoins une petite pause, un petit verre pour se rafraîchir. Toute sa journée est ainsi ponctuée de petits verres. Jeanne a sombré dans l’alcool.

Un soir, assisse dans un café, elle est incapable de rentrer chez elle et s’endort sur la banquette. Abandonnée à elle-même, elle pleure souvent dans les effluves de cet alcool qui la détruit jour après jour.

Dans cette salle d’accueil, des chaises en arc de cercle et des participants de tous âges, hommes, femmes attendent.  A côté de Jeanne, une dame encore jeune qui a perdu un fils dans un terrible accident de voiture, qui buvait pour oublier. Un représentant de commerce qui a, lui aussi, combattu le stress, la fatigue, le chiffre d’affaire par l’alcool et fini par avoir un grave accident. Une jolie dame, fort distinguée qui a force de s’ennuyer et d’attendre  avait commencé à boire. Tous sont marqués par l’alcool et le savent.

Au cours des périples de Jeanne dans les cafés de son nouveau quartier, elle a rencontré un jeune homme, gentil, qui lui parle parfois. Elle n’espère rien de cette rencontre, mais attend inconsciemment chaque soir sa venue. Elle temporise et n’hésite pas à s’octroyer un peu de réconfort en buvant un petit verre de plus.

Souvent, elle rentre chez elle titubante, chancelante et s’effondre sur le lit froid. Jeanne, au réveil, se souvient peu de sa soirée. Sa nouvelle voisine connait le manège de Jeanne et s’inquiète.

Un soir, quelqu’un sonne à sa porte. C’est la voisine accompagnée de ce jeune homme qu’elle a rencontré dans ce bar. Bénévole dans une association,  quelques personnes l’ont prévenu de l’état de Jeanne. Thomas a fait connaissance de Jeanne dans un café mais il n’a pas obtenu une écoute suffisante. Il a donc attendu un meilleur moment pour se présenter.

Jeanne n’a pas besoin d’aide.  Elle n’a pas de problèmes. Son addiction sera vite résolue dès qu’elle le décidera. Thomas acquiesce mais connait trop cette vérité et ces mots jetés comme des bouteilles à la mer. Il laisse donc Jeanne à elle-même et lui propose de la revoir. Jeanne n’a besoin de personne en ce moment. Thomas a compris le message et laisse Jeanne à ses démons.

La salle s’anime et l’animateur arrive. Un homme à l’écoute qui s’installe et propose aux participants de se présenter. Jeanne est là, collée à sa chaise et reste silencieuse.  

C’est Thomas qui l’a amené ici, juste pour voir, juste pour écouter. Jeanne reste muette. Cette démarche un peu étrange ne lui ressemble pas. Elle a pourtant accepté d‘être là, physiquement.

La réunion s‘achève et l’animateur présente Jeanne aux participants. Ceux-ci l’accueillent chaleureusement.  Jeanne éclate en sanglots, un moment difficile. Un pas vers l’indépendance, vers la délivrance, vers l’abstinence.

 

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Commentaires

  • Merci Nicole pour ton commentaire.

    Cordialement

    Josette

  • Bravo, Josette  ! Un témoignage fort , bien mené,  qui montre combien il est compliqué de se tirer seul de cet engrenage infernal ... La solidarité est primordiale, la persévérance... aussi  ! Merci de ton partage ! Cordialement, Nicole

  • Bonjour Gilbert,

    Il n’y a pas toujours de réconfort pour la perte d’un être cher. Chacun le vit à sa manière. L’alcool n’est pas la solution mais certains cherchent l’oubli avec lui. Peut-être n’ont-ils trouvé que cette issue ?   Un petit verre par ici, un petit verre par là. Et  l’habitude devient vite un besoin néfaste où il faut pouvoir dire non. Les saouleries des jeunes finiront par en entraîner certains vers les abimes de l’alcool. Et il est parfois trop tard mais jamais trop tard pour intervenir, pour essayer de les soigner. Lourde tâche pour celui qui est confronté à ce fléau.

    Amitiés

    Josette

  • Merci Adyne pour le commentaire.


    Amitiés


    Josette

  • Bonjour Rolande,


    Merci pour ton commentaire.


    Il y a tant de choses à dire sur ce qui touche les hommes.


    Bisous et amitiés


    Josette

  • Il ne faudrait jamais commencer. Le chemin à l'envers nécessite une volonté hors du commun. Et puis pour quoi faire quand on a perdu un fils ? Il y a beaucoup de désespoir dans le monde d'aujourd'hui, beaucoup de suicides notamment chez les jeunes dont on parle peu. Rien de surprenant de chercher du réconfort dans l'illusion. Les drogues se sont banalisées comme jamais. Les saouleries commencent le vendredi jusqu'au dimanche soir. Dans quel état reprend-on le travail le lundi matin et avec quelle tête ! Le pire c'est qu'il n'y a plus de limites. On est bien loin du seul verre de bière que l'on cachait à sa mère qui nous attendait à minuit tapantes !
    Belle mise en garde, Josette, que ce texte exposant la descente aux enfers,
    Bonne soirée
    Amitiés
    gilbert

  • Heureusement qu'il y a de l'aide pour des personnes comme Jeanne.

    Merci Josette pour ce partage bien écrit.

    Amitiés

    Adyne

  • Emouvante histoire: le sort de toutes les Jeanne mérite d'être défendu avec respect et amour.

    Pour ne pas descendre plus bas encore.

    Merci une fois de plus Chère Josette pour cette tranche de vie à laquelle nous restons trop souvent indifférents.

    Bisous et amitiés. Rolande

  • Merci  Marie-Josèphe pour ton passage.

    Amitiés

    Josette

  • sans paroles : l'alcool est un vrai fléau....

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