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Jean le sanglotant

Jean le sanglotant est un conte de l'écrivain russe Ivan Bounine, une histoire qui m’avait consolé et soutenu au temps de ma jeunesse au temps où mon père se moquait de moi en me désignant dédaigneusement et en disant « Jean qui pleure et Jean qui rit ». Dans un petit village à peu près abandonné, au nom sinistre de "Village du péché", on peut voir dans l'église, derrière l'autel, deux plaques en métal: sous les plaques, il y a deux cercueils.. Sur l'une des deux plaques, un simple nom: celui du Prince. Sur l'autre, de nombreuses inscriptions et ces mots: Jean Riabine, Jean le Sanglotant. A la fin de sa vie, le Prince avait fait paix avec Dieu et il avait voulu que sa plaque funèbre fut nue, qu'on y mît aucune formule de louange, mais la plaque de son esclave, celui qui n'avait rien demandé jamais, il la fit orner de poèmes... Personne au village perdu ne se souvient précisément de l'histoire de ces deux hommes. On se rappelle qu'il y a un siècle, le Prince était venu au village pour y achever le cours de sa vie. Un homme petit, rabougri, dit-on... Et si bizarre! Libertin, moqueur à l'endroit des choses de la religion. Ainsi, au prêtre qui lui proposait de dire une messe, il avait répondu un jour: "Dis, dis toujours"... -Pour qui? -Pour les neiges d'antan, par exemple". Quand à Jean, l' esclave, dès l'enfance, il avait aimé les saintes Ecritures. Certes, il avait des idées bizarres: il ne voulait point se marier, priait pour avoir des visions, aurait aimé visiter le monastère du mont Athos en pèlerinage. Un jour, au cours d'une vision, il avait entendu son père lui commander de prendre femme. Ce qu'il avait fait; mais, de toute la nuit de noces, il n'embrassa sa femme, et le lendemain, il s'enfuit dans les champs se lamentant et pleurant. Cette fois, personne ne douta plus qu'il était fou et on l'enchaîna: Jean ne se calmait point, pleurait toujours, lançait au ciel des invocations et sans cesse réclamait de la joie. Le Prince venait alors le visiter; il lui disait: "De la joie? Je t'en donnerai de la joie!..." Et pendant des années, régulièrement, il faisait fouetter Jean le Sanglottant. Pourtant certaines personnes superstitieuses, visitaient le malheureux, un peu par curiosité, un peu parce qu'ils croyaient qu'il était un "homme de Dieu". Quand Jean mourut, tout le monde fut stupéfait: le Prince, celui-là même qui lui faisait donner des coups, ordonna qu'on lui fit des funérailles princières -et il demanda aussi qu'on ne bâtit, pour lui-même, lorsqu'il serait mort, que la plus modeste des tombes. Depuis qu'ils sont morts, le train s'arrête une fois par an au village isolé. Une dame en descend qui vient prier et pleurer sur la tombe de Jean le Sanglotant. Mais personne ne peut dire qui elle est... Cette courte nouvelle a été imprimée dans les "Contes et poèmes" de Bounine, 1912-1913. Bounine m’avait appris qu'on pouvait aimer les humbles.

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