Je n'irai à Séville, j'en reviendrais déçue.
La foule rocailleuse m'empierrerait les yeux
Et les sueurs des corps gâteraient mes papilles.
Je n'irai à Séville tant ses beautés se paient
En petites coupures sans cesse additionnées
Pour ne se laisser prendre qu'entre deux rangs de corde.
Je n'irai à Séville. Les brusques bousculades
Des processions baroques me colleraient au mur
Parmi des ex-voto que je ne pourrais lire.
Je la rêve si verte sous les pins parasols
Aux longs sabots vernis de vipérines bleues
Quand tournent ronds, fous de soleil, les tournesols.
Je la rêve qui plante ses vignes au compas
Et dans un tablier relevé par les coins
Qui recueille avec soin les fruits du cotonnier.
Je m'y rêve croquant la caroube et l'amande,
Prisant le poivre doux des pivoines, des roses,
Du fort buisson de myrte et de l'ail que l'on pile.
Je ne veux la Séville des guides touristiques,
Je l'aime cognant dur au coeur, sous sa mantille
Dans mon désir puissant et terrible d'agave.
Extrait des Voyages de Papier
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