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JE CROIS QUE DEHORS C’EST LE PRINTEMPS - UNE ADAPTATION DE GAIA SAITTA ET GIORGIO BARBERIO CORSETTI - INTERVIEW DE GAIA SAÏTTA.

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La pièce est une adaptation d’un roman, lui-même tiré des faits réels. Pourriez-vous retracer la genèse de l’histoire ?

GAIA : C’est tiré d’un fait divers qui s’est passé en Italie en 2011. Brièvement : Irina Lucidi, avocate, était mariée à un avocat. Ils avaient des jumelles âgées de six ans quand Irina demande le divorce. En réaction, l’homme enlève les deux petites. Il part en voyage pendant cinq jours et ils disparaissent définitivement. Il a simplement envoyé un message à sa femme qui disait : « Les petites n’ont pas souffert. Tu ne les verras plus jamais ». On n’a jamais trouvé trace des petites filles. L’histoire a profondément touché les gens en Italie. Pendant un an, il y a eu plein d’émissions de recherche de ces fillettes... En vain car l’enquête s’est déroulée dans un petit village de Suisse et la police a rapidement clôturé pour éviter le scandale.
Après un an de recherches, Irina est partie en voyage et à son retour, elle décide de délivrer un témoignage auprès de Concita De Gregorio, une écrivaine et journaliste italienne. De ce témoignage est né un roman « Mi sa che fuori è primavera » (Je crois que dehors c’est le printemps).
La raison pour laquelle je ressens l’urgence de raconter tout cela à mon tour ne réside pas dans le drame du fait divers, qui est certes horrible, mais ce qui me touche, c’est la lumière qui se dégage du témoignage, la force, l’envie de vivre. C’est la revendication du droit au bonheur et la lutte que cela demande.
J’ai rencontré Irina car je devais lui demander la permission de partager son expérience de la manière la plus délicate possible. Et la rencontre a été incroyable ! Irina est pour moi comme une cathédrale. Elle contemple les choses d’une manière plus vaste que l’horizon de notre quotidien. Quand on affronte les limites de la douleur, on perçoit le monde de manière plus consciente. Et sa lumière est contagieuse. Elle n’est nullement enragée comme on pourrait s’y attendre. Elle porte en elle de l’amour, de l’espoir et elle envisage sa vie « d’après ». Lors de son voyage, elle a rencontré un homme, un Espagnol, à l’occasion d’une visite dans un centre pour enfants en Indonésie. Ils se sont juste échangé leur adresse mail. Puis ils se sont écrit et elle dit : « La chose la plus inconcevable m’est arrivée. Je suis tombée amoureuse ». Car on ne se donne pas le droit d’éprouver de la joie après un tel drame et la société ne te permet pas non plus de quitter ton deuil. Elle dit : « Je ne pouvais le confier à moi-même, à ma famille, à mes amis. Je me rendais compte que j’étais vivante», alors qu’après une telle douleur, on est destiné à devoir souffrir éternellement. C’est là le combat de cette femme, c’est qu’il faut être heureux. Et c’est pour cela que je raconte son histoire.

La pièce a touché le public non seulement par son thème mais aussi par la manière dont vous l’avez mise en scène.

GAIA : Le premier souci était de raconter un fait actuel. On ne pouvait se placer dans un dispositif classique, ce n’est pas un Tchékhov.
Comment dire que cette femme pouvait aussi bien être moi que vous ? Je me suis dit qu’il ne fallait surtout pas mettre en scène un spectacle mais plutôt mettre en place des conditions pour que les personnes présentes réfléchissent ensemble à la violence et à la manière de la combattre. Je voulais une sorte de table ronde où chacun s’engage. C’est pour cela que je demande au public de m’accompagner. Oui mais participer dans un thème aussi difficile, ce n’est pas forcément chouette. Je me disais que personne n’en aurait envie. Et comment faire en sorte que ce soit délicat ?
Alors j’ai décidé de répéter constamment avec d’autres gens. Je n’avais pas le droit de faire les erreurs que j’aurais pu faire seule. Toutes les répétitions se sont déroulées avec un groupe que Gregorio et moi invitions, des amis et progressivement des inconnus. C’était pour tester et mettre en place un système où les participants volontaires ne se sentiraient jamais gênés. Car tout ce que je demande, ce sont des plans d’écoute rapprochés. Il y a six intervenants. Je distribue les rôles (la meilleure amie, le juge, le Procureur général...). Il s’agit de prêter son visage et normalement je choisis des personnes qui ne collent pas au rôle pour éviter la confusion entre personnage et personne. Cela devient une histoire qui nous appartient, pour laquelle on se bat différemment. Ce qui m’émeut, c’est que les gens participent de manière très généreuse. Et chaque soir c’est différent car les visages sont des paysages sur les écrans. Ils sont les éléments les plus importants du spectacle. Leurs réactions constituent le cadre de l’action.

Votre jeu tient-il compte des émotions sur les visages de gens ? En jouez-vous ?

GAIA : L’unique chose que je ne peux faire, c’est de faire mon métier. À ce niveau-là, je ne peux pas jouer. Il est obligatoire que je renonce à me défendre. On partage l’histoire et face aux émotions, je réagis comme je le ferais dans la vie. Je suis complètement désarmée. Avant de passer en scène, je me prépare pendant six heures environ par de la méditation, du yoga, des techniques de relaxation car je ne dois surtout pas « pousser ». Je dois juste être à l’écoute et ne rien faire... Ce qui est très compliqué car on a envie de contrôler alors que les personnes réagissent de manière imprévisible. Mais chaque soir, j’ai l’impression d’avoir une troupe avec moi, qui me soutient dans ce plaidoyer contre la violence.
Ce qui est génial, c’est que lors de la distribution des rôles, les personnes qui ont accepté, commencent à réagir comme le rôle le requiert et c’est magnifique. Tout se met en place de manière presque organique.
http://www.halles.be/fr/completeprogram/944/Gaia-Saitta--Giorgio-Barberio-Corsetti

Propos recueillis par Palmina Di Meo.

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