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Le Chant secret est un recueil de poèmes publié en 1945 par Jean Genet.Cette plaquette regroupe "Le condamné à mort", sa première oeuvre, et "Marche funèbre". En 1941, alors que Genet était en prison, non comme condamné mais comme prévenu, on lui a revêtu par erreur l'uniforme des détenus; ce qui lui vaut le mépris de ses compagnons de cellule restés, eux, en civil, donc plus "honorables". L'un de ceux-ci écrivait à sa soeur des poèmes "pleurnichards", "idiots", que les autres admiraient beaucoup. Comme par défi, pour montrer ce dont lui aussi était capable, Genet compose alors "Le condamné à mort", longue élégie aux alexandrins impeccables, glacés d'apparence mais comme la glace brûlants, dédiés à la mémoire de son ami Maurice Pilorge, exécuté le 7 mars 1939 à Saint-Brieux, "parce qu'il avait tué son amant Escudero pour lui prendre moins de mille francs".

Déjà les thèmes essentiels de Genet sont présents: la mort, la beauté du criminel, l'érotisme pédérastique, et, concurremment avec cet érotisme souvent scabreux, une conception lyrique et magnifiante de l'amour. Evidemment, les prisonniers ne comprirent pas. Pire, ils se moquèrent de ce poème dont la partie la plus pure, mise en musique par Hélène Martin, est devenue une des chansons les plus belles et les plus connues de notre temps. Mais qu'importaient les railleries à Genet? Il était poète. Son destin venait de changer. En 1942, pourtant pour toute mention d'origine: "Fresnes", "Le condamné à mort" est publié. Le tirage est limité, la diffusion clandestine. Le prisonnier Genet est néanmoins entré dans la vie littéraire. Sa cadence est pure quoique teintée de quelque peu de rhétorique. Comme tout vrai poète, Genet double la cadence abstraite -les douze syllabes et l'alexandrin- d'une autre plus concrète, plus essentielle, reposant sur l'équilibre des sonorités, les rapports du son et du sens. "Marche funèbre", qui complète le recueil de 1945, est lui aussi dédié à la mémoire du beau Pilorge. Ce poème développe l'un des thèmes les plus profonds de Genet: celui de la mort. "Je ne sais rien de précis sur la mort", nous dit l'auteur et, quatre vers plus loin, "je ne connais rien d'elle", rejoignant ainsi le Socrate de: "De la mort, nul n'a le secret". Sans doute. Mais chez le philosophe le doute et l'ignorance signifient que la question doit être réservée. Pour le poète, au contraire, ils rendent la question plus aiguë; la mort devient d'autant plus belle qu'elle est à la fois lointaine et inéluctable, déjà présente en nous et cependant indéchiffrable: "elle doit vivre en moi pour surgir sans effort".

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