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Henri Seroka : rencontre

RENCONTRE : HENRI SEROKA

Né à Anderlecht, Henri Seroka est un globe-trotter. Après des débuts de chan-teur, il s’est fort vite imposé comme compositeur pour l’écran, multipliant les projets. Il est aujourd’hui de retour avec un conte musical intitulé « La clairière enchantée ». Rencontre

 

Quel est le sujet de La clairière enchantée ?

Lucas, un jeune adulte, est amené à quitter sa terre natale devenue inhospitalière. Il traverse les frontières et se retrouve loin de chez lui, complètement dépaysé dans un lieu dont il ignore les usages. Ce voyage, qui prend une proportion intime, l’amène à croiser la route de gens bienveillants et d’autres qui le sont moins. Bien entendu, les apparences ne sont pas toujours celles auxquelles on se réfère et le verni peut craquer !

 

De quelle manière vous est venue l’idée de ce conte musical tout public ?

Il y a bien longtemps, j’avais composé Alicja, une partition pour le réalisateur Jacek Bromski. Un film qui mettait en scène Jean-Pierre Cassel, l’actrice britannique Susannah York et la jeune Sophie Barjac, à peine sortie du succès de L’hôtel de la plage, et dans lequel tous poussaient la chanson. Bref, une comédie musicale ! En fait, je me suis trouvé en possession d’une série de nouvelles musiques et je cherchais un parolier. J’ai eu le réflexe de faire appel à Jacques Mercier, homme de télévision et de radio, qui m’avait interviewé à mes débuts. Entre nous, le courant est directement passé et, dès l’écoute des morceaux, il a marqué son accord. Il nous a encore fallu deux mois pour concrétiser et boucler ce projet. Des semaines d’écriture pour lui, afin d’imaginer un récit linéaire et mettre des paroles sur mes mélodies. Il s’agit de quelqu’un de très respectueux de la partition. C’est à dire qu’il s’est calé parfaitement sur mon travail. De mon côté, il a fallu effectuer quelques petites rectifications et imaginer visuellement le spectacle.

 

Quel type de musiques entend-on dans La clairière enchantée ?

Il m’importait d’éviter le ton Disney, efficace mais trop sirupeux selon mes goûts. Comme pour Alicja, je souhaitais une combinaison de genres musicaux, avec une palette variée allant de la valse au tango, du jazz à la ballade et, encore, du rock au classique, afin de montrer les différents univers que traverse Lucas, mais surtout pour rendre singulière chacune de ses rencontres.

 

Comment vous y êtes-vous pris pour le casting ?

Je suis allé chercher Wawrzyniec Kostrzewski, le metteur en scène, à Varsovie. Un artiste qui possède une sensibilité semblable à la mienne. Un spécialiste du monde théâtral et qui a le don de changer en or tout ce qu’il touche. Il est venu à Bruxelles pour diriger les comédiens et assurer les répétitions. Quant aux acteurs-chanteurs, je voulais des voix, mais également des gens capables de jouer la comédie. Le ton et l’émotion qu’ils mettent en s’exprimant sont tout autant nécessaires que leurs possibilités vocales. Il leur fallait, enfin, une vraie personnalité pour endosser un personnage particulier. N’importe qui n’est pas capable de tout faire ni de tout interpréter !

 

Y aura-t-il un orchestre live ?

Non, la musique sera diffusée en play-back, mais les interprètes chanteront en direct. C’est le cas de nombreuses productions scéniques un chouia ambitieuses. Imaginez le coût que peut générer un orchestre sur scène, auquel s’ajoute le salaire des comédiens et celui des nombreux techniciens. Sans omettre la confection des décors et de costumes !

 

Un disque est sorti en numérique et est téléchargeable sur différentes plateformes. Correspond-il à ce qu’on entendra lors du spectacle ?

Exactement ! L’album rassemble dix-sept titres dont Jacques Mercier a rédigé les lyrics, alors que je me suis attelé à la composition. Mon fils Julien a pris en charge Bouh, le hibou, en collaboration avec Renoar Hadri pour obtenir un son actuel qui sort des postes de radio, et Dominique Corbiau a composé le tango du chat. Normalement, il y aura un disque physique qui sera vendu à la sortie, pour que les familles puissent emporter chez eux un souvenir de cette création.

 

Comme tout conte réussi, il propose une lecture à deux niveaux …

Pour les enfants, il s’agira d’une odyssée. Un peu comme les générations précédentes ont découvert le voyage du Petit Prince sur notre planète, imaginé avant la guerre par Antoine de Saint-Exupéry. Un récit d’initiation, doublé d’une leçon de vie. Les adultes prendront conscience de la complexité et de la précarité des migrants, qui doivent tout abandonner derrière eux, s’adapter à un cadre qui n’est pas le leur, en apprendre les usages et se familiariser avec une culture qui, parfois, leur semble étrange. Enfin, la clairière enchantée rappelle la nécessité de prendre soin de la terre, dont nous sommes seulement les locataires et que nous avons la charge de transmettre à nos enfants et à nos petits-enfants.

 

Pour nos lecteurs qui ne vous connaissent pas, pouvez-vous succinctement vous présenter ?

J'ai débuté en 1968 en tant que chanteur. En 1976, comme je connaissais le réalisateur Joao Correa, il m’a chargé de composer la partition de son film Un premier été.  Mon entrée dans l’univers du cinéma avec une bande originale qui a été enregistrée au fameux studio Davout à Paris. En 1979, j’ai travaillé pour le long métrage Ataturk, orchestré par Willy Mortier, et dont la B.O. a été jouée par l'Orchestre symphonique du Luxembourg. A partir de là, je me suis vraiment intéressé au langage cinémato-graphique.

 

 Votre écriture de compositeur pour l’écran débute-t-elle dès la lecture du scénario, lors de la phase du montage ou dans le cadre d’échanges avec le metteur en scène?

 C'est variable ! Parfois à la lecture du scénario. Très souvent lors de la vision des rushes, mais cela m'est parfois arrivé d'enregistrer avant le tournage. Cela a été le cas en 1980 avec Alicja, puisque les chansons et les pas de danse devaient être interprétés par les acteurs.

 

Il y a une douzaine d’années, on a découvert Credo, une œuvre mystique à la fois moderne et classique pour grand orchestre, chœur et soprano. Faut-il être croyant pour composer une pièce de ce type ?

Non, pas du tout ! Au départ, il y a eu une partition composée pour le film U Pana Boga w ogródku, qui a eu beaucoup de succès en Pologne et dont l’Ave Maria est aujourd’hui régulièrement utilisé lors des mariages. J’ai donc imaginé une messe reprenant plusieurs parties de ce score pour les développer avec cinq, puis six morceaux. Depuis, j’ai énormément circulé avec cette partition. Cette œuvre m’a d'ailleurs permis de réaliser un rêve : celui de saisir la baguette et de devenir chef d'orchestre. Récemment, j’étais en concert à Szczecin, toujours en Pologne, pour un concert. Du pur bonheur !

 

Avec Odyssea, poursuivez-vous cette démarche qui consiste à combiner musique classique et pop ?

Tout à fait ! Il s’agit d’une cantate moderne basée sur le livre d’Homère et qui raconte les exploits d’Ulysse. Pour donner vie à cette épopée, il fallait embrasser le genre symphonique, le doubler d’une chorale, faire intervenir un soliste et des instruments actuels.  Sans doute, ma façon de montrer que nous menons chacun à notre manière une odyssée. Qu’il s’agisse d’hier ou d’aujourd’hui !

 

Le conte musical La clairière enchantée sera présenté au W:Hall du 17 au 20 octobre 2024. Plus de détails sur le site www.whall.be

Avenue Charles Thielemans, 93 à 1150 Bruxelles

Propos recueillis par Daniel Bastié

https://issuu.com/eag.gallery/docs/bruxelles_culture_5_octobre_24

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