Compte-rendu d'une conférence de Monsieur Georges Buisson, administrateur du domaine de Nohant, prononcée à Bourges à l'occasion du bicentenaire de la naissance de George Sand.
Si George Sand se donna parfois des allures masculines et si certains de ses contemporains, et non des moindres, lui reprochèrent "de se comporter comme un homme", elle ne cessa de revendiquer, sa vie durant, sa féminité. Il faut remonter à son enfance pour comprendre ce paradoxe.
Bien avant Freud, George Sand essaya d'analyser certains de ses comportements à la lumière de ses souvenirs d'enfance : "Mes souvenirs, dit-elle, remontent à un âge très ancien"... Une enfance marquée par deux grands traumatismes : la disparition brutale du père et la séparation d'avec la mère, mais une enfance qui eut aussi ses moments de bonheur et ses amitiés passionnées.
Son attitude par rapport au mariage est pour le moins paradoxale. Elle se rend compte très vite que son union avec le baron Casimir Dudevant est un échec et elle fera tout pour y échapper, mais elle éprouve un "attrait naturel et invincible" pour les tâches traditionnellement dévolues aux femmes : éducation des enfants, travaux d'aiguilles, cuisine, soins du ménage...
George Sand considère que le contexte dans lequel les gens se marient à son époque est négatif. Sur l'éducation des femmes et la sexualité dans le mariage, elle a cette phrase terrible : "Nous les élevons comme des saintes et nous les livrons comme des pouliches."
La "posture masculine" de la baronne Aurore Dudevant, sa volonté de s'habiller en homme et surtout son changement de nom correspondent à une volonté d'échapper à une filiation confuse, de renaître, d'être quelqu'un de nouveau. Pour cela, elle se donne un prénom masculin : George, et un nom emprunté à un homme, qu'elle transmettra à ses descendants : Sand, abréviation du nom de Jules Sandeau.
George Sand ne veut pas "singer les hommes", mais acquérir les privilèges de l'indépendance et de la liberté d'action qui leur sont traditionnellement dévolus. Pour le reste, la grande affaire de la vie d'une femme est la maternité : "l'homme produit des idées, affirme-t-elle, mais la femme donne la vie."
Les sentiments d'une mère pour ses enfants
Vis-à-vis de ses amants, Jules, Alfred et Frédéric, George Sand se comporte davantage en mère qu'en amante. Ce qu'elle recherche chez les hommes, ce n'est pas leur force, mais leur faiblesse. Vis-à-vis du peuple, cette autre grande passion de sa vie, elle éprouve aussi les sentiments d'une mère pour ses enfants.
Si elle dénonce l'infériorité dans laquelle la femme est maintenue, George Sand n'en renie pas pour autant sa "part féminine". Après le coup d'Etat de Louis-Napoléon Bonaparte, elle refuse de s'exiler comme Victor Hugo, se dépense sans compter pour sauver ses amis républicains et dénonce la "posture héroïque", orgueilleusement masculine, de ceux qui refusent l'amnistie.
Elle se battra pour le suffrage universel, mais s'opposera à la participation des femmes à la vie politique. Elle ne croit pas qu'une femme puisse concilier engagement politique et vie privée et refusera de devenir députée.
Sa "part féminine", c'est peut-être aussi son rapport particulier à l'écriture, cette "facilité" qu'on lui a parfois reprochée, sa modestie aussi, son sentiment de ne pas être un écrivain de tout premier plan, son horreur du sang versé qui la conduira à une attitude pacifiste au moment de la Guerre de 1870. Elle veut croire en un monde de paix et impute aux hommes, plus enclins que les femmes aux engagements partisans, la reponsabilité de la guerre et de la violence.
Si George Sand s'est parfois servie de sa plume comme d'une épée, elle n'a pas craint, à l'inverse de Flaubert qui revendique pour les auteurs un devoir de réserve, de "mettre son coeur dans ses écrits". "Femme en tout et toujours", écrira Zola, dans un portrait empreint d'une misogynie certaine, George Sand veut préserver les droits de la sensibilité et garder une place à l'espérance. Elle tenta dans sa vie et sa création littéraire de concilier les qualités de la femme et la liberté d'action de l'homme, de n'être, à l'instar de l'une de ses héroïnes, Manon, "ni un homme, ni une femme, mais les deux avec les qualités des deux sexes."
Avec le recul, concluait Georges Buisson, la personnalité et l'oeuvre de George Sand apparaissent comme "une bouffée d'air féminin dans un siècle écrasé par les hommes."
Bibliographie :
George Sand : textes choisis et présentés par Huguette Bouchardeau (HB éditions) - George Sand et le parti du Peuple par Jean-Claude Sandrier - Avez-vous lu Sand ? par Sylvie Delaigne-Moins aux éditions Lancosme - George Sand ou la scandale de la liberté par Joseph Barry, aux éditions Points.
Si George Sand se donna parfois des allures masculines et si certains de ses contemporains, et non des moindres, lui reprochèrent "de se comporter comme un homme", elle ne cessa de revendiquer, sa vie durant, sa féminité. Il faut remonter à son enfance pour comprendre ce paradoxe.
Bien avant Freud, George Sand essaya d'analyser certains de ses comportements à la lumière de ses souvenirs d'enfance : "Mes souvenirs, dit-elle, remontent à un âge très ancien"... Une enfance marquée par deux grands traumatismes : la disparition brutale du père et la séparation d'avec la mère, mais une enfance qui eut aussi ses moments de bonheur et ses amitiés passionnées.
Son attitude par rapport au mariage est pour le moins paradoxale. Elle se rend compte très vite que son union avec le baron Casimir Dudevant est un échec et elle fera tout pour y échapper, mais elle éprouve un "attrait naturel et invincible" pour les tâches traditionnellement dévolues aux femmes : éducation des enfants, travaux d'aiguilles, cuisine, soins du ménage...
George Sand considère que le contexte dans lequel les gens se marient à son époque est négatif. Sur l'éducation des femmes et la sexualité dans le mariage, elle a cette phrase terrible : "Nous les élevons comme des saintes et nous les livrons comme des pouliches."
La "posture masculine" de la baronne Aurore Dudevant, sa volonté de s'habiller en homme et surtout son changement de nom correspondent à une volonté d'échapper à une filiation confuse, de renaître, d'être quelqu'un de nouveau. Pour cela, elle se donne un prénom masculin : George, et un nom emprunté à un homme, qu'elle transmettra à ses descendants : Sand, abréviation du nom de Jules Sandeau.
George Sand ne veut pas "singer les hommes", mais acquérir les privilèges de l'indépendance et de la liberté d'action qui leur sont traditionnellement dévolus. Pour le reste, la grande affaire de la vie d'une femme est la maternité : "l'homme produit des idées, affirme-t-elle, mais la femme donne la vie."
Les sentiments d'une mère pour ses enfants
Vis-à-vis de ses amants, Jules, Alfred et Frédéric, George Sand se comporte davantage en mère qu'en amante. Ce qu'elle recherche chez les hommes, ce n'est pas leur force, mais leur faiblesse. Vis-à-vis du peuple, cette autre grande passion de sa vie, elle éprouve aussi les sentiments d'une mère pour ses enfants.
Si elle dénonce l'infériorité dans laquelle la femme est maintenue, George Sand n'en renie pas pour autant sa "part féminine". Après le coup d'Etat de Louis-Napoléon Bonaparte, elle refuse de s'exiler comme Victor Hugo, se dépense sans compter pour sauver ses amis républicains et dénonce la "posture héroïque", orgueilleusement masculine, de ceux qui refusent l'amnistie.
Elle se battra pour le suffrage universel, mais s'opposera à la participation des femmes à la vie politique. Elle ne croit pas qu'une femme puisse concilier engagement politique et vie privée et refusera de devenir députée.
Sa "part féminine", c'est peut-être aussi son rapport particulier à l'écriture, cette "facilité" qu'on lui a parfois reprochée, sa modestie aussi, son sentiment de ne pas être un écrivain de tout premier plan, son horreur du sang versé qui la conduira à une attitude pacifiste au moment de la Guerre de 1870. Elle veut croire en un monde de paix et impute aux hommes, plus enclins que les femmes aux engagements partisans, la reponsabilité de la guerre et de la violence.
Si George Sand s'est parfois servie de sa plume comme d'une épée, elle n'a pas craint, à l'inverse de Flaubert qui revendique pour les auteurs un devoir de réserve, de "mettre son coeur dans ses écrits". "Femme en tout et toujours", écrira Zola, dans un portrait empreint d'une misogynie certaine, George Sand veut préserver les droits de la sensibilité et garder une place à l'espérance. Elle tenta dans sa vie et sa création littéraire de concilier les qualités de la femme et la liberté d'action de l'homme, de n'être, à l'instar de l'une de ses héroïnes, Manon, "ni un homme, ni une femme, mais les deux avec les qualités des deux sexes."
Avec le recul, concluait Georges Buisson, la personnalité et l'oeuvre de George Sand apparaissent comme "une bouffée d'air féminin dans un siècle écrasé par les hommes."
Bibliographie :
George Sand : textes choisis et présentés par Huguette Bouchardeau (HB éditions) - George Sand et le parti du Peuple par Jean-Claude Sandrier - Avez-vous lu Sand ? par Sylvie Delaigne-Moins aux éditions Lancosme - George Sand ou la scandale de la liberté par Joseph Barry, aux éditions Points.
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