1
Abandonnés de tous, le cœur ensanglanté,
Anonymes défunts à la maigre ossature,
Partout gisent des corps sans croix ni sépulture,
Dont seule la charogne aime la nudité…
Ni femmes, ni vieillards et encore moins d’hommes
Dans la force de l’âge et pas même d’enfants
N’ont trouvé de pitié dans les yeux triomphants
De ces bourreaux sans nom bâtisseurs de pogromes…
Et combien de martyrs en d’immondes fossés
Blanchissent de leurs os l’admirable nature,
De tyrans ont souillé la belle architecture
Ne laissant sur leurs pas que temples fracassés…
Nombreux des orphelins déambulent hagards,
A demi-moribonds subissent la famine
Et succombent soudain rongés par la vermine
Repliés sur le sol, méconnus des regards,
Squelettes rabougris comme de vieilles souches,
Dans la poussière sèche au hasard des chemins,
Ils agonisent seuls, misérables gamins,
Jusqu’à leur dernier souffle assaillis par les mouches…
Des cavités parfois, ressuscitent des ombres,
Contestant de la mort l’horrible et la stupeur
Et de leurs grands yeux noirs obscurcis par la peur,
Elles traquent la vie au milieu des décombres…
Par d’incultes césars, sans combattre vaincu,
Des causes du chagrin le prochain épisode,
Pauvres sont ceux prenant la route de l’exode,
Pour simplement survivre à l’horrible vécu…
Cohortes de damnés passant en file indienne,
Ils cherchent dans l’ailleurs un instant de répit,
Rien qu’une once de paix que le temps interdit,
Supportant de l’exil la douleur quotidienne…
Par la faim et la soif nullement épargnés,
N’éprouvant dans leurs cœurs nul espoir ni rancune,
D’une fausse lenteur, vers des camps d’infortune,
En d’arides déserts ils marchent résignés…
Harassés, lapidés par des revers extrêmes,
Ils trouvent dans la fuite un ultime levier,
Une miette de chance, un rameau d’olivier
Et puisent l’énergie au plus profond d’eux-mêmes…
Fantômes harassés se tenant par la main,
Il en est un qui tombe et puis un autre encore,
Leur nombre, lentement, pied à pied, s’édulcore…
Surmontant les périls d’un effort surhumain,
Ils sont là, par milliers, allongés sur les sables,
Recueillant du repos un trop maigre butin,
D’un lourd sommeil sans rêve, ils espèrent le matin ;
Hommes toujours vivants et pourtant périssables…
………
2
Victimes de la guerre ou de l’enfer sur terre,
Par l’humaine bêtise, immolés, suppliciés,
Sur l’autel du pouvoir, citoyens sacrifiés,
Violentés, frappés par l’hydre délétère,
Crèves la faim, migrants, réfugiés, vagabonds,
Fuyant la mort, la peur, l’ombre des cimetières,
Pour les meilleurs raisons passeurs de frontières,
Pareils à des voleurs, à demi-moribonds,
Ils traversent le monde en quête d’un refuge
Gardent l’espoir secret d’un possible oasis,
D’un pays de cocagne imaginés jadis,
Quand leurs pères déjà pleuraient face à l’immonde…
Certains ont tout donné pour ce rêve lointain,
D’autres moins fortunés sur des radeaux précaires
Ont bravé l’océan, ont connu maints calvaires
Et puis ont fait naufrage oubliés du destin…
Et lorsque l’un d’entre eux aborde l’autre rive,
Il devient l’étranger, celui qui sans papiers
Est désigné du doigt, qui face aux policiers,
Dans d’infâmes taudis se cache pour survivre…
…………
3
Les poètes ont beau déclamer l’espérance
D’un jardin vertueux, croire en l’humanité,
Avec ardeur, exalter l’amour, l’égalité,
De leurs chants enfiévrés chanter la tolérance….
Depuis le premier jour, les temps n’ont pas changé,
La bête a fait son nid sous la belle parole,
Subsiste dans les cœurs rognés par la vérole
L’égoïste fléau ; la peur de l’étranger…
Ô France, mon pays, terre des droits de l’homme,
En violant l’esprit des textes fraternels,
Tu as souillé les mots inscrits sur tes autels,
Et corrompu, vendu ton idéal en somme…
Existe-il encore une terre d’accueil,
Quel que part dans le monde un lieu de référence
Où le migrant pourrait oublier sa souffrance,
Des hydres du passé faire et consommer le deuil…
Naguère prisonnier des chiens de la milice
Il a franchi les mers, gagné sa liberté,
Aujourd’hui clandestin, dans la précarité,
Il survit comme un rat traqué par la police…
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Commentaires
Bonjour Philippe un triste constat, que nous faisons tous les jours et de plus en plus. En cela je pense aux tunisiens qui sont arrivés à Paris et qui de toutes leurs forces ont crus en cette terre d'accueil que vantaient leurs aïeux !
Je vous remercie Philippe et vous dis à bientôt
Bonjour Philippe Lemoine ,j'ai apprécié dans votre chaîne de mots le dévoilement amer de leur chienne de vie .je constate malheureusement que les textes les plus vrais sont presque toujours les meilleures oeuvres Il est en effet difficile de parler d'amour dans un champs de ronces . Bien artistiquement à vous Pierre