J’ai reçu de la mer ce qui me laisse à terre
Face à l’Angleterre dans l’état d’un détroit
Comme un vent porte-voix, si un bateau est là
Quand un bateau s’en va, mon rêve est Finistère
J’ai reçu les galons de mousse à capitaine
Les chants de misaine le sens du gouvernail
De la vie en bataille, ils avaient l’attirail
Pauvres fétus de paille, comparés à nous-mêmes
J’ai connu bien avant des récits légendaires
Ils ont quitté la terre toutes voiles dehors
Ils ont laissé des ports priant San Salvador
Pauvres conquistadors, de l’or à la poussière
J’ai reçu les gréements des marines lointaines
Des hisse et ho de peine un cap vers le bon vent
Ils ont fait tout plus grand, les vagues en argent
Pauvres loups incroyants, sur le dos des baleines
J’ai perçu des malheurs qui longtemps après taisent
Des journées mauvaises des liens à l’infortune
Ils ont gardé rancune, aux prières sans lune
Pauvres pêcheurs de brume aux âmes islandaises
J’ai reçu des îles seules, en réunion
A ne savoir leur nom que du cri des vigies
C’était terre, suivie d’un Dieu merci, bénie
Pauvres missions impies, au comptoir des colons
J’ai reçu la noirceur des sombres cargaisons
Tenues à fond de cale par un commerce grave
Ils ont été braves, en dépit des entraves
Pauvres noms d’esclaves, à qui on doit pardon
J’ai reçu tous les coups de tambour des galères
Du jugement sévère aux gueux qu’on fit forçats
Ils ont perdu la foi, à cracher le dieu roi
Pauvres temps, pauvres lois, qui leur firent misère
J’ai reçu la minceur des plages en frontières
Des espoirs outre-mer, quand on n’est pas marins
Ils sont bien trop en moins, aujourd’hui les terriens
Pauvres phares éteints, par ceux qui ne tolèrent
J’ai reçu la douleur des messages amers
Sans savoir que faire de ces poissons livides
Des oiseaux en suicide, grégaires, apatrides
Dans tous ces yeux vides, j’ai vu des cimetières
J’ai tracé des cartes des courants atlantiques
Du grand bleu pacifique, des vents de Magellan
Par l’écho au sextant, les signaux des volcans
Riches visions d’enfants, par deux fois l’Amérique
J’ai repris des patries dans les fuseaux du temps
Des mystères autant autour de tout espace
Marée haute ou basse, et où les bateaux passent
Riche est le face à face, avec tant d’éléments
J’ai acquis tant de fruits de parfums exotiques
Vendus comme uniques à qui veut à tout prix
Croire en d’autres pays, de soleil et de pluie
Riche est l’ailleurs servi d’outre-mer poétique
J’ai reçu sur les quais des poissons vifs argent
Des pêcheurs, bras vaillants, et la peau en écailles
A mettre à leur trémail, des tempêtes qui braillent,
Riches ardeurs, travail, baies des pauvres d’antan
J’ai relu les espoirs des Robinson perdus
A passer au-dessus les vaines amertumes
Ils font en volume, des flots et les assument
Riches auteurs, écume, et autant longue-vue
J’ai reçu de la mer l’esprit des collections
Par le nom des galions, des armadas anciennes
Des océans, règne hanté par des sirènes,
Belles passions pleines, des lointains horizons
J’ai rendu à la mer à l’origine des fonds
Du silence profond à travers le corail
Il est à la taille des beautés des entrailles
Cherche monde, portail des secrets ultra son
J’ai touché du bon vent des congés populaires
De tous les fronts de mer qui se font des dimanches
En bonheur étanche, les deux mains sur les hanches
Riche était la revanche, aux vacances ouvrières
J’ai gardé la valeur des sanglots longs à terre
La foi particulière, la liberté toujours
Ils l’ont été un jour, pour nous, tant d’autres jours
Précieux alliés autour des plages, qui restèrent
J’ai rendu à celle qui est dans mes yeux clairs
De l’amour en transfert, je suis fait de ses larmes
En flux et en reflux, de ses vagues à l’âme,
Riche trop plein, poème, ex-voto à la mer
© Gil DEF. 10 mai 2009
Commentaires
Bonjour Raymond
Quelle référence !
Bonne journée. Amitiés. Gil
Bonjour Ariane
J'apprécie grandement votre compliment d'autant plus que je considère la poésie comme un souffle ...
Bonne journée. Amitiés. Gil
Gil,
c'est superbe et quel souffle !
Ariane.
Bonjour Raymond
Tu as raison, nous devons tout à la mer ...
Pour bien des textes, je fais préalablement ce que je nomme une étude documentaire. Quand j'ai écrit ce texte, j'ai essayé de rassembler ce que je savais des aventures humaines liées à la mer sans pouvoir tout évoquer. Il est évident qu'il faut intégrer cette connaissance de la vie primitive née dans la mer, et sans doute de l'oxygène née de petites algues tubulaires.
Je mesure aussi ce que nous ignorons encore des profondeurs des mers et des océans, de ces formes de vie possibles en des conditions extrêmes de chaleur, de pression, de privation de lumière et d'oxygène et puis ce que nous n'avions pas imaginé des migrations humaines par voie maritime en des temps très reculés.
Bonne journée.
Amitiés. Gil
En flux et en reflux ,de ses vagues à l'âme
Le destin est là au bout de la rame.
.Peinant à maitriser les flots
Le capitaine crochet allume son falot,
Bonjour Alix
Vous me rappelez la première fois où j'ai lu ce texte ... Mon public fut un jeune Breton, sonneur de bombarde ... Et il fut sans voix, et laissa couler ses larmes sans pouvoir me dire pourquoi vraiment ... Et il dit : normal, c'est beau !
Bonne journée.
Amitiés. Gil
Bonjour Jacqueline
Vous avez raison ... Toute vie liée à la mer a nombre de moments du domaine des incantations ...
Bonne journée.
Amitiés. Gil
Bonjour Chris
J'ai peut être écrit la mer et l'océan dans ce manque que j'ai, si loin d'elle, mais elle si là, et dans cette vague capable d'une grande distance ...
Bonne journée.
Amitiés. Gil