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Extrait "Le premier des fils", roman...

Isabelle NAIL

Extrait Le premier des fils

Roman chez Léda Editions

 

Devant les huit gradés en uniformes pompeux, Abel avait laissé le sergent H parler, sans rien déclarer pour sa défense.

Le barbare avait pourtant préparé ses phrases, s’exerçant le soir dans la chambrée à bien causer, avec Gustin pour maître, devant un public composé d’une poignée d’anciens. Maintenant, il pestait sur son banc en fusillant Abel du regard.

Le sergent H n’avait pas fait la moindre allusion à l’ordre donné de tirer sur le cavalier Berbère à terre. Il avait évoqué un refus d’obéissance, racontant avec moult détails l’attaque des agadirs. Il avait également effacé de sa mémoire la participation active du jeune chasseur à la bataille d’El Ksiba.

De sa place, le barbare contenait avec peine son envie d’anéantir H. Il inscrivait dans sa mémoire les moindres détails de ses traits, afin de le reconnaître plus tard, on ne sait jamais !...

Abel s’apprêtait à plonger au plus profond du gouffre de l’enfer, sans en paraître affecté, roide et fermé devant les dignes militaires chargés de décider de son avenir proche. Engoncés dans leurs uniformes, enveloppés de préjugés, auréolés du prestige de leur mission de civilisation, convaincus de leur rôle dans le rachat du mauvais garçon debout en face d’eux, ils allaient trancher, la conscience tranquille, fiers du devoir accompli.

Cinq ans. Il prit cinq ans de pénitencier.

Le barbare se serait bien arraché les cheveux, s’il en avait eu ! Il se prit néanmoins la tête dans les mains pendant une faction de seconde, sentit poindre des larmes dans ses yeux, récupéra aussitôt la maîtrise de soi, se leva, appelant Abel du regard. Celui-ci tourna la tête vers lui, le temps d’échanger un silencieux message qui disait la désespérance et l’impuissance de l’un, mais aussi le soulagement ressenti à l’idée de ne plus être sous les ordres de H, de ne plus devoir tuer les Berbères, qui disait le courroux et le désir de vengeance de l’autre devant l’injustice et la haine destructrice du sergent.

Abel sortit de la salle, bien encadré. Il rejoindrait les forçats du pénitencier, dans quelques jours.

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