1 Le blues de l'assesseur
Quelle joie de ne pas franchir la porte d'une école pour aller voter ! Passer devant le bureau de vote sans y entrer était pour moi, aussi grisant que lorsque je partais au lycée le matin avec mon cartable, pour rentrer à la maison une demi-heure plus tard, quand toute la famille était partie bosser. Il faut s'y être essayé pour apprécier toutes les saveurs de la liberté, avec l'intime conviction que l'on va au devant des emmerdes mais que c'est tellement bon, de s'appartenir, de rêvasser et de lire…
Hier, ma première joie était dans l'abstention. Pour moi elle n'a rien d'un manque d'intérêt. Il s'agit d'un BOYCOTTdes élections régionales . Ma deuxième satisfaction a été de voir que la sagesse populaire s'était majoritairement exprimée dans la désertion des bureaux de vote : de quoi faire un peu réfléchir les élus mais je crains hélas que leur cas ne soit désespéré…
Ce n'est pourtant pas faute de bien connaitre les bureaux de vote…Il n'y a pas si longtemps, encore j'étais assesseur ( assesseure ?). C'est la corvée des super-citoyens militants, happés par les élus qui veulent du personnel bénévole. Ce qui s'appelle "raser gratis". C'est une expérience à faire mais faut aimer ! Se regarder en chien de faïence avec la droite, faire tout de même bonne figure parce qu'on est embarqués plus de douze heures dans la même galère... Et plus tard la soirée avec les camarades hilares ou au contraire déconfits… c'est selon…
L'abstention, c'est la plaie des bureaux de vote. Le seul avantage est que le dépouillement va plus vite et encore pas toujours car moins de votants, c'est souvent moins de scrutateurs.
Quand l'électeur se fait rare, le temps s'étire lamentablement. On fait des pronostics de pourcentage en fin de journée, on espère un rush de la dernière heure quand les gens seront rentrés de la plage, sauf qu'un jour comme ce dimanche , l'hypothèse de la page ne semble pas trop crédible. Lorsque l'abstention mène la danse, il est des heures, où l'on a envie de sauter au cou du premier électeur qui vient interrompre une sieste un peu forcée. C'est le blues de l'assesseur ! A force de café, on tient le choc mais la perspective de remettre ça, le dimanche suivant pour les scrutins à deux tours est une vraie punition. Il faudrait rémunérer les héros des bureaux de vote et de la démocratie;
Le pire , c'est délégué de liste car à moins de papoter toute la journée, c'est l'assurance d'un ennui mortel sans même avoir le plaisir écorcher les noms des électeurs avant de leur demander de signer le registre ; il suffit juste de surveiller la triche mais il est inutile de prendre un air soupçonneux car c'est très impoli. De toute façon , lorsqu'il ya triche, elle se passe dès que l'on a le dos tourné. La clope allumée dans la cour de récré est une bénédiction pour les éventuels gens malintentionnés.
Quand arrive le moment du dépouillement, les serviteurs de la démocratie sont tellement épuisés, qu'ils n'ont qu'une envie, c'est d'en finir au plus vite. Alors, ce n'est vraiment pas le moment de chercher des poux dans la tête de qui que ce soit et encore moins de contester tout ce qui pourrait ressembler à des irrégularités. L'idées de tout recompter est dissuasive..
Et puis, ce n'est pas très sympa ni très correct de suspecter l'adversaire de tricher. Alors, à moins d'être assesseur un bureau de vote réputé litigieux, la vigilance est souvent pépère...
Tout ça c'est bien fini pour moi Hier, je n'ai pas eu le blues de l'assesseur ni même celui de l'électrice déçue du score de sa liste. Je n'avais vraiment pas envie de voter. La droite ne m'a jamais vraiment tentée quant à la gauche, elle n'en finit pas de se renier.
En France, la majorité est désormais composée de gens qui ne croient plus aux projets des différents partis. Je ne suis pas certaine qu'il y ait pour les uns ou pour les autres un grand réservoir de voix chez les abstentionnistes car pour une grande partie d'entre eux le choix de ne pas voter est mûrement réfléchi.
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