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PUEBLO

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ASCANIO CELESTINI - DAVID MURGIA, une FABULEUSE symbiose

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Pueblo, dans la lignée de Discours à la nation et Laïka, chante l’authenticité de ces vies oubliées, les perdants, ceux que l’on s’obstine à ne pas voir. Cela donne des portraits attachants, nourris de rêves, de leurs légendes propres, reconnaissants à la vie de ses moindres cadeaux. Dans la bouche de David Murgia qui raconte encore et encore, ils font foule, se croisent, se répondent. On les découvre dans le quotidien avec leur dignité, leur code de l’honneur, les affabulations qui les nourrissent, leur candeur parfois ou leur résignation.

C’est enlevé, plein de grâce en dépit du contexte sordide. Ce sont les petites gens à qui on jette des miettes, des restes périmés de nourriture, un coin au bout d’un parking pour y planter une tente. Ils exercent des activités éphémères, ils vivent dans la rue. Il y a Léonore, la caissière, qui joue à la reine derrière son banc au supermarché et retrouve le soir le fantôme de son père sublimé, Saïd, le manutentionnaire sans-papiers, la tenancière de bar incollable sur les machines à sous, le gamin de huit ans - caché parmi les spectateurs - un petit gitan livré à lui-même depuis la mort de son père, Dominique la clocharde qui n’a pas son pareil pour concocter des festins avec des produits destinés au rebut et qui vit une histoire d’amour avec Saïd.
Tout un peuple silencieux, non revendicateur, qui vit à deux pas de nos maisons et appartements et que l’on peut voir de nos fenêtres pour autant que l’on aille à leur rencontre et que l’on délaisse la télé.

 

Plaidoyer politique, la trilogie de Celestini est une véritable prouesse théâtrale. David Murgia nous guide dans ce peuple aux ramifications infinies avec un bagou à vous filer le tournis. Empruntant le débit des bonimenteurs, il s’infiltre parmi ce peuple, les observe, se fond en eux, commente, digresse, camarade avec le public qui le suit dans ce souffle de 90 minutes presque sans respiration. Son rythme rejoint l’accompagnement sonore assuré par Philippe Orivel, lui-même sur scène avec son accordéon ou son clavier. Ensemble, ils nous transportent dans cette chevauchée fantastique au pays des écorchés, là où l’humour pallie la misère mais où la tragédie et la séparation ne sont jamais loin. Rapatriement ou noyade, l’actualité rattrape la fable.

 

Ascanio Celestini, rappelons-le, est le meilleur représentant de cette veine artistique appelée théâtre-récit, née à la fin des années 80 dans le prolongement de l’art de la narration de Dario Fo. On retrouve chez Celestini la même virtuosité à traiter des sujets graves sur le ton de la farce.

À voir sans modération.

 

Palmina Di Meo  

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HOME - morceaux de nature en ruine

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PERFORMANCES D’ACTEURS AU NATIONAL

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3 acteurs sur scène dans un décor de réfectoire minimaliste de maison de retraite.

3 acteurs non grimés. Ils sont jeunes mais leurs corps sont habités du maintien et des rictus de vieillards. C’est hallucinant, un rien dérangeant...
Des tics et des succions aux crispations et aux tremblements de leurs membres, ils sont asservis à leur rôle de pensionnaires en fin de vie.

 

Tout obéit à une temporalité suspendue. La vie s’écoule au rythme de la progression de ces corps fatigués, voûtés, dans un ralenti souligné par l’immense horloge donnant l’heure en temps réel.

Un temps qui s’étire entre la gestion des déplacements et l’attente des rituels quotidiens, les repas, les visites régulièrement annulées.
Une attente perceptible dès le début qui fait écho à celle des spectateurs, pressentis comme des visiteurs. Une observation réciproque où le moindre mouvement, le moindre bruit devient événement et suscite des réactions non pas verbales mais des pincements de lèvres, des haussements interrogatifs de sourcils, obligeant l’assistance à une concentration sur ces mouvements imperceptibles.

Paradoxalement, les accidents majeurs, les chutes, la dégradation de l’environnement sont dédramatisés, dilués dans l’indifférence générale, ce qui introduit une forme d’humour défensif.

 

Pour obtenir un tel résultat, les acteurs ont côtoyés des personnes âgées dans une maison de retraite d’Ixelles et ont créé avec eux des liens par une véritable rencontre. Imprégnés de l’atmosphère de lente décrépitude de ces lieux d’assistance pour personnes à mobilité réduite qui ne sont autre que des mouroirs, ils ont parfait la maîtrise de leurs mouvements au moyen de la méthode Feldenkreis. Sans copier quiconque, sans caricaturer, ils ont créé des personnages originaux avec les résistances de leur propre corps, nous renvoyant à une lecture documentariste.

 

Diplômée de l’Insas, Magrit Coulon, la metteuse en scène, s’intéresse à la gestion du temps comme outil d’architecture scénique depuis son mémoire de fin d’études. « Home - morceaux de nature en ruine » a été récompensé du prix Maeterlinck de la meilleure Découverte. Sur une dramaturgie de Bogdan Kikena avec qui elle a fondé sa compagnie Wozu ?, elle capte avec une maestra incontestable les infimes soubresauts de vies en suspension et nous aspire lentement, le temps d’une représentation, dans ces espaces temporels que l’on a instinctivement tendance à éviter.

 

Chapeaux bas à ces artistes, Carol Adolff, Alice Borgers, Anaïs Aouat et Tom Geels qui ont physiquement disparus dans l’incarnation de ces personnages qui nous attendrissent malgré eux, empruntant les voix par des moyens techniques les voix des pensionnaires du Home Malibran.

 

Palmina Di Meo

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