Dominique (Thierry Helin) et Gilles (Vincent Minne), deux flics se retrouvent matins et soirs au vestiaire, lieu de confidences au moment d'endosser ou retirer les attributs du pouvoir: uniforme, gilet pare-balles, matraque. c'est aussi l'endroit de la césure entre la sphère professionnelle et privée. Ils sont co-équipiers et très différents l'un de l'autre. Dominique est un sanguin. Gilles est plutôt sans histoire. Le foot est son principal centre d'intérêt. Il est aussi l'oreille bienveillante de Dominique sans toutefois s'impliquer plus que nécessaire. Quand Dominique lui fait part de ses soupçons quant à l'infidélité de sa femme, Gilles le taquine. Mais pour Dominique qui a besoin d'un environnement rassurant après une journée de stress et de violences, la coupe est pleine. Il est persuadé que sa femme le trompe et comble de l'ironie, avec un noir. Peut-être un talentueux joueur de foot? Il confie à Gilles qu'il est prêt à la "buter" quitte à se tuer lui-même.
Servir et protéger, ce sont les missions qui doivent les guider en tant que forces de l'ordre... On les retrouve le soir. Gilles remonte les bretelles à Dominique: "T'es sorti des clous. On s'est mis à trois pour t'écarter" car oui, Gilles a passé ses nerfs sur un jeune noir sous prétexte de "rébellion". Mais Gilles ne va pas au-delà de la mise en garde. Dans la police on se serre les coudes. Sauf que Dominique dispose d'une arme...
"Deux flics au vestiaire" fait partie d'une trilogie écrite par Rémi De Vos (éditée chez Actes Sud) à la demande du Poche avec pour objectif de faire rire à propos des bavures policières. Sauf qu'on ne rit pas vraiment. Même si le sujet est traité sur le mode de la blague (Allons, si on dit qu'on va tuer sa femme, c'est qu'on ne le fera pas, sinon on se tairait), la gravité du propos et sans doute son actualité, nous assène le texte comme un coup de poing. Racisme, féminicide, indifférence, passivité face aux actes de violence, nous sommes tous concernés.
Le Poche a suscité le débat il y a quelques jours en invitant Valentin Gendrot, journaliste infiltré dans la police parisienne dont les révélations avaient déclenché en France une vaste enquête.
Si la violence n'est pas montrée dans la pièce, on se souvient de l'affaire Michel Zecler, un producteur de rap martiniquais tabassé par plusieurs policiers à son domicile et dont l'agression avait été filmé par des caméras de surveillance par un heureux hasard avec des images particulièrement choquantes.
Thierry Helin et Vincent Minne sont parfaitement complémentaires lorsqu'ils enfilent les caractères de ces personnages hors cadre: un homme violent et à cran et un passif un brin évaporé coincé dans la trouille et le démenti, tous deux représentants de la force et de l'ordre publics.
Un affrontement qui interpelle et suscite la réflexion sans réellement l'alimenter. Le débat est à chercher ailleurs.
A voir au Poche jusqu'au 25 mars.
Palmina Di Meo
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