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12272738656?profile=original"Tropismes" est u recueil de textes de Nathalie Sarraute , publié à Paris chez Denoël en 1939 (18 textes); réédition augmentée de six nouveaux textes aux Éditions de Minuit en 1957.

Ce livre juxtapose 24 textes brefs dont les actants sont désignés par les pronoms personnels de la troisième personne: une foule devant des vitrines (1); un homme que torturent les banalités du langage (2); dans le quartier du Panthéon, des personnages solitaires, sans souvenirs, sans avenir, heureux (3); un étrange ballet verbal, cruel et ludique, entre un homme et quelques femmes (4); une femme figée dans l'attente (5); une femme impérieuse qui écrase autrui sous le poids des choses (6); une femme qui parle et souffre de se sentir jugée par un homme qui ne parle pas (7); un grand-père qui promène son petit-enfant (8); un homme qui parle à une femme pour qu'elle ne parle pas (9); des femmes dans un salon de thé (10); une femme assoiffée d'intellectualité (11); un professeur rationaliste du Collège de France (12); des femmes, acharnées à traquer une pièce de tissu (13); une femme sensible, croyante, qui s'attire les brusqueries d'autrui (14); une jeune fille heurtée par les inepties du vieillard qu'elle admire (15); un vieux couple (16); un jeune couple en promenade avec son enfant (17); la quiétude d'un cottage anglais (18); un faible, malmené par autrui, et qui se laisse faire (19); un homme rassuré et étouffé par les femmes qui l'entourent depuis son enfance (20); une femme trop sage traversée par le désir soudain de fuir et de choquer (21); un homme qui se défend d'être attiré par les objets (22); une femme qui, malgré elle, rejoint le cercle de sa famille qu'elle méprise (23); un homme épié (24).

L'ouvrage, passé à peu près inaperçu lors de sa publication, présente pourtant d'emblée au lecteur, sous une forme brève et frappante, le champ d'exploration privilégié de Nathalie Sarraute. Dès ces premiers textes, elle manifeste en effet une méfiance à l'égard du personnage traditionnel (un "trompe-l'oeil" écrira-t-elle dans l'Ere du soupçon, 1956) et opte pour l'anonymat du personnage; mais, contrairement à d'autres "nouveaux romanciers", elle s'attache au monde intérieur de ces êtres anonymes, aux "sources secrètes de l'existence humaine" (ibid.) qui tissent, invisiblement mais plus solidement que les apparences qui les masquent, les rapports humains.

Ici comme dans le reste de son oeuvre, la notion de relation, de "partenariat" est primordiale pour N. Sarraute, qui n'étudie jamais un être par lui-même mais par l'intermédiaire de ceux auxquels il est lié. Au coeur de ces petits récits, donc, des situations empruntées à la vie quotidienne, banales, anodines, dont elle révèle l'envers, la face silencieuse qui affleure au fil de rares mots lancés plus qu'échangés, de gestes juste ébauchés. Le récit isole des moments éphémères et leur donne une densité nouvelle, pour tenter de capter les "tropismes", ces "mouvements subtils, à peine perceptibles, fugitifs, contradictoires, évanescents, de faibles tremblements, des ébauches d'appels timides et de reculs, des ombres légères qui glissent, et dont le jeu incessant constitue la trame invisible de tous les rapports humains et la substance même de notre vie" (l'Ere du soupçon, "De Dostoïevski à Kafka"). Il se crée ainsi une impression d'étirement du temps par le récit, qui essaie de rendre compte, en le décomposant, d'un foisonnement invisible de sentiments, de sensations, à la limite de la conscience. Pas ou peu de faits ou d'actes, tout au plus quelques paroles insignifiantes, des clichés: le récit met au jour ce qui se bouscule en deçà de l'attente et du silence. Et le quotidien le plus banal, le plus rassurant peut, grâce à ces petites scènes volontiers âpres, ironiques ou cruelles, révéler sa violence extrême, une souffrance insoutenable ou une détresse indicible.
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