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des amours de province Suite n° 4

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René, dès  que Pierre eut reçu son diplôme, le fit engager en tant que secrétaire dans une entreprise qui faisait le négoce de produits alimentaires. Il l’avait répété au président Halloy.

-Ce n’est pas une carrière mais ce sont ses premiers pas dans une vie active.

 C’est alors, vraisemblablement, que tout avait commencé.

Le patron de l’entreprise, Gérard Leroy, le mari de Julie, n’avait que quelques années de plus que Pierre. Il dirigeait l’entreprise parce que son père, veuf, était mort depuis deux mois. Du jour au lendemain, il avait hérité d’une entreprise d’aspect modeste mais très profitable. La proposition de René Daumier lui agréa immédiatement après quelques hésitations de pure forme.

La formation commerciale de Pierre pour théorique qu’elle était, lui était d’autant plus utile que Gérard Leroy était un homme maladivement timide. Ses rapports avec la clientèle, des épiciers, des dirigeants de cantine, des responsables des achats de la ville, et de firmes concurrentes qu’il approvisionnait en produits dont il avait l’exclusivité, mettaient ses nerfs à rude épreuve. Quant à inviter les plus influents d’entre eux à diner, comme c’était la coutume, c’était tout à fait exclu. Une migraine soudaine le saisissait, et il devait aller se coucher.

Gérard était un homme maigre, presque fluet, blond, les yeux bleus, que son père avait marié pour l’installer dans la vie et pour avoir un petit fils. Il lui avait choisi la fille unique d’un imprimeur. Celui qui fournissait les étiquettes de ses pots de cornichons au vinaigre, une spécialité des Etablissements Leroy.

Malgré lui, il l’avait installé très tôt en mourant avant l’âge, terrassé par un infarctus. Au moment de mourir, la tête sur son bureau, les yeux ouverts, à la surprise de madame Germaine, sa secrétaire, il avait eu le temps de dire :

- Nom de dieu !  

Monsieur Leroy était un catholique affirmé qui allait à la messe tous les dimanches. 

Son premier vœu avait été exhaussé, Gérard avait hérité de l’entreprise. Son second vœu, son petit fils, le père de Gérard n’aurait jamais pu le voir réalisé : son fils était incapable de procréer.

En revanche, il avait connu Julie, la mère présumée du petit fils à venir, la fille de l’imprimeur. Une jolie fille, elle avait vingt ans à peine, qu’il aurait bien épousée lui-même.

Quant à Julie, même si elle devinait que les visites de monsieur Leroy avaient un caractère qui n’était pas uniquement commercial, elle faisait semblant d’en être ravie.

Julie voulait se marier pour quitter le domicile familial et ne plus affronter les remarques de sa mère lorsqu’elle choisissait un pull trop moulant ou lorsque son lit n’était pas correctement fait. Pour beaucoup de filles ce sont des motifs suffisants pour se marier. L’amour, ou ce qui en tient lieu, suit généralement.

Le père Leroy était fortuné, son fils et son épouse le seraient à sa mort, les parents de Julie avaient dit oui sans hésiter lorsque monsieur Leroy les avait interrogés.

- Vous croyez, monsieur Leroy ?

C’était leur façon de dire : oui.

Julie était belle. Les hanches un peu trop rondes peut être. Mais les hommes, jeunes ou moins jeunes, les appréciaient du regard. Elle au contraire, durant de nombreuses années, avait marché droite et presque raide, les cuisses serrées, pour empêcher ce balancement des fesses qui, elle le voyait, suscitait l’attention. Sa poitrine par contre était celle des filles androgynes. Des seins petits, hauts placés, qu’on devinait durs.

Monsieur Leroy lorsqu’il se rendait chez l’imprimeur pour parler d’étiquetage, il s’y rendait souvent, prenait le café en compagnie de l’imprimeur, de son épouse et de leur fille. Il lui arrivait de la regarder avec des sentiments peu avouables pour un futur beau-père.

Il est vrai qu’il était devenu veuf alors qu’il était encore animé des pulsions propres à tout homme normalement constitué. C’est ce qui expliquait les regards qu’il jetait sur la plupart des jeunes femmes et alors même que depuis son veuvage, il se rendait tous les vendredis dans une de ces maisons qui sont nombreuses sur la grand-route. Bien sûr, il regrettait sa femme. Hélas, elle éteignait la lumière de la chambre à coucher avant de se mettre au lit. Ce souvenir avait persisté longtemps.

Personne n’est maître de son destin ; disait-il. Encore moins de celui des autres.

Le mariage avait eu lieu dans un restaurant du centre qui avait été réservé aux seuls invités. Le soir, les jeunes époux avaient passé leur nuit de noces dans la chambre que Gérard avait occupée chez son père. L’appartement que les parents leur avaient destiné sentait encore la peinture.

- Ce n’est pas grave. Il ne s’agit que d’une seule nuit.

- Vous croyez ?

- Ils partent en voyage de noces dès demain matin.

Monsieur Leroy avait vu les choses trop naïvement. Le restant de la nuit non plus n’avait pas été très réussi. Julie, immobile, s’attendait à des transports identiques à ceux qu’elle imaginait dans son lit de jeune fille. Gérard était trop ivre et avait peur de brusquer la jeune femme étendue à ses côtés. Tandis qu’elle rêvait les yeux au plafond, il s’était tourné sur le côté, et s’était endormi. Il ronflait assez fort, l’effet de l’alcool sans doute. Elle s’était glissée à l’extrémité du lit.

 

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Commentaires

  • La timidité peut expliquer bien des choses ....mais une éducation uniquement centrée sur un sentiment de supériorité n'arrange rien.

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