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C’était trop tard pour sauver leur union. Depuis peu de temps, elle se posait la question sans aucune réticence : est-ce qu’elle imaginait de vieillir avec Pierre ?  Il faudra bien, pensait-elle, qu’elle renonce un  jour à l’exaltation des sens qu’il lui procurait à chaque fois qu’il la touchait. Cette impatience qui était la sienne l’émouvait et lui faisait peur à la fois. Est-ce qu’il aimera la femme qu’elle deviendra lorsque son corps aura été corrompu ? Pierre était fragile. Il agissait par à-coups. Quelques années auparavant, il avait fui en disant seulement par téléphone : je pars. Elle n’oublierait jamais cette nuit-là.

Un vendredi après-midi, elle préparait une valise à l’heure où il rentrait du bureau.

- Tu t’en vas ?

Il avait eu peur. Il savait qu’elle le quittait.

- Pour le week-end, Pierre.

Elle avait dit qu’elle passerait le week-end entier à la côte. Une amie qu’elle avait perdue de vue l’avait relancée.

- Je rentrerai dimanche soir ou lundi matin. Cela ne t’ennuie pas de passer deux jours sans moi ?

- Vous serez seules ?

La question avait été spontanée. Il avait regretté de l’avoir posée.

- Je ne sais pas ? Je suppose qu’elle sera accompagnée de son mari.

Julie avait une amie avec laquelle elle avait renoué lorsque Pierre l’avait quittée. Mariée. Elle venait rarement chez Julie. D’un côté il y avait eu Liliane, de l’autre il y avait eu Annie. C’était une amie de classe dont le mari de cinq ans plus âgé était dévoué à sa femme comme aux premiers jours de leur mariage. Ils ne disaient pas mariage ni l’un ni l’autre, ils disaient : comme aux premiers jours de notre union.

Pierre avait conduit Julie à la gare. Il était malheureux. Après l’avoir déposée, il souhaitait la battre. Puis il avait téléphoné à Liliane pour l’inviter à dîner afin de prouver à Julie qui l’apprendrait de Liliane, qu’il pouvait se passer d’elle.

Liliane l’avait remercié. Elle avait dit qu’il y avait longtemps qu’elle souhaitait un dîner en tête à tête avec lui.

- Nous ne sommes pas des inconnus l’un pour l’autre.

Nous parlions très souvent de toi lorsque tu es parti. J’apporterai le champagne.

- Tu es folle. Il ne s’agit pas d’une fête parce que Julie passe un week-end avec une amie.

- La fête, c’est que nous allons passer la soirée ensemble, toi et moi.   

Il regrettait de l’avoir invitée. Il se sentait ridicule. Il avait agi comme un adolescent. Mais il était trop tard.

Liliane avait mis une robe bleue, serrante, et souligné sa taille d’une large ceinture de tissus rouge nouée sur le côté. Elle avait l’air d’un paquet cadeau dont il suffisait de tirer sur la ceinture pour le découvrir. Peut-être était-ce l’impression qu’elle voulait donner. Il était difficile de connaître les motivations de Liliane. Ses intentions véritables n’étaient jamais innocentes.

- Une véritable garce.

C’est de cette manière que Julie l’avait définie en haussant les épaules.

Il était huit heures lorsqu’elle était arrivée. Il avait préparé un repas froid, le seul à l’exception des omelettes, qu’il était capable de préparer.

- Foie gras et homard, tu es un ange.

Elle l’avait embrassée. Sur les joues. Deux ou trois fois. Il ne se souvenait jamais du rituel habituel de sorte que ce fut aussi sur les lèvres. Après le repas qu’ils avaient pris en plaisantant mais, pour Pierre en tout cas, l’esprit ailleurs, Liliane s’était assise dans la bergère du petit salon. Elle attendait que Pierre lui serve un verre de whisky. Elle avait déboutonné le premier bouton de sa robe.

- Il fait tellement chaud. Ne t’inquiètes pas, je n’irai pas plus loin.

C’est elle qui avait augmenté le son de la radio pour mieux entendre une émission musicale, disait-elle. Le son est un mur qui étouffe les sentiments. Elle buvait beaucoup. Elle avait demandé un peu de whisky.

- Avec des glaçons, c’est moins alcoolisé.

Le visage entre les mains, les coudes appuyés sur la table, elle paraissait réfléchir.

- Tu crois que c’est elle ?

- Elle quoi ?

- Marc-Antoine. C’est elle qui l’a tué ?

Il s’était dressé.

- Tu es folle, Liliane. Je crois qu’il est temps de rentrer.

- Elle le voyait bien : c’est de moi qu’il était amoureux.

Elle n’était pas tellement ivre qu’elle voulait le montrer mais c’est de cette manière, souvent, que des messages se transmettent.

- Il est temps de rentrer Liliane.

- Tu ne vas pas me laisser rentrer dans cet état. Je vais dormir dans la petite chambre comme je le faisais lorsque tu n’étais pas là. Parfois, je dormais dans la grande chambre. La chambre de Gérard. Je veux dire la chambre de Julie. Avec elle.

Il faisait semblant de ne plus l’écouter. Il rangeait les plats dans l’évier pour les rincer. Lorsqu’il entendit qu’elle montait vers l’étage, Il se versa un verre de whisky. Puis, il monta se coucher à son tour.

Il ne parvenait pas à s’endormir. Il entendit les pas de Liliane dans le corridor. Il devinait ce qui allait se passer. Liliane poussa la porte, elle ne portait que sa culotte. Elle l’ôta avant de se glisser dans le lit.

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Commentaires

  • Et voilà la question fatidique qui tombe :"Marc Antoine ....".

    Coup de Jarnac d'un "bonne" amie .... ?

    "Le son est un mur qui étouffe les sentiments" . Vous avez l'art des formules percutantes et j'aime beaucoup ceci, je ne sais trop pourquoi.

    Il y a du "roman policier" dans toute cette histoire. Aussi, la suite est toujours attendue avec intérêt.

    A demain.

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