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Maeterlinck entame sa carrière littéraire par la poésie avec Serres chaudes; suivront le recueil Douze Chansons (qui deviendront Quinze Chansons en 1900), puis le silence: Maeterlinck abandonne alors définitivement cette forme d'écriture.

Ce recueil mûrit dans les serres d'Oostakker où son père, longtemps avant lui, s'interrogeait sur l'intelligence des fleurs. Dans Bulles bleues, en 1948, Maeterlinck dira de Serres chaudes qu'elles n'eurent "d'autre retentissement qu'un coup d'épée dans l'eau". Verhaeren fit pourtant dans le Mercure de France un compte rendu élogieux du recueil, où il saluait l'auteur de "n'avoir pas eu peur de son inspiration adolescente".

La solitude, la captivité et la douleur de l'âme dominent l'ensemble du recueil: "O serres au milieu des forêts / Et vos portes à jamais closes!" Mais à travers la prison transparente de la serre, le poète perçoit parfois l'activité du monde; il lui vient alors des regrets: "O mon âme vraiment trop à l'abri", et des désirs de sentir la vie pénétrer son univers clos: "Mon Dieu, mon Dieu, quand aurons-nous la pluie, / Et la neige et le vent dans la serre." Son renoncement au monde, imparfait, ne lui apporte pas la sérénité escomptée et la serre lui est un lieu aussi inconfortable que le monde des hommes: "Seigneur, les rêves de la terre / Mourront-ils enfin dans mon coeur? / Laissez votre gloire seigneur / Éclairer la mauvaise serre."

A côté des poèmes réguliers, composés d'octosyllabes à rimes le plus souvent croisées, Serres chaudes contient également des proses poétiques et des vers libres, où des images hétéroclites renvoient une vision chaotique du monde extérieur: "On dirait une folle devant les juges, / Un navire de guerre à pleines voiles sur un canal..." Ces vers qui témoignent d'une extrême sensibilité, disent aussi la peur d'autrui, de l'homme en général: "Oh! j'ai connu d'étranges attouchements! Et voici qu'ils m'entourent à jamais." Et plus loin: "Il y avait des figures de cire dans une forêt d'été... / Oh! ces regards pauvres et las!"

De tous les recueils du symbolisme, Serres chaudes est sans doute le plus fidèle à cette école. Seule l'âme du poète habite ces pages; aucune passion forte, malgré l'expression d'une souffrance et d'une pitié pour le genre humain, aucun homme tangible ne peuplent ces vers. Le "je" qui se plaint dans ces poèmes monotones est une âme solitaire, gagnée par la mélancolie. Maeterlinck a la tête dans les étoiles; il est épris de comètes, de nébuleuses, de nuages, mais il s'enferme aussi dans des lieux clos dont les serres sont sans doute les plus étouffants qu'il ait jamais imaginés. Elles symbolisent ici la captivité de l'âme, la prison transparente; elles évoquent les touffeurs et les langueurs de l'ennui. Déjà toute la mythologie du théâtre de Maeterlinck est en place: princesses évanescentes, vierges pleurant au fond des grottes humides, petites filles solitaires dans un univers hostile.

A travers ces poèmes de l'introspection décadente, traversés d'images fulgurantes qui jouent d'une savante et délicate musicalité, Maeterlinck veut par le surnaturel appréhender la nature même de la condition humaine. Le symbolisme chez lui est une réponse à la vie et non un simple décor.


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Commentaires

  • "L'Intelligence des fleurs" est un ouvrage en prose qui ne cesse de m'enchanter, regard porté sur le monde botanique d'un "Promeneur solitaire" en herbe, aimant lui aussi herboriser, avec notamment un magnifique témoignage sur les cultures florales, aujourd'hui disparues, prenant racines au coeur de la cité du parfum du terroir grassois...

    Quand à l'atmosphère des "Serres chaudes", il ne fait pas bon y séjourner trop longtemps... sous peine d'être menacée d'étouffement et lorsque de surcroit, on y adjoint la musique d'Ernest Chausson, dans l'interprétation de la contralto Nathalie Stutzman, l'émotion atteint son point culminant  !

    De surcroit, nous lui devons le drame Pélléas et Mélisande, sans lequel, l'oeuvre lyrique de Claude Debussy n'aurait pu voir le jour...

    Avec mes remerciements pour ce vibrant hommage d'une âme souffrante, éprise de bonté : "Si j'étais Dieu, j'aurais pitié du cœur des hommes" devait-il déclarer à travers la voix de son noble personnage Arkel ! comment ne pas épouser une telle sentence !!!

  •  Merci pour cette présentation de l'oeuvre de ce grand poète dont je ne connaîs que quelques poèmes célèbres. Je vais essayer de trouver et de  lire ses écrits qui semblent captivants.

  •  Quelle découverte d'un être tourmenté


    Quelle triste découverte d'un être tourmenté, dans votre descriptif si complet.

    Je fus si éprise de ses chansons et autres nouvelles ... j'aurais dû m'en douter

    mais par sa musique et ses belles évocations romantiques et symoliques

    j'aimais à me faire bercer.


  • Merci vaiment, je suis depuis trente ans, si fane de lui !

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