Un couloir backstage soit deux files de gradins où le public donne corps à une sortie de scène comme autant de fans en attente de l'apparition de leur idole.
Le concert de Death Metal a lieu derrière la porte gardée par Mo, agent de sécurité, dont la fonction est de refouler toute personne qui tenterait de faire irruption dans la salle de concert tout comme de protéger la sortie des artistes.
Des toilettes à l'autre extrémité du couloir. Le décor est planté.
Déboulent Anton (Yuri Dirkx), le père d'Alice (Sarah Grin), la chanteuse, venu féliciter sa fille pour sa prestation. Il est accompagné de sa seconde épouse Lisa (Jessica Fanhan), belle-mère d'Alice. La tension monte rapidement alors qu'Alice ne se montre pas à la fin du concert. Impatient, le père tente d'intimider le gardien (Mehdi Zekhnini) qui n'a aucune autorité pour le faire entrer. Mo reçoit des instructions via un micro inséré dans son oreille et exécute simplement les instructions. Le ton s'envenime alors que le père tente de soudoyer le gardien faisant valoir son statut social et ravalant Mo au rang de simple exécutant. Avec l'arrogance des gens se prétendant dans leur bon droit et la hargne d'un roquet à qui on tente de retirer son os, il finira par insulter personnellement le gardien qui lui répondra par la violence physique. Momentanément désarçonné, Anton se réfugie dans les toilettes où son épouse tentera de l'apaiser après s'être excusée auprès du gardien et l'avoir assuré que cette situation n'est pas exceptionnelle car son caractériel de mari s'attire souvent ce genre d'ennui. Mais tout cela ne va pas décourager Anton qui revient rapidement à la charge.
"Chiens de faïence" est la quatrième pièce de Vincent Lecuyer qui explore la violence du monde, souvent confrontée à des figures autoritaires systémiques. "Ce qui m’intéressait dans cette situation, c’est cette porte fermée, cette séparation entre le père et la fille, avec cet homme au milieu qui fait juste son travail. Le père est plutôt un anti-héros qui va revendiquer ses droits. Il y a cette idée d’une figure paternelle et patriarcale qui représente le masculin à l’ancienne, le masculin "grande gueule", le masculin de la domination."
Qu'il s'agisse de classe, de race, de politique, de croyances, l'objectif de Vincent Lecuyer est de nous mettre face à nous-mêmes, à nos démons intérieurs quand nous sommes persuadés de détenir la vérité, sans toutefois livrer de solutions toutes faites.
La mise en scène confiée à Héloïse Jadoul, répond parfaitement à cette volonté de susciter des réactions physiques chez les spectateurs impuissants de cette confrontation qui tourne à l'absurde. Le dispositif scénique réserve quelques surprises et Héloïse Jadoul n'hésite à porter sur scène une réponse radicale (sous la forme d'une parenthèse fantasmée) à la violence par la violence.
Une pièce qui suscite nombre de questions chez les "voyeurs" de cette escalade d'agressivité gratuite et portée par des comédiens au plus vrai de la situation.
Palmina Di Meo
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