Oui, j’ose l’écrire, « Bleu Pyrène » s’est invité comme le ferait un amour foudroyant, un rendez-vous offert par une œuvre qui mériterait peut-être le titre d’œuvre majeure. Est-ce en raison d’une histoire qui nous porte vers l’originalité ? Est-ce pour la qualité de narration ? Les mots se bousculent et peinent à exprimer les fondements d’un coup de foudre pour un ouvrage d’une rare qualité narrative.
La couverture n’a rien d’ostentatoire, au contraire, d’une agréable sobriété, elle semble posée sur l’ouvrage comme le serait un gardien discret. Pas de couleur, juste un peu de gris étendu sur un blanc dominant. Cette tempérence invite le curieux à concentrer le regard sur une fenêtre chapeautée par une treille soigneusement taillée.
Cette discrétion ou cette réserve attire notre attention. Papier de qualité, un détail certes, mais un détail qui semble dire qu’ici le lecteur est respecté par moult détails exquis. Malgré notre curiosité, cette approche ne doit pas nous faire oublier que si le contenant nous invite à la découverte, le contenu ne peut démériter sous peine de discréditer la présentation choisie par l’éditeur.
Petit sourire en découvrant une citation de Sénèque : Tirons notre courage de notre désespoir même… Sourire ? Oui, j’imagine que Denise Déjean comprendra, je songeais à ces sommets gravis pour trouver porte close. C’est peut-être pour cette raison que l’on devient chroniqueur littéraire. Probablement, comme le serait la fièvre qui vous invite à continuer et continuer encore, à l’identique d’un chercheur d’or. Comme lui, nous sommes quelquefois perdus, souvent solitaires, réprouvés parfois, inlassablement à l’affut d’une pépite qui se dévoilerait un jour. Et c’est souvent le cas, comme ça, sans s’être annoncée, au moment précis des inévitables remises en question. Étrange statut social, impossible à définir, basé sur le bénévolat et qui porte la responsabilité de commenter le plaisir de lecture en fonction de ses goûts, de ses combats de vie, de ses sautes d’humeur et faut-il l’avouer, de lassitude lorsque l’intérêt ne trouve rien d’intéressant pour assouvir sa curiosité.
Je vous confiais que c’est peut-être pour cette raison que l’on accepte d’être au service d’une passion. En refermant « Bleu Pyréne » que nous offre Denise Déjean, je découvre l’horizon qui me pousse à continuer ma quête. « Bleu Pyrène » est un petit bijou. Le texte est joliment construit. Il semble façonné en dialecte précis, jamais précipité, juste l’harmonie des mots soigneusement posés sans tomber dans la facilité des banalités.
« Qui était cette femme, si belle, aux foulards vaporeux ? » On pourrait résumer l’ouvrage par cette simple accroche, mais ce serait léger. « Bleu Pyrène » est un condensé de femmes. Oui, je sais, l’expression est osée et pourtant… Ce récit, semble offrir sans avoir l’air d’y toucher, les clefs de la féminité. Femme, sa force et ses faiblesses, ses combats et ses détresses. Femme enfant, femme qui grandit, assoiffée de liberté, confrontée aux normes de société, à ses désirs, ses révoltes, son féminisme pas si féminin que cela puisqu’en y regardant de près, on remarque qu’Adam et Ève portent chacun de son côté les cicatrices oubliées par des siècles empoussiérés. On prétend que la femme est fragile, je n’en suis pas certain… Discréditée parfois, rabaissée quelquefois, battue ou dominée elle n’en reste pas moins l’indispensable maillon de vie sans qui rien ne serait possible. Honte à celui qui porte la main sur elle, honte à celui qui blesse par ses paroles. Mais vous l’aurez compris, voici que je m’égare… « Bleu Pyrène » est un récit précieux. Il ouvre nos regards sur un vocabulaire richement construit. Un ouvrage certes, un roman certainement et par-dessus tout, un régal pour le lecteur. Attention, en découvrant cette œuvre vous serez surtout surpris par la densité des sujets abordés. L’air de rien, en simple effleurement, l’auteure dévoile des silences sociétaux. Inutile d’en rajouter, vous l’aurez compris, « Bleu Pyrène » est un petit chef d’œuvre à lire sans modération.
Philippe De Riemaecker
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