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Barcelone, presque un an déjà !

 

Vous plairait-il de découvrir les impressions d'une candide, découvrant en 2010 Barcelone, ville tant désirée ?

 

J’ai donc finalement accompli le voyage à Barcelone dont je rêvais depuis des années, pour un séjour d’une huitaine. Ma fille Claude a réussi non sans peine à me décider. J’en reviens très fatiguée mais éblouie. La fatigue que j’ai ressentie à arpenter sans fin les rues m’a permis de mesurer à quel point je suis rouillée et combien il est important pour moi de surmonter cette lassitude, si je veux rester alerte et donc « jeune » encore un moment.

Commençons par une sorte de pense-bête qui me permettra, je l’espère, de raviver mes souvenirs, avant qu’ils ne s’effacent tout à fait.

Nous sommes arrivées dans l’après-midi du lundi 20 septembre par un temps gris mais doux. Nous avons pris un taxi pour nous rendre à notre auberge de jeunesse qui se trouve 101, avenue Paral-lel.  

Le quartier est assez central car il est proche de la Rambla, la grande avenue commerçante, avec un large terre-plein central  où se trouvent les étals de souvenirs et où défilent sans arrêt badauds et touristes.

Nous nous sommes promenés dans les rues avoisinantes et j’ai constaté que le linge que j’avais remarqué dès notre arrivée, exposé sur plusieurs balcons, était toujours là, alors qu’il s’était mis à pleuvoir légèrement. Sans doute les ménagères qui l’avaient ainsi déployé, le laissant tout éclairé par le bleu ou le vert des persiennes voisines, étaient au boulot, à courir les boutiques, parties je ne sais où, les bras encombrés de toute une marmaille, que sais-je ? Dans la ville que nous visitons, il n'y a pas que des touristes plongés dans une sorte de magie mais des gens qui vivent leur vie de tous les jours. Et qui se signalent à nous par une lampe allumée, une silhouette passant devant une fenêtre ouverte, un cri venant de nulle part lorsqu’ils sont chez eux, retranchés derrière la fragile barrière de la vie privée, auréolés d’un mystère plus profond encore que celui des passants, petites fourmis affairées sur un sentier de la guerre dont nous ignorons tout.

Nous avons arpenté le quartier qui est mouvementé et assez modeste, avec des petits bistrots sympathiques et bruyants, des marchands de fruits et des bazars où l’on trouve à peu près de tout pour pas cher. J’ai acheté un couteau pour peler mes fruits du matin dans un de ces bazars. Ces commerces sont souvent tenus par des Pakistanais ou des Chinois.  

Nous avons soupé dans un petit café aux chaises vert pomme. J’y ai dégusté mes premières tapas barcelonaises. Effet de la découverte ? C’est là qu’elles m’ont semblé les meilleures. Nous avons goûté à l’excellent jambon séché du pays, puis à des anchois au vinaigre, servis avec du pain frotté de tomate fraîche. Nous ne nous sommes pas attardées car, avec la soirée qui s’avançait, l'endroit devenait de plus en plus bruyant, dans la mesure où  chacun s’efforce de couvrir le bruit de la télévision, malédiction à laquelle on n’échappe pas dans ce genre d’établissement.

Et puisque nous sommes sur le chapitre de la bouffe, nous avons constaté que l’on peut manger pour 10 euros : entrée, plat principal, dessert et une boisson, dans des établissements très fréquentés à la fois par les touristes et les gens du crû, par exemple dans le quartier gothique. C’est parfois réussi, parfois moins si on a fait un mauvais choix. Je me souviens d’un saumon grillé tout à fait acceptable mais aussi de sardines fraîches que Claude a été seule à apprécier. L’établissement dans lequel nous les avons mangées était très agréable d’aspect, avec une sympathique ambiance de brasserie à l’espagnole mais il était bondé et le service nerveux, pour ne pas dire expéditif, m’a rappelé les usines à bouffe françaises, où les gens attendent debout derrière votre chaise que vous leur cédiez la place et où les serveurs volent de table en table, comme s’ils ambitionnaient de remporter un marathon.  

Un autre jour, nous avons mangé des aubergines, associées à des pignons de pin et à du fromage de chèvre. C’était délicieux mais très salé. C’était le dimanche qui a précédé notre retour et nous étions à une terrasse, après avoir visité l’église Santa Maria  del  mar.

J’ai rapidement renoncé à mon verre de rouge au repas de fin de matinée car cela me coupait les jambes et nous avons énormément marché, façon la plus rationnelle de découvrir les charmes variés d'une ville où la surprise,  l'émerveillement et parfois l'effroi vous attendent à chaque coin de rue.

Un soir, nous avons échoué dans un restaurant assez chicard, tapissé d’une impressionnante collection de bouteilles de vin. Les familles qui y étaient attablées s’y trouvaient manifestement pour s’offrir un menu de gala.

Nous nous sommes cantonnées à nos tapas mais cette fois j’ai été déçue car mon jambon serrano avait été frotté d'huile et c’était très écœurant.  En revanche il y avait là une grosse femme qui servait et faisait l’article dont je me suis régalée. Imaginez une face lunaire aux paupières peintes en bleu, aux cheveux plaqués à la garçonne, surmontant une sorte de barrique sanglée dans un tablier noir. Mais quelle rondeur, quelle alacrité, quelles mimiques alléchantes pour appâter les dîneurs, avec force sourires gourmands et gestes expressifs des petites mains courtaudes aux ongles peints en rouge.

J’ai eu droit, en place de mon modeste verre de rouge, à une excellente bouteille entamée dont la serveuse m’a fait comprendre que je pouvais en boire à discrétion. Pour en revenir à notre serveuse et sommelière, elle me fascinait et j’aurais aimé en savoir plus sur elle. Me changer en petite souris pour l’observer dans l’intimité de ses heures de repos. Mariée ou non, homo ou hétéro, enfants ou pas, satisfaite de sa vie ou désabusée ? Mon instinct d’écrivain fonctionnait à fond et j’imaginais la même sympathique et inquiétante personne en maquerelle. Qu’elle avait été peut-être un jour, après tout. 

Pas très loin de l’hôtel nous avons découvert dans une rue transversale un sympathique bar-restaurant, le Zodiaque, sans télévision (enfin !). La patronne, jeune et très maigre, était chamarrée de tatouages, sur les bras, le cou et le dos. Je lui ai trouvé un charmant sourire et cette fierté innée que je prête toujours aux Espagnols, Catalans ou non. La musique diffusée en sourdine ne m’a pas gênée, alors que Claude l’a trouvée un peu lancinante. Nous avons mangé un plat très frais mais fort relevé, avec des légumes et du poisson finement émincés. Description sommaire pour un plat choisi par Claude dont le nom en catalan ne lui disait rien mais elle avait compris qu’il comportait du saumon.

Nous sommes retournés là deux jours plus tard et nous avons dû attendre en grignotant de toutes petites olives vertes que la cuisine s’ouvre à vingt heures trente. Nous avons bien mangé cette fois-là aussi, mais qu’on me réduise en tapas, si je me souviens de ce que nous avions commandé. Claude me dit avoir mangé des langoustines. Quant à moi, peut-être un plat de pâtes ? Le repas du soir a toujours été un moment agréable,  après une journée bien remplie, car je pouvais enfin boire un petit coup (très petit), me détendre et parler avec abandon.

Mon vieux désir de découvrir Barcelone est né, je pense, d’un reportage où il était beaucoup question des réalisations fantastiques de Gaudi. Pourtant le premier quartier qui m’a enchantée, le lendemain de notre arrivée, fut le « barri gottic » que nous avons découvert sous une fine pluie tiède, l’après-midi, après avoir sillonné la ville le matin en bus touristique.

Ce bus touristique permet d’avoir une vue d’ensemble de la ville car, avec trois lignes distinctes que l’on peut quitter ou prendre à loisir, il sillonne des quartiers très divers : de la Rambla à la mer, de la Barcelone du XIXème, avec ses grandes places prestigieuses, ses monuments imposants ou gracieux aux éblouissants quartiers modernistes, dans lesquels Gaudi se taille la place du lion, sans oublier le charme d’une végétation méditerranéenne, pleine de couleurs et d’odeurs de résine qui font s’ouvrir tout grand nos yeux et notre odorat, façonnés par la mer du Nord et gorgés de cieux gris et de pluie froide.

A Barcelone la mer est vraiment bleue, bordée de plages de sable où  bronzent  les inévitables adeptes du farniente, réduits de loin à la taille  de poupées Barbie. On découvre, à proximité du port et de la marina, le musée de la marine. Tout le quartier semble rayonner autour de  Christophe Colomb, perché très haut au centre d’une place, et montrant  impérativement la direction de Gênes.

Je me suis éprise ailleurs d’un éphèbe, mi homme, mi ange car il a des ailes en dépit de son sexe. Il domine une fontaine,  porte une étoile sur la tête et, comme il trône au centre d’une place très fréquentée, je ne saurai jamais comment il se nomme ni quelle allégorie l’a jeté là, pour nourrir les rêves et/ou la concupiscence des pauvres mortels qui ne sont pas de marbre. Je l’ai revu plusieurs fois au passage, toujours ambigu et énigmatique. J'avoue avoir une faiblesse pour les corps,  toujours plus au moins dénudés, de ce genre de sculpture et pour leur érotisme discret ou affirmé. Je les préfère à tous les héros solennels, supposés bienfaiteurs de l’humanité, engoncés dans la chape de plomb de leur redingote, surchargée de décorations, tandis que leurs mérites,  frappés du ciseau de l’immortalité, s’effritent pourtant doucement dans la pierre où on les a gravés.

Tout le monde ambitionne de gagner l’étage du bus touristique où la vue est meilleure qu’en bas. Si on a la chance d’être aux premières loges du perchoir, juste derrière le pare-brise, c’est un régal. On découvre à gauche, à la volée, des façades aux balcons extraordinaires, dentelle de pierre ciselée au premier étage et s’envolant plus haut dans des voltes en fer forgé. Ou porter les yeux car les murs ocre ou jaune, les volets bleus ou verts, les céramiques tarabiscotées, les toits aux encorbellements exubérants nous appellent de concert ? A notre droite un réverbère tourmenté,  orné d’une chouette de fer forgé, flanquée d’un pigeon, en chair et en plume, nous sollicite à son tour. Plus prosaïquement on découvre sur le toit des abris bus  une forêt de fils bleus que des touristes désinvoltes ou exaspérés ont arraché de  leur audio-guide.

L’odeur fraîche des halles géantes gorgées de fruits, de légumes et de fleurs monte jusqu’à nous, bouffée sensuelle, alternant avec l’austérité des églises romanes et l’exubérance des gothiques. Ces  halles s’offrent parfois le luxe de réminiscences mauresques. Les arènes que j’ai découvertes du taxi qui nous amenait de l’aéroport, sont elles, franchement arabes.

Et, tout à coup, le choc hénaurme de la Sainte Famille, cette cathédrale que Gaudi a rêvée, avec le désir secret, peut-être, qu’elle ne soit jamais achevée, entre fantasme démesuré et élucubration architecturale sans rivale.

L’architecture contemporaine de Barcelone m’a moins frappée, à part quelques buildings aux structures apparentes qui tranchent sur de monotones constructions cubiques comme il en existe chez nous. J’ai eu un coup de cœur pour un centre de recherche médical, sorte de tour de Babel tronquée, recouverte d’une cotte de maille brun clair, faite de multiples persiennes.

Pour en revenir au quartier gothique, il comporte pas mal de vestiges romains dont certains ont été utilisés pour la construction de la cathédrale. On y découvre de délicieux patios, comme celui de la maison de l’Archidiacre avec ses voûtes, sa fontaine, ses azulejos et son palmier pluricentenaire qui s’élance jusqu’aux galeries de l’étage.

Les petites rues qui cernent ce quartier sont pleines de boutiques et de camelots. On fait la queue pour visiter la cathédrale dont nous ne verrons finalement que le cloître plein de charme car, lorsque nous avons voulu pénétrer dans l’édifice, une messe s’y déroulait et un cordon rouge en barrait l’entrée. Nous avons toutefois pu nous approcher du retable de Saint Joseph qui vient d’être restauré et brille de mille lumières et couleurs, comme une baraque foraine, souligné qu’il est d’une ceinture de lampions, innombrables cierges se consumant dans des verres de couleur.

Si nous n’avons pas visité la cathédrale, nous avons découvert plusieurs églises au hasard de nos déambulations : celle de Bethléem, de Notre-Dame du Pin, de Notre-Dame de Miséricorde et enfin, la cathédrale de Sainte Marie de la mer, construite par les marins, sur leurs propres deniers, pour faire pièce à l’arrogante cathédrale financée par la bourgeoisie.

Partout j’ai pu constater la ferveur des croyants. La lueur des cierges tremblote aux pieds de Sainte Rita (particulièrement honorée) de Sainte Agathe ou de Notre-Dame de Miséricorde.  Leur chaleur irradie jusqu’à nos visages. Chaque chapelle latérale nous offre des motifs d’émerveillement et de réflexion mais, malheureusement pour moi, Claude ne s’intéresse qu’à l’art roman et aux vierges noires, alors que je pourrais rester de longues minutes à détailler les angelots, les fruits, les fleurs, les voltes et virevoltes de l’exubérance baroque. Je ne suis jamais saturée de la symbolique religieuse de mon enfance que je m’essaie à déchiffrer à nouveau. Si les quatre évangélistes me sont familiers, d’autres représentations m’échappent et j’aimerais retrouver leur signification, comme un mot que j’aurais sur le bout de la langue sans parvenir à le prononcer.

J’ai découvert dans les églises parcourues bien des sujets d’étonnement. Comme cette Vierge en grand arroi, portant dans ses bras son tout jeune fils, tout aussi élégamment vêtu mais exhibant déjà une croix suffisamment grande pour qu’il puisse y étendre son petit corps, s’il le souhaitait.

Ailleurs je suis restée pétrifiée devant une piéta où la Vierge, très grande dame, exhibant dentelles, brocards, velours et colliers de perles, porte sur ses genoux le corps nu, sanglant et supplicié du Christ. Comme Barcelone fêtait à ce moment sa sainte patronne : « Notre-Dame de Miséricorde », à grands renforts de musique, de réjouissances populaires et de défilés de géants, j’ai supposé que cette madone avait été mise sur son trente et un, pour les trois jours au cours desquels elle aurait la vedette.

Ailleurs encore un christ en croix portait une sorte de jupette vert pomme. Ce qui m’a rappelé mon étonnement lorsque j’ai découvert, dans la section romane du musée des arts de Catalogne,  un christ en croix, vêtu d’une sorte de pyjama bigarré.

Le dernier jour de notre séjour à Barcelone – nous reprenions l’avion le lendemain dans l’après-midi – nous avons donc découvert l’impressionnante et sobre cathédrale de Sainte Marie de la Mer, pendant une grand’messe chantée, par une jeune soliste  à la voix très agréable. J’étais charmée de retrouver ainsi des impressions d’enfance. Avec, il est vrai, un petit cachet exotique car, chez nous, je n’ai jamais vu une dame agiter un éventail pour se rafraîchir pendant l’office.

Si mes souvenirs sont exacts, c’est le jeudi 23 septembre que nous sommes montées à pied depuis notre hôtel, pour découvrir la Fondation Miro, sur la colline de Montjuïc, dans un environnement de jardins méditerranéens qui prépare à la découverte de l’œuvre si lumineuse, si fraîche et si éthérée de Miro, l’amoureux des femmes et des étoiles. Nous sommes montées lentement, nous reposant à chaque palier coupant la longue volée d’escaliers qui y conduit. A chaque étape des fleurs aux couleurs éclatantes débordaient des vieux murs, pour nous saluer doucement de leurs grands bouquets ondoyants.

La découverte de l’univers de Miro est passionnante dans sa diversité. En voguant à la découverte de toiles ou de dessins aériens, subtils et allusifs, on reste cloué par l’enchantement. Que dire de la monumentale tapisserie « de la Fundatio » si gaie, si colorée, si fantaisiste dans laquelle figure un chat, autre idole de Miro, à la grande joie de l’humble adoratrice de Messire Chat que je suis ? J’en suis restée baba. C’est beau comme un rêve d’enfant. Son complice dans cette belle aventure textile est Josep Royo. Ils l’ont tentée dans les années 70 et c’est vraiment une réussite, très éloignée des canons habituels de l’art de la tapisserie.

J’ai aussi été fascinée par les bronzes inspirés d’objets de récupération. Assurer de cette manière l’éternité à un vieux panier à linge ou à une poubelle, c’est une prouesse !

Ce même jour, dans l’après-midi, nous sommes allées à pied au musée national d’Art de Catalogne dont le bâtiment prestigieux abrite des collections remarquables d’art roman, d’art gothique, d’art de la renaissance, du baroque, du XIXe et du XXe siècle jusqu’au années 40. Nous nous sommes cantonnées de commun accord à l’art roman. Cette section est vraiment passionnante. Elle comporte entre autres des fresques prélevées dans des églises romanes des Pyrénées. A chaque fois une maquette montre l’édifice dont la fresque est originaire et l’endroit où la peinture murale se trouvait précisément. On y découvre aussi de nombreuses peintures et sculptures sur bois – particulièrement des christs en majesté et des descentes de croix, de l’orfèvrerie et de la sculpture sur pierre travaillée comme de la dentelle.

J’ai identifié sur un chapiteau, Adam et Eve, bientôt chassés de l’Eden, chavirés de honte et voilant leur sexe, tandis que le Serpent s’enroule autour du célèbre pommier. Car, bien que le fruit défendu ne soit pas décrit dans la Bible, il a plu à l’imagination humaine de le « croquer » le plus souvent sous cette forme. Ce n’est pas le cas dans « L’agneau mystique » des frères Van Eyck où il ressemble plutôt à une grenade.

Un autre jour nous sommes allées à la découverte du Musée d’Art Contemporain dont – hasard pour nous – l’entrée était gratuite ce jour-là. Nous y avons découvert entre autres dans la collection permanente plusieurs œuvres de Broodthaers dont ses variations sur le poème de Baudelaire « La Beauté », chef-d’œuvre absolu que j’adore depuis l’adolescence.  J’avoue ne pas voir ce que les chipotages de notre ami Marcel y ajoutent. Le côté intello récupérateur de Broodthaers n’est pas ce qui me branche le plus chez lui. Je préfère de loin ses casseroles de moules, ses assemblages d’œufs, ses vitrines pleines d’anthracite bien brillant ou son os d’ancien belge.

Une vidéo passait et repassait le très court métrage intitulé « Une pipe ça tire » dans lequel mon cinéaste de mari était à la caméra. La pipe y apparaît nimbée de fumée, puis fumant par le fourneau et par l’embout.

Les exégètes de Marcel ignorent bien sûr quelle part Jean Harlez,  en caméraman, apportait dans ces réalisations faites dans un esprit ludique, à la bonne franquette, par deux copains qui s’entendaient comme larrons en foire. Passons ! Le pauvre Broodthaers qui avait un fameux sens de l’humour s’amuse peut-être dans l’au-delà de la façon dont les marchands récrivent aujourd’hui son histoire. Ils ne risquent rien car il n’est pas prêt  de descendre du piédestal où on l’a hissé pour les démentir.

A part ça, visite assez indigeste pour moi car j’ai horreur de déchiffrer les rébus de l’art  conceptuel qui se baptise volontiers de gauche, alors qu’il est avant tout chiant et élitiste. Bien sûr il m’arrive d’être séduite, par exemple par ce « dessin sans papier » qui n’est autre qu’un encadrement en fin fil métallique, de Gego.

Grâce à Google, j’en sais à présent beaucoup plus sur cette artiste juive, née à Hambourg en 1912. Elle s’appelait Gertrude Goldschmidt. Elle est morte en septembre 1994, à Caracas, dans sa patrie d’adoption car la montée du nazisme en Allemagne a fait fuir sa famille en 1935. Architecte et sculpteur, elle a enseigné l’architecture à Caracas. Elle est particulièrement connue pour ses « réticulaires », sortes de sculptures aériennes en métal dont la fragilité de la structure donne un « tremblé » et une vision différente au spectateur, selon l’endroit d’où il la regarde. C’est du moins ainsi que j’interprète le charabia que, sur Google, la traduction instantanée de l’anglais en français m’a donné en pâture à ce propos.

Pour ce qui est de Craissac dont j’ai admiré une œuvre, j’ai simplement pointé un Didier Craissac, dessinateur mais aussi Jacky Craissac, un percusionniste, créateur de ses propres instruments qui écrit également  des textes et fait de la photo.

Côté exposition temporaire, le Français Wolman était à l’honneur, ainsi que Bennett. J’ai aimé du premier une toile brûlée montrant son châssis, un kaléidoscope, plus loin, des dessins « enfantins » associés à de brèves phrases narratives. Du moins je crois que ces œuvres étaient de lui. J’ai aussi interrogé Google à propos de ces deux artistes dont le premier s’est illustré dans le mouvement lettriste. Le second vit à New York  et peint de curieux petits paysages si fidèles qu’ils font penser à de la photo, me dit-on. Les reproductions que j’en ai vues me laissent assez perplexe. En tout cas, ceci prouve bien qu’on peut difficilement entrer dans l’art conceptuel, si on ne connaît pas déjà quelque peu l’artiste qui est exposé.

Ce même jour, alors que nous étions assises à une terrasse et dégustions notre dessert,  détendues et bavardant, Claude s’est fait voler son sac à dos qu’elle avait posé à côté d’elle et non entre ses genoux, comme elle le fait habituellement. Toutes à notre nirvâna, nous n’avons rien vu ni l’une ni l’autre. Mais, tout à coup, Claude a remarqué un consommateur courant après son propre bagage et parvenant à le récupérer. C’est alors qu’elle a réalisé la disparition du sien.

Heureusement il ne s’y trouvait ni argent ni nos papiers mais un superbe foulard peint à la main, un grande écharpe de laine, une petite veste imperméable qui m’appartenait et le pull que Claude tricotait avec amour pour le petit dernier de sa belle-fille. Une laine superbe, regrette-t-elle, et aussi un type d’aiguilles qu’on ne trouve pas en Belgique. Cela nous a évidemment un peu douchées. Mais, après tout, nous nous trouvions dans une ville de quatre millions d’habitants, ce qui implique une légion de pickpockets, mendiants, traîne-savates, paumés, drogués et  miséreux qui tentent tant bien que mal de survivre. Le lendemain, dans l’ascenseur de l’auberge de jeunesse, alors que nous évoquions notre mésaventure, un francophone – peut-être un Suisse ou un Luxembourgeois – nous a dit que dans la foule qui se pressait lors des festivités de Notre-Dame de Miséricorde il s’était fait voler son portefeuille. Il se retrouvait donc sans papiers et, j’imagine, sans argent. Pour reprendre l’avion, il allait devoir exhiber une attestation de la police, laquelle lui avait assuré qu’il n’aurait pas d’ennuis puisqu’il appartenait à l’Espace Schengen.

J’avais d’ailleurs remarqué, lorsque nous nous trouvions à cette terrasse, près du Musée d’Art contemporain, que certains individus qui passaient et repassaient avaient l’allure assez déjetée de gens qui vivent ou plutôt survivent dans la rue et errent sans but, si ce n’est de récolter une petite pièce ou l’occasion de se remplumer quelque peu sur le dos des bourgeois et des touristes.

J’en viens maintenant à Gaudi et au mouvement moderniste barcelonais qui m’avait tant fait rêver. Là, je reste sur ma faim. Si nous avons bien consacré plusieurs heures à parcourir à pied les lieux recommandés par le guide Michelin où découvrir les façades de ces merveilles, nous n’avons pénétré que dans la cathédrale de la Sainte Famille, en nous limitant au rez-de-chaussée car il fallait faire une file d’une heure et demie pour accéder aux ascenseurs. L’édifice que nous avons découvert est loin d’être terminé. Il comporte peut-être autant d’espaces interdits envahis par les bétonnières que de vitraux. Il n’en est pas moins surprenant par ses vastes proportions, son ode à la lumière, à la couleur et à la verticalité.

Je me suis fort intéressée à une exposition dédiée au rôle que la nature, la faune et la flore  jouent dans l’inspiration de Gaudi. Pendant ce temps Claude rongeait son frein.

Nous avons eu ensuite la mauvaise idée de grimper à pied la colline sur laquelle s’étend le parc Guël, chef-d’œuvre de Gaudi. En dépit de plusieurs escalators, il faut se farcir moult montées en pente raide, avant d’y arriver. Après ce bel effort, Claude a été prise de vertiges. Elle a proposé de m’attendre pendant que je visiterais le parc mais l’escalier monumental qui en marque l’entrée m’a découragée. Je n’avais plus de jambes ! Nous avons pris un taxi qui passait, pour rentrer à l’Auberge et y prendre un repos bien mérité. Nous étions mortes de fatigue toutes les deux et Claude ne se sentait pas très bien.

Il est vrai qu’au cours de la matinée nous avions déjà pas mal marché et visité la cathédrale de Sainte Marie de la mer.

Pour ce qui est des bâtiments dus à gaudi et à ses confrères modernistes, il y en a tant et tant à découvrir au fil des rues, ce qui permet d’ailleurs de découvrir également des bâtiments de prestige du XIXe siècle, qu’on ne peut les épuiser en quelques heures. Je garde un très bon souvenir de nos déambulations mais je me dis qu’on ne peut comprendre Barcelone en si peu de temps !

Revoir Barcelone, rien que pour les principaux chefs-d’œuvre de Gaudi et pour le musée Picasso ? Ce ne serait pas une mauvaise idée mais cela demande réflexion, de la santé et du temps !

Claude a droit à toute ma reconnaissance pour m’avoir offert ce voyage mais j’ai constaté que parfois, là où j’aurais voulu flâner, par exemple sur la Rambla où s’exhibent de curieux artistes de rue, comme il en existe d’ailleurs à Bruxelles, nous n’étions pas sur la même longueur d’onde. Certains d’entre eux, maquillés et costumés avec art, se contraignent à une immobilité si pétrifiée qu’on a l’impression qu’ils ne clignent même pas des paupières. Mon côté badaud aurait bien voulu les observer un moment. Il y avait entre autres un cow-boy fort réussi et une sorte de monstre ou de vampire, celui-là très gesticulant, qui terrorisait les enfants. Claude déteste ce genre de choses et elle pressait le pas.  Je la suivais comme un toutou car je ne me voyais pas larguée dans une ville inconnue, même nantie de l’adresse de l’auberge et d’un plan.

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