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Béatrice

 

J’avais dix-neuf ans à cette époque. J’étais étudiant en sciences économiques. Durant l’année scolaire j’occupais ce qu’on appelle un kot à proximité de l’université. Une chambre pourvue d’une douche et d’une kitchenette. Le week-end, je rentrais chez mes parents.

J’avais une amie, étudiante elle aussi, Henriette Leroux avec laquelle le samedi soir j’allais au cinéma ou dans une boite aux environs de la ville. On y dansait parfois jusqu’aux premières lueurs de l’aube. Mes parents n’y voyaient pas d’inconvénients, Henriette leur était sympathique. Je suppose que du coté des parents d’Henriette, leur sentiment était le même à mon égard.

J’ai revu des photos de nous deux à cet âge. J’étais maigre mais bien proportionné, le visage creusé, des yeux noirs au regard profond. Henriette était mince mais la poitrine saillait en dessous d’un pull étroit. Elle avait un visage frais, plaisant, un peu candide comme on l’a souvent à cet âge.

Béatrice disait qu’à l’âge de sa fille, elle lui ressemblait. Elle me laissait entendre, sans doute, qu’Henriette ressemblerait un jour à sa mère. Quel est le jeune homme ardent qui ne l’aurait pas espéré ? Béatrice était séduisante. Aujourd’hui, on dirait qu’elle était sexy.

Les parents d’Henriette avaient une maison à la côte, elle était située dans les dunes. Debout devant la maison on voyait la ligne d’horizon à plusieurs kilomètres de distance.

Elle était entourée d’un jardin et d’un terrain herbeux qui avait près d’un hectare. Devant il y avait les dunes, derrière l’orée d’un bois. Isolée, on y était au bout du monde.      

C’était en juillet. Béatrice m’avait invité à passer quinze jours avec sa fille et elle.

- Vous aimez la côte, Pierre ? Bien sûr, ce n’est pas directement la plage mais on n’en est pas loin.

Le père d’Henriette n’y venait que le week-end. Durant la semaine, il restait à Bruxelles pour travailler. Il était un des agents commerciaux d’une firme qui distribuait des produits destinés à la construction de bâtiments. Les administrations  publiques constituaient le plus gros de sa clientèle. Il n’y avait pas un soir où il ne traitait pas un fonctionnaire important dans un des restaurants les plus réputés de la ville. Il rentrait chez lui mort de fatigue et s’endormait sur le champ. Plus tard, disait-il en riant, lorsqu’ils seraient riches, Béatrice et lui feraient la grasse matinée tous les jours. Et si ce n’était pas la grasse matinée, ils resteraient au lit tout de même. Même à la côte, il se couchait tôt. Il disait pour s’excuser :

- J’ai de la peine à récupérer.

- Tu es en vacances.

- C’est vrai.

Mais il ne changeait pas sa façon d’agir.

C’était un été particulièrement chaud. Il fallait, disait-on, remonter à de nombreuses années en arrière pour retrouver un été aussi torride.

Nous mangions dans le jardin vêtus aussi légèrement que possible. La plupart du temps je ne portais que mon slip tandis que les deux femmes restaient en maillot toute la journée. Chacun de nous disparaissait tour à tour et revenait les cheveux mouillés. Il venait de prendre une douche.

- Si nous étions nos ancêtres des premiers âges, nous pourrions nous promener tout nu.

Bien sûr, ce n’était qu’une plaisanterie. Mais le bas de mon ventre s’était enflammé, les yeux tournés vers Béatrice que je regardais soudain comme si elle était nue. Elle détourna la tête.

Au bout de quelques jours, tous les trois nous avions la couleur du bronze et l’habitude de nous voir pratiquement nus. Je pouvais regarder Béatrice sans réagir comme je le faisais les premiers jours. C’est la nuit, étendu sur mon lit, que je pensais à elle. Est-ce qu’elle dormait nue, elle aussi ?      

Un jour qu’elle nous avait laissé pour aller prendre sa douche je me suis rendu dans ma chambre pour y prendre je ne sais plus quoi. En revenant je suis passé devant la salle bain. La porte était ouverte. Machinalement j’ai tourné la tête. Béatrice était en train de prendre sa douche. Elle n’avait pas tiré le rideau. J’étais cloué au sol. Ruisselante, les cheveux brillants, les seins bronzés mais plus clairs autour des aréoles, elle était la femme comme l’imaginent, je suppose, les peintres et les jeunes gens.

La chaleur m’était montée au visage. Je ne pouvais détacher le regard du triangle noir de sa toison. Elle me regardait, elle aussi, les yeux  effarés. Elle ne faisait aucun geste pour se dissimuler ne serait-ce que pour tirer le rideau. Je me suis repris et je suis retourné au jardin. Henriette était étendue sur son drap de bain. Je me suis étendu sur le mien. Lorsque Béatrice est revenue, j’ai fait semblant de sommeiller.

J’ignore ce que j’aurais fait pour la couvrir, c’est le mot qui m’était venu à l’esprit, mais j’avais envie d’elle comme je n’avais jamais eu envie de qui que ce soit d’autre. Je haïssais son mari. J’aimais Béatrice passionnément.

J’ai quitté la côte deux jours plus tard. La veille, Henriette avait pris la voiture pour se rendre à Ostende. Elle avait, disait-elle, des achats importants à faire. J’étais resté dans ma chambre pour réfléchir. J’en étais convaincu, je ne pouvais plus rester. Durant le déjeuner que nous avions pris à trois comme d’habitude, Béatrice nous avait parlé de ce qu’elle avait envie de faire durant ces chaleurs mais elle évitait de me regarder. Cependant à chaque fois que ses yeux me croisaient, j’avais le sentiment qu’elle jouait la comédie. Ni ses gestes ni sa voix ne ressemblaient à ce qu’ils étaient auparavant. On eu dit la façon de se tenir ou de jouer d’un comédien débutant ou médiocre.

Lorsqu’Henriette est partie, je suis monté dans ma chambre. Béatrice s’était étendue sur son drap de bain pour exposer son dos au soleil. Elle avait dénoué les liens de son soutien afin de ne pas avoir le dos marqué.

Je suis descendu. J’étais debout auprès d’elle.

- Je vais rentrer demain, Béatrice. Je crois que c’est mieux.

- Demain. Mais pourquoi ?

Elle s’était tournée vers moi. Elle n’avait pas songé à se couvrir les seins.

Je me suis laissé tomber sur les genoux.

- J’ai trop envie de vous Béatrice.

- Ce n’est pas raisonnable, Pierre.

Je me suis allongé sur elle, j’ai introduit ma langue entre ses lèvres. C’est elle qui m’a serré sur sa poitrine.

Lorsqu’Henriette est rentrée, j’avais mis un t-shirt au dessus d’un short en coton, et j’aidais Béatrice à mettre la table. Elle avait change de maillot et enfilé une chemisette dont elle avait glissé les pans dans son slip.  Elle avait le regard brûlant mais les traits apaisés.

- Il a fait chaud, aujourd’hui.    

- Vous aurez du beau temps jusqu’à la fin du mois vraisemblablement. Dommage pour moi, il faut que je rentre demain.

Henriette était surprise.

- Pourquoi, tu n’es pas bien avec nous ?

- Je lui ai dit qu’il pouvait rester.

J’ai dit que mes parents avaient appelé. Henriette ne voyait pas le rapport, dit-elle.

Le lendemain, elle m’a conduit à la gare. Elle m’a demandé si j’avais eu des mots avec sa mère, nous nous sommes embrassés, elle se serrait fort contre moi.

- C’est à cause de ma mère que tu pars.

J’ai secoué la tête sans rien dire.

- Ne pars pas. Retournons à la villa tous les deux.

Elle avait mis ses lèvres sur ma bouche. Nous sommes remontés en voiture et nous avons repris le chemin des dunes. Béatrice a semblé heureuse de me revoir. Elle a abandonné son livre et est venue m’embrasser sur les joues.

- Vous avez bien fait. Je me suis demandé ce qui ne vous avait pas plu.

Je ne pensais pas qu’elle faisait allusion à ce qui s’était passé entre nous mais j’avais envie de la prendre entre les bras. Je suis monté dans ma chambre pour me mettre en maillot.

Le soir nous avons bu davantage que nous le faisions généralement les autres soirs. Henriette était particulièrement agitée. Elle s’asseyait sur mes genoux, puis elle embrassait sa mère sur le nez.

- Elle est folle. Ma fille est folle.

Il faisait noir lorsque nous sommes montés nous coucher. La chambre de Béatrice, la chambre conjugale, se trouvait en face des escaliers. Celle d’Henriette, à droite, se trouvait au fond du couloir. La mienne, à gauche, directement après la salle de bain. J’entendais couler la douche à chaque fois que quelqu'un s’en servait. Je n’étais pas encore endormi. La douche a coulé, j’ai entendu des pas qui se dirigeaient vers ma chambre. Je devinais que c’était Henriette. Elle s’est glissée dans mon lit, elle a posé la main sur mon sexe, et elle a chuchoté :

- Pourquoi, es-tu parti ?

C’était Beatrice.

 

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