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AVANT LE CHANT DU COQ

A COLON



INTERROGATOIRE


L'homme un inconnu marchait lentement Il portait des sandales, était
pieds nus par un temps glacial La côte lui semblait dure à grimper
Il se sentait le souffle court et s'assit au pied d'un mur s'appuyant contre
un ados

Au loin, une charrette dont les essieux crissaient à chaque tour de roue,
tirée par un cheval brabançon, roulait péniblement auprès du paysan qui
marmonnait :

-Faudra huiler la mécanique.

Il cracha à terre comme pour sceller cette promesse, essuya sa bouche d'
une manche énergique, se racla la gorge tout en continuant son chemin d'un
pas pesant

L'Homme surprit le geste, plissa les paupières et suivi la charrette du
regard Il n'était pas étonné de la voir passer, on eut même pu croire
qu'il s'attendait à la voir surgir, mieux, qu'il attendait sa venue



Av 19. Qu'importe, toutes les dates se valent , toutes les époques se
ressemblent Il essaya en vain de se souvenir, de préciser l'instant,le
moment où cela s'était passé, où il avait vu ce paysan si paisible Il
revoyait la scène, situait l'endroit , mais le temps ?



Il remémora la pièce ; Les cris, oui les cris lui déchiraient encore les
tympans

- Cet homme aussi était avec lui,

Hurlait une femme grande mince tout en os au gendarme qui l'
interrogeait

- Cet homme était dès leurs , je le reconnais à ses vêtements Sont
Toujours sales ces gens et avec ça. Pour l'arnaque y a pas mieux Faut les
écouter parler ! Et que j'te cause, et que j'te cause ! Le royaume ; Le
royaume, Mon père. Un machin pas croyable Faut l'entendre pour le croire Un
royaume ? Ces gueux là ? « Mon père à dit et patati, Mon père a dit
et patata, Si c'est pas malheureux Mieux vaut entendre ça que d'être
sourd, me direz- vous mais tout de même c'est à crever de rire En
attendant, ça court les rues sûrement pour chaparder Sinon ? Ah ! Oui ne
cessent pas de parler de poissons, de pêche miraculeuse Miraculeuse ! Mon
oil oui Il, celui là, l'homme, L'accusateur désigne le coupable,
un et celui-là, j'vous le demande ; non mais sans rire, je le reconnais
pour sur

-Tu es certaine ? sollicite, mollement, l'agent C'te fois te plante pas
la mère

-Elle se redresse dédaigneuse Puisque j'vous le dis

-Justement ! La chemise bleue se retourne vers L'HOMME

-t'as entendu la bourgeoise ? L HOMME bouleversé, ébranlé montra sa
stupeur devant l'accusation haineuse C'est le plus sincèrement du monde qu'
il nia le fait : Femme je ne te connais pas

Un avion traversa ciel avec un bruit d'enfer couvrant sa voix au même
moment , un autre bruit plus sourd accompagné d'un gémissement vite
réprimé La lèvre supérieur du suspect était fendue à gauche Un filet de
sang coula

Au loin un coq chanta

Ils se regardèrent tous ahuris Un coq, sur une plaine d'aviation avait de
quoi surprendre mais le fonctionnaire avait d'autres chats à fouetter Il
en avait assez, marre, marre, ras le bol de leurs histoires à dormir debout

-C'est pas demain la veille que je connaîtrai le fin mot de l'histoire Hein
bourrique ? Il jeta un regard torve sur sa victime qui se tamponnait la
lèvre avec un mouchoir blanc douteux Douteux comme ses origines, Douteux
comme sa raison d'être là ; Douteux comme tout ce qui n'est pas habituel
donc, étranger. Nous y voilà ! Chemise bleue qui de toute manière s'en
fout complètement de la véracité de l'accusation écoutait d'un air agacé
les affirmations des uns, les dénégations de l'HOMME

C'est bon qu'il lui fallait écrire ce foutu rapport Consigner noir su r
blanc et dûment tamponner sans rien omettre des conneries que va encore
lui raconter cet imbécile devant lui Pouvait tout de même pas cogner sur
ce mec pour lui faire cracher le morceau !

Le bousculer un peu histoire de le saisir, de lui faire entendre raison ça
oui, mais, dans ce but seulement.

-Faites entrer le type qui est dans le corridor Le témoin, petit trapu
tenant du bouledogue au physique comme au moral aboya désignant

L'HOMME d'un index vindicatif

· Tu es l'un d'eux. C'est lui Monsieur l'agent, H eu Commissaire,
Heu, Monsieur le gendarme C''est lui, je le reconnais, suis formel, le
reconnaîtrais entre mille

· Chemise bleue de service fixa l'accusateur d'un regard froid
impassible Allez bon, encore un ! On est jamais assez prudent, faut s'
entourer de précautions, se couvrir ; Le gendarme regarda une dernière
fois le témoin qui n'avait pas cessé d'affirmer, de clamer son bon droit
N'était-il pas, ce témoin, du bon côté de la barrière donc, du côté du plus
fort, du bon droit. N'était- il pas ce témoin, au-dessus de tout reproche
Il était chez lui dans ce pays N'est ce pas Alors ? Voyez comme il se gonfle
d'importance Il vociféra de plus belle sentant l'approbation de chemise
bleue

· - Vaurien bandit, va nu-pieds C'est cause de toi que c'est
arrivé ! Tu étais avec ce révolté, cet anarchiste, ce fauteur de troubles
Oui tu es de la bande qui se carapate de long en large de la ville en
proférant des menaces

· - Malheur à celui qui.

· En vérité je vous le dis.

Non mais pour qui il se prend ce caïd, ce gourou Tu étais fort engueule
avec celui que tu appelais « Maître » Je t'entends encore d'ici Oui
Maître Non Maître Bien Maître Dis ; Avoue que j'ai raison si tu n'es
pas une mauviette

L'HOMME restait silencieux les yeux peureusement fixés comme hypnotisés
sur son accusateur Il était habité d'un trouble profond On le sentait
sous le choc, presque tétanisé L'autre l'invectivait de plus en plus se
sentant de plus en plus grand, sûr de lui, sûr de plaire aux siens

-T'oses pas parler hein . Tu dois protéger ton gourou qui disait un truc
dans le genre « Dieu reconnaîtra les siens » Tu parles d'un allumé ce
mec ! Et toi, pauvre cloche tu le couvres, tu dégustes pour lui,
pauvre con, moi, à ta place, j'te balancerais vite l'adresse de ce Maître

L'HOMME le mains moites, le front en sueur se sentit flancher pour la
seconde fois L'autre avait touché un point sensible La peur, la triste
peur, la peur déterminante, étouffante, suicidaire La peur mère de toutes
les lâchetés La peur hurlait en lui

Après un effort surhumain il retrouva quelque peu ses esprits et la voix
ferme répondit :

· Non, je n'en suis pas ! Je ne connais pas l'homme dont tu me parles.

Un avion traversa le ciel dans un bruit d'enfer couvrant sa voix

Au même moment, un autre bruit plus proche plus sourd accompagné d'un
gémissement vite réprimé Dans un fracas de vitres on entendit comme des
gifles. L'interpellés présumé Innocent aux yeux de la loi montrait un
visage rouge vif et enflé

Un coq se mit à chanter pour la deuxième fois



- A qui appartient cette volaille de malheur On est pas à la campagne sans
blague hurla un gendarme dans le corridor

-Merde hurla à son tour chemise bleue entre les barreaux du commissariat
Il avait besoin de faire écho à son collègue de lâcher la vapeur Il se
sentait nerveux On a beau dire il avait un métier ingrat Suivre une
filière Arrêter ceux qui sont de mèche, qui ourdissent des attentats et pour
tout remercîments.

Le gendarme ôta son képi, se gratta vigoureusement le crâne presque chauve

-Au suivant !

Un étranger, cela ce voyait à son teint, Bien vêtu celui là Bien nourri
Celui là salua le gendarme d'un « Salut Chef » Regarda L'HOMME
distraitement (La force de l'habitude sans doute)

-Je te reconnais, toi Tu es du même pays que moi Et, se tournant heureux
vers « le Chef »

-J'affirme que cet homme était avec lui . Il jubilait Il en avait débusqué
plus d'un de ses compatriote Ce ne sera pas trente deniers qu'il allait
toucher mais de quoi se payer du bon temps, sans parler de l'estime des
autres, des autochtones, des Belges de souche

Le gendarme souriait d'aise L'affaire est dans le sac et c'est guilleret qu
'il remit la somme convenue (bien modeste rassurez- vous) Un simple
dédommagement pour l'aide et le dérangement occasionnés.

L'HOMME vert de peur, affligé, la conscience tiraillée baissa les yeux
pressa fortement ses mains croisées Tout le chagrin du monde l'habitait
Il luttait désespérément contre le tourment de l'aveu, la crainte de la
vérité. La lutte le laissa effondré abattu mais au bout d'un moment, s'en
fléchir il affirma :

-Je ne sais ce que tu veux dire

Un avion traversa le ciel dans un bruit d'enfer couvrant sa voix

Au même moment, un autre bruit plus proche plus sourd accompagné d'un
gémissement vite réprimé Le présumé innocent se tenait l'estomac de ses
mains ensanglantées Plié en deux, il cherchait son souffle

Le coq chanta pour la troisième fois

le gendarme cria : Ta gueule sale bête !

La porte s'ouvrit, le commissaire entre, le présumé innocent savait que
c'était un gradé à son allure distingué et puis, il ne portait pas d'
uniforme ce dernier glissa quelques mots à l'oreille de son subordonné qui
opina l'air entendu, absolument d'accord Une fois seul il reprit sa morve

-Allez ouste, tous dehors j'en ai assez entendu pour aujourd'hui Et, de
toute façon il n'y a pas de preuve suffisante

Le dernier témoin partit non sans glisser un papier dans la main de Chemise
bleue

Qui lut distraitement :

Nom de Code : LUC 22 23 Il fourra le papier dans sa poche Connaissait pas
ce Luc De toutes manières, l'affaire passait au-dessus de lui On la lui
retirait , alors ce Luc ? Nn nom de chez nous, donc, valable, crédible on
ne dit pas le contraire mais les ordres sont les ordres

L'HOMME qu'on avait laissé partir pleura amèrement il se sentait sale
au-dedans , sale au dehors Il n'avait pas mangé depuis sa garde à vue
Avais seulement reçu de l'eau du robinet pour étancher sa soif Quand il
sorti du poste la clarté de dehors lui fit mal aux yeux il était affaibli
des coups reçus ; marcher pour lui était un chemin de croix qui le menait
vers son calvaire individuel

-J'ai mérité O Dieu ton indifférence ton hostilité mais tu es aussi le Fils
alors ne me repousse pas J'ai été ,il est vrai , faible ,haïssable Je n'ai
jamais cessé de t'aimer voilà pourquoi je suis encore bien plus méprisable
Nier son ennemi soit, mais qu'ai -je fait ? J'ai nié mon ami par crainte par
frousse, pleutrerie La peur, cette terrible peur l'a emporté

Ne sois pas hostile à mon chagrin , ne repousse pas mon repentir , ne me
laisse pas dans ton inimitié Accorde -moi ne serait ce que ton ombre



L'homme ferma les yeux ,oui ce payant bon enfant oui ,cet home marchant au
pas de son cheval était cet accusateur de son pays il s'en souvint. La
charrette en grinçant passe dans l'autre sens

Depuis combien de temps l'HOMME étai il assis contre ce muret

O mon Père, Père que c'est loin tout cela Et, pourquoi ?

L'HOMME soupir prit une pierre qui lui pendait au cou dans un petit sac Il
l'enveloppa de ses doigt et par petites pressions légères comme des pardons
la caressa en pleurant

Pierre angulaire, larmes de pierre

L'HOMME mit la pierre sur sa joue et l'y roula comme jadis il murmura
Pardon, Pardon, Garde moi dans ton ombre.

Je te roule dans le nid de mes doigts qui te réchauffe Sois le caillou
dans mon soulier pour que chaque pas me ramène dans le Sentier

Pierre l'apôtre

De mes doigts oblongs tu t'échappes et fuis mais « Pierre qui roule n'amasse
pas mousse « Je te reprends d'un geste impulsif te serre très fort

Simon Pierre

Concave par endroit, je devine du bout de l'index, un mouvement centripète
qui te ferme mes investigations Mes doigts te découvre asymétrique avec des
bords râpeux Je te retourne comme un gant

Avant le chant du coq !

Trois fois j'ai ignoré , trois fois j'ai renié O Pierre toi aussi tu as
faibli et cependant au poinçon IL t'a marqué Clef de voûte de son
église il t'a nommé

_ Pierre tu es pierre et sur cette pierre je bâtirai mon église



Je t'imagine O Pierre Dans ta bouche le goût un peu âcre un goût de larme de
sueur, un goût de peur t'accompagne tandis que tu marches pieds nus
Que celui qui n'a pas péché lui lance la première pierre.

Chemin de croix, chemin de pierres, sentier de cendres

Mont des Oliviers

L'homme posa sa pierre sur l'oreille Qu'espérait -il entendre? Les voix
lointaines des voix de Béthel , de Jacob, L'Homme songea « C'est
pourquoi à la carrière de la vie, je casse les cailloux Renégat, je monte
vers toi par des chemins de pierres qui me lacèrent les pieds

L'HOMME reprit sa route Un voyageur solitaire le croisa un moment et
regardant le sol vit une pierre ponce Il la ramassa l'air entendu et
murmura :

Excellent pour se laver les mains!
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