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Le prochain livre de Nathalie Gassel paraîtra en Septembre 2011 et sera présenté à l'initiative de Arts et Lettres. Il s'intitule:

ARDEUR ET VACUITÉ
Editions: LE SOMNAMBULE ÉQUIVOQUE Collection Fulgurances

Nathalie Gassel s’était fait connaître en célébrant la puissance du genre féminin à travers les inclassables Éros Androgyne et Musculatures. Depuis lors, toujours sensible au culte du muscle et à la force sexuelle, elle ne cesse d’investiguer d’autres thématiques comme la dépression (Abattement) ou l’image (Récit Plastique). Des thèmes qui lui sont proches. Dans sa vie quotidienne, l’auteure manie en effet porte-plume, haltères et appareils de photographie argentique.
Bruxelles, New York, Bruxelles. La narratrice tente de se fuir et de se distraire de la disparition de sa mère. Elle rencontrera un homme qu’elle tentera d’explorer. Grâce à une écriture entre pensée et chair, la trame de cette autofiction porte un regard pénétrant et parfois nostalgique sur des circonstances, des émotions, des êtres. Nathalie Gassel scrute le vif se trouvant aux frontières du tragique.

 

 

Nathalie Gassel, ancienne adepte de Muay thaï (boxe thaïlandaise), est une écrivaine et photographe belge, née à Bruxelles le 19 juin 1964. Elle est la fille d'un ethnologue, Ita Gassel et d'une plasticienne, Mariette Salbeth. Nathalie Gassel participe à l'ouvrage Picturing the Modern Amazon édité par le New Museum of Contemporary Art de New York en 1999 en tant qu'écrivain et athlète et à diverses reprise à la revue de l'Université de Bruxelles. Elle est d'abord publiée en Belgique et à Paris, et ensuite traduite en plusieurs langues latines. Elle a écrit sur l'Eros et le corps sportif ainsi que sur la dépression. "D’une écriture aussi travaillée que son corps d’athlète, Nathalie Gassel s’est attachée, avec Éros androgyne et Musculatures, à célébrer la chair et en affirmer la puissance. Jusqu’à l’écriture décisive des Années d’insignifiance, où elle sonde le contexte transgressif et déchiré de son enfance, elle ne cesse d’affirmer le faisceau de ses diverses radicalités. Récit plastique confirme cet univers singulier en explorant aussi sa dimension photographique."
« Dans une prose volontiers classique, que des tensions quasi nerveuses font constamment vibrer jusqu’à l’intensité », selon le philosophe Frank Pierobon, « Récit plastique fait dialoguer des textes et des photographies. Ce corps à corps, entre écrits et images, oscille entre instincts de vie et de mort, pour aboutir à une réflexion marbrée d’abstractions1. »

 

Notes:

Interview de Pierre Mertens sur un ouvrage de athalie Gassel  "Stratégie d'une Passion"(Document RTBF1):
 

 

Bibliographie:

 

Livres
Eros androgyne, Éd. de L’Acanthe, 2000 ; réédition Le Cercle poche, 2001, préface de Pierre Bourgeade
Musculatures, Les Éditions Le Cercle, Paris, 2001 ; réédition, Le Cercle poche, 2005, préface de Sarane Alexandrian
Stratégie d'une passion, Éd. Luce Wilquin, 2004
Construction d'un corps pornographique, Les Éditions Cercle d'Art, Paris, 2005
Des années d'insignifiance, Éd. Luce Wilquin, 2006
Récit plastique, textes et photographies, Éd. Le somnambule équivoque, 2008
Abattement, Éd. Maelström Revolution, septembre 2009
Ardeur et vacuité, Ed. Le somnambule équivoque, 2011

Revues et collectifs
Picturing the modern amazon Newmuseumbooks, Rizzoli International Publications, New York. 1999.
Le Labyrinthe des apparences Ed. Complexe. 2000. Université de Bruxelles.
Je t’aime. Question d’époque Ed. Complexe. 2002. Université de Bruxelles.
Argent, valeurs et valeur Ed. Complexe. 2004. Université de Bruxelles.
L'obscénité des sentiments, Ed. Le Cercle d'Art & Université de Bruxelles, 2005.
Théorie et pratique de la création, Les Cahiers internationaux du symbolisme. 2005
La visite est terminée, photographie et texte, Ed. La Trame, Bruxelles, 2006
Marginales, n° 262, Sous les clichés la rage, photographie, 2006 Ed. Luce Wilquin, Belgique
Action Poétique, n° 185 , Belges et Belges, septembre 2006, Paris.
Mode, photographie et texte, ed. Le Cercle d'art & Université de Bruxelles, Paris, 2008 

 

Quelques livres de Nathalie Gassel: 

 

Eros androgyne est une odyssée intérieure. Celle d'une jeune femme athlétique. Qui dissèque sa libido. Qui sublime le corps lubrique et animal. Qui s'émerveille devant la chair aimée. Pour que l'insatisfaction devienne poésie.
"Si l'érotisme est bien notre relation à nous-même dans une situation donnée, des écrits dans le secret de quelqu'un et dans le secret d'une époque, alors Eros androgyne est un livre unique. Un éclair, un texte éblouissant, où l'indicible à pu se dire." Pierre Bourgeade


"Nathalie Gassel est dans la joie d'excéder les limites. C'est de la pornographie transcendante! Un des livres les fascinant de l'an 2000." Sarane Alexandrian

"NATHALIE GASSEL est à la fois adepte du bodybuilding, championne de boxe thaïlandaise et poète. Poète des plus rares, faut-il ajouter, en se souvenant seulement qu'au seuil de ce siècle, la poésie - plus exactement l'alliance poétique de certains mots, de certaines images - n 'est pas forcément celle d'hier. La prose de Nathalie Gassel est charnelle dans les deux sens du terme. Elle parle des corps, et elle a, elle-même, la provocation, l'attirance, la nudité du corps...On n 'est donc pas ici, on l'aura deviné, dans un texte de tout repos. On ressent, au contraire, l'impression de quelque chose d'inlassable, d'" incomblable ", Si j'ose dire, à lire ces pages, parfois reservées, parfois de folie, où la hantise de l'autre se donne.

 

Musculatures est le manifeste d'un désir autre et fulgurant.
Nathalie Gassel nous fait partager les oscillations baroques et obsessionnelles d'une athlète de l'apparence, que seule une quête perpétuelle anime : son corps et le corps de l'Autre. Son corps? Tantôt errant, tantôt avide, chasseur ou tueur, obnubilé par l'effort physique, l'exaltation de la puissance et la volonté de pouvoir, il est un corps nimbé de lumière et offert à la louange.
Elle réinvente l'écriture de la prégnance du corps.
"Cette suite de fragments autobiographiques est un traité du pouvoir sexuel. Que peut-on faire de son corps, ou avec son corps, ou même contre son corps, quand on a un sexe de femme ou un sexe d'homme, dont on veut se servir souverainement? Le pouvoir sexuel féminin est-il préférable au pouvoir sexuel mâle? Ou Si c'est l'inverse, existe-t-il un pouvoir sexuel intégral, qu'exercerait un individu capable de se conduire à la fois en homme et en femme dans sa vie amoureuse, pour se constituer un trésor de jouissances ambiguës? Toutes les conventions de la littérature du sexe sont mises à mal par ses actions réfléchies. La drague d'une femme dans les rues d'une ville n'a jamais été relatée d'une manière aussi saisissante qu'en ces pages où on la voit, telle une bête de proie à un' appétit insatiable, mue par des obsessions irrésistibles, faire sur ses victimes des bonds calculés.

Si j'écrivais à présent mon Histoire de la littérature érotique, j'y mettrais Nathalie Gassel à la même hauteur que Henry Miller dans Crucifixion en rose et que le surréaliste mystique Charles Duits, qui voulut fonder une " Eroscience " en deux romans violemment pornographiques. La pornographie transcendante est une exigence de l'esprit d'aujourd'hui et de la littérature de demain qui a trouvé en Nathalie Gassel une interprète fulgurante et magistrale."
Sarane Alexandrian Edition Le Cercle, 2001
Réédition Le Cercle Poche, 2004

"Le sentiment donc. Mais déplacé, emporté là où, d'ordinaire, il n'est pas convoqué. Où on ne l'attends plus."
"Respect inespéré du corps.Barbarerie sans péché.Liturgie de la violente rencontre des corps.Ascèse inattendue et la plus "naturelle".Pathos de sa seule apparence.
Bonheur remonté des enfers.Il faut imaginer un Narcisse fol de son corps herculéen.."
Pierre Mertens


Stratégie d' une passion est une histoire d'amour qui place la relation de puissance au sein de la passion. A l’encontre de préjugés qui diraient que l’on ne peut dans cette posture aimer, le sentiment est pur et fort, présent dans la chair, il en admet le culte de part en part. On est dans une singularité intimidante, pourtant, nous sommes tous concernés par ces volitions. La modernité figure aussi dans le fait que la femme, dans cette fiction épistolaire, a un corps d’athlète et est amoureuse de la faiblesse de son partenaire, tandis que lui, vénère ses muscles imposants. Il y a comme dans les tragédies, une forme de tourment, qui placerait la tension vers les volontés d’une toute puissance, foudroyée parce qu’encore trop humaine. Les sentiments sont pensés et des voies construites. On est ici dans une double écriture du corps et de l’esprit, de la matière et de ce qui sans cesse la déborde et l’entache. On peut penser à un titre antagoniste, Stratégie d'une passion, dans la passion, on imagine l'emportement, mais il y a toujours en dernière analyse, de la stratégie. L'écriture y est vigoureuse et se réfère à un sport qui affermit le plaisir, un des thèmes omniprésents de la narratrice, qui écrit aussi ses lettres comme un traité de vie.Que devient une relation amoureuse lorsqu’on inverse les rôles anciens et que la femme s’avère plus performante et puissante, plus musclée que l’homme ? C’est un des thèmes de ce livre, un enjeu actuel autour des rôles sexuels. L’écriture interroge nos préjugés. C’est aussi un livre de la passion déclinée autour de trois objets : un homme, le travail de l’écriture et celui du sport.
L’antagonisme du titre : qui dit amour passionné ne dit pas seulement emportement et vérité mais aussi stratégie. Comment se présente-t-on à l’autre quand on veut lui " vendre " son image et le maintenir " à nous " malgré la distance, dans une relative dépendance et sous l’emprise d’un pouvoir qui voudrait ne jamais se dérober. Les mails servent à communiquer le désir à l’amant, à entretenir la passion de part en part, à échanger pour que perdure le sens de l’amour.

Février 2004. Editions Luce Wilquin.
 

Construction d'un corps pornographique

Editions Le Cercle d'art
& Université de Bruxelles
Paris-Bruxelles, 2005
Construction d'un corps pornographique est un éloge, une réflexion, une poétique du corps réapproprié sous le mode de sa performance, au-delà du genre.Un chemin de sueur lumineuse, une pratique jubilatoire de la musculation à travers encre et acier. Une réflexion et une poétique qui passe de la chair au texte, du muscle à la pensée ; sensations, conceptions et images. Le regard porté est aussi visuel, photographique, en fin de livre, Poétique du corps sportif : portfolio de 8 photographies par l'auteur.


"En écrivant ce livre, j'ai poursuivi plusieurs buts : communiquer, voire même consigner dans une mémoire écrite, la sensualité d'une femme athlétique - culturiste et boxeuse - dans sa rigueur et sa vigilance, dans sa volonté de se forger une matière charnelle puissante avec volupté, ce qui peut sembler paradoxal.

D'un même bond, j'ai souhaité bousculer un très vieux tabou, l'ancestrale interdiction du pouvoir aux femmes. Dans notre enfance, dans notre éducation, le pouvoir, l'ambition nous ont été interdits. Il a fallut transgresser pour avancer.

J'ai également souhaité aborder ce phénomène nouveau sur lequel on n'a pratiquement pas écrit: de femmes sportives qui dépassent par leurs exploits la majorité des hommes.

J'ai désiré rester proche de l'expérience vécue : ce livre témoigne de ma propre vie. Et par ce biais, des relations du corps aux textes, des haltères quotidiennement levées, à la poésie. Là où l'exigence de l'écriture croise l'engouement engorgé du sang dans les muscles. J'aimais donner à sentir ces différents états passionnés d'un travail d'artiste où créer, c'est s'octroyer de nouvelles libertés de transgresser pour vivre. Boxer pour se frayer des chemins où penser et agir se font en se réappropriant un corps et une parole.
Il fallait aussi travailler l'écriture de façon à lui donner une texture presque physique, ouvrage que j'ai pu compléter en concluant par une note visuelle, un portfolio de photographies de corps, poétiquement annotées. J'espère que ce livre insolite vous interpellera, que vous en serez curieux."
Nathalie Gassel

 

Des années d'insignifiance
Ed. Luce Wilquin, septembre 2006
Ce livre difficile à soutenir dans ses implications émotionnelles, je l’ai écrit pour rendre compte de l’enfer que peut être l’enfance, quand nous nous y retrouvons insignifiant.  Il se peut que nous devions surtout désapprendre le contenu de nos premières années de vie, et donc y revenir, afin d’appréhender ce qui nous y a été inculqué.  
Comme si mes textes passaient par là : avoir à affronter dans un grand inconfort, des vérités que l’instinct de conservation pousserait à enfuir pour paraître lisse au regard de la société, des autres mais que l’instinct de l’artiste, qui semble répondre à d’autres critères et exigences, veut penser et vivre, non par pure volition mais parce qu’il s’en nourrit malgré lui, pour atteindre des sphères d’authenticité - toujours transgressives au regard de l’origine - ou d’un contexte donné.

"Naître d’insignifiance ou n'être pas "
Nathalie Gassel est un écrivain. Ses livres, qui ont marqué, tels Eros androgyne, Stratégie d’une passion, Construction d’un corps pornographique, constituent ou plutôt construisent une œuvre comme le double immatériel d’un corps qu’elle veut puissant, structuré, affirmé, insistant. Cette double entreprise d’écriture et de structuration charnelles vibre d’un chiffre secret qu’elle livre enfin, dans ces Années d’insignifiance, son dernier livre qui paraît chez Luce Wilquin et qui fonctionne comme une origine qui ne pouvait jamais venir qu’en après-coup. Ce serait vraiment peu en dire que d’énoncer qu’il s’agit, avec ces années-là, de l’inexistence subie d’une enfant à laquelle on ne laisse aucune place ; c’est cette inexistence-là, cette insignifiance-là qui éclairent d’un jour mélancolique l’existence et la signifiance que Nathalie Gassel tente de reconquérir, ligne après ligne, livre après livre, conjuguant d’une manière qui me convainc l’être de chair et l’être au monde dans leurs difficultés recroisées.

A travers ce récit, tissé d’une main sûre, avec des fils sombres et son motif d’ironie parfois souriante, parfois amère, Nathalie Gassel explore cet objet insolite qu’est, à ses propres yeux, cette insignifiance de jadis dont il a bien fallu renaître, vaille que vaille. Emerge la figure pathétique d’un père qui n’arrive plus à tenir, dans la vie ou dans l'écriture, un père de désamour mais dont elle cite plusieurs œuvres magnifiques. Une note suraigüe, une harmonique, sonne soudain sous l’archet de cette auteure accomplie, bouleversante sans rien perdre de la tranquillité d’un destin qui avance à reculons : et, dans un silence de plomb, un destin d’écriture se renoue, du père sans fille à la fille sans père, un destin qui fait être autant qu’il fait écrire.

J’ai beaucoup aimé ce livre."
Frank Pierobon *


Récit plastique, de Nathalie Gassel, Ed. Le somnambule équivoque
Postface de Frank Pieobon

«Dans une prose volontiers classique, que des tensions quasi nerveuses font constamment vibrer jusqu’à l’intensité », selon le philosophe Frank Pierobon, Récit plastique fait dialoguer des textes et des photographies. Ce corps à corps, entre écrits et images, oscille entre instincts de vie et de mort, pour aboutir à une réflexion marbrée d’abstractions.

D’une écriture aussi travaillée que son corps d’athlète, Nathalie Gassel s’était attachée, avec Éros androgyne et Musculatures, à célébrer la chair et en affirmer la puissance. Jusqu’à l’écriture décisive des Années d’insignifiance, où elle sonde le contexte transgressif et déchiré de son enfance, elle ne cesse d’affirmer le faisceau de ses diverses radicalités. Récit plastique confirme cet univers singulier en explorant aussi sa dimension photographique.

 

Interview "Récit plastique" (Document "le somnambule équivoqu"

Votre texte rend compte de la construction d’une identité qui ne soit pas imposée par la société. Quel rôle joue l’écriture dans la construction de ce second moi ?

L’écriture est introspection et construction. J’analyse des structures, mais on ne peut le faire sans en même temps se positionner autrement, ce qui m’était nécessaire. En ce sens, l’écriture est pour moi un point de survivance. Un lieu. Où faire en sorte qu’une adéquation, une recherche et une augmentation de liberté viennent naître. En se pensant, en se disant. C’est l’expression qui fait advenir à ce que l’on est déjà. Qui éclaircit et crée. Et qui soulage de la différence, de la disjonction face à un monde de coutumes qui semble hostile à ce qui sort de normes. En l’occurrence physiques, voire sexuelles. La transgression est nécessaire pour légitimer d’autres façons de rencontrer le monde, de voir ou d’accomplir.

Ce pouvoir transgressif de l’écriture est lié au corps. Quelle signification donner à cette imbrication du corps et de l’écriture ?

J’ai une pratique sportive dont mon écriture a voulu rendre compte. Mon corps m’a posé un problème, il a fallu que je le travaille. L’action sportive acquise comme pratique, il était intéressant d’en donner une transposition textuelle, qu’une contagion opère : l’écriture n’est pas neutre, elle est incarnée dans des expériences, elle se nourrit d’une énergie vécue.

Nathalie Gassel beige_clair.gif Votre corps fait l’objet d’un culte de la performance, de l’effort poussé à l’extrême. Ce corps choisi, travaillé, s’oppose au corps vide, insignifiant. Quel rôle joue la sculpture du corps dans la construction de soi ?

En l’occurrence, il s’agit pour moi de casser les structures existantes du féminin et du masculin, je les trouvais factices, et pour tout dire, invivables. La société va enfin dans cette direction, quel soulagement. Il fallait redonner du nerf, du muscle au féminin étouffé par des siècles de soumission. L’expression performante du corps athlétique est une liberté de plus. Mais il ne faut pas oublier que toute performance est éphémère et que la réalité nous impose cette confrontation au temps qui corrompt la chair. C’est l’aspect dramatique de l’expérience vécue, celle qui nous rattache autant à la mort qu’à la vie, à la fragilité qu’à la volonté et qui nous situe entre la vulnérabilité et l’effort de dépassement, qui en bout de chemin s’avère perdant. Nous sommes aussi face à l’abîme.

Vous dites qu’avec un corps athlétique, il s’agissait de casser les structures existantes du féminin et du masculin. Ainsi, le corps comme l’écriture font partie du même combat. Ils permettent de se libérer des carcans, de dépasser les catégories et de renverser les images imposées. Tous deux sont mus par une énergie transgressive.

C’est jouer d’autres cartes culturelles. Mélanger, brouiller, disposer. Transgresser, c’est porter une vue naissante, reconsidérer. Renverser les codes pour sculpter un champ actuel.

L’écriture du moi apparaît comme un choix politique en témoignant de la place que vous voulez occuper et de l’ordre que vous voulez bouleverser.

L’autofiction était pour moi plus claire, dans un sens presque scientifique de témoignage, re - présentation, expression. C’est bien sûr aussi à un niveau plus intime, l’existence. Sa revendication. Et toutes les complexifications de ces dualités : je suis, mais vous pouvez aussi être en moi ou avec moi. Et réciproquement. Il y a interférence car nous partageons une actualité du monde et un devenir de l’espèce. Mixer des genres, sortir de ce qui est inutilement défini pour approcher autrement. Comme mélanger images, textes et légendes dans un souci d’élargissement. J’ai aussi communiqué sur une nouvelle idée de la femme, libérée des fardeaux ancestraux, et sur de nouvelles identifications de genres probablement apportées par la science : procréation libre, et corps dans un moindre asservissement aux lois naturelles. Un gain de choix, un parcours plus affranchi dans des formes de sexualités et de présentations.

Cette expression de soi passe aussi par la médiation du regard d’autrui. Comment expliquer ce besoin de s’exposer ?

Nous ne sommes pas sans autrui : la solitude nous tue. Nous vivons dans un monde où beaucoup de gens en souffrent. En ce qui me concerne, bien sûr, le singulier est une force et une faiblesse. Il ne rassemble pas, il ne rend pas uni à une masse, mais il attire l’attention, enfin, il le peut, et c’est une démarche de survie. Il y a un vide humain à combler, et c’est très commun, l’importance qu’on nous accorde dilue la puissance destructive de l’étrangeté, elle lui donne une contrepartie positive.

Nathalie Gassel beige_clair.gif En même temps, cette mise en scène de soi constitue une révolte contre la société. Il s’agit de dire sa signifiance dans l’insignifiance de la masse.

J’ai certes une allergie à l’uniformisation. Il y a aussi la nécessité d’affirmer le moi contre la masse et dans la masse, car nous n’échappons pas à une société où il faut compter, où il y a un lent et lourd parcours pour être, il ne suffit pas d’être né pour exister dans ce monde. Il faut s’y acharner et de surcroît avoir une chance, c’est un pari presque pascalien. Il faut poser beaucoup d’actes sans savoir quelles seront leurs issues. Dans Récit plastique la mise en scène de soi va à contre courant des goûts esthétiques majoritaires, c’est bel et bien un acte posé en confrontation avec les représentations les plus habituelles. C’est une position qui appelle à l’ouverture aux minorités, une lutte.

L’écriture n’est-elle pas ambiguë ? Le texte imprègne les consciences, il donne la sensation d’une démultiplication de l’existence. D’un autre côté, il renforce la solitude. Quel est le véritable rôle de l’écriture ?

La solitude pour moi était là avant l’écriture. Cette activité recluse a plutôt tendance à répondre à la solitude en voulant la peupler, lui donner des échos. Je n’ai pas échappé à la rumination, à la souffrance, mais avec le texte, elle est moins inutile. Elle renvoie vers les autres. Quoique mes livres soient très personnels, des êtres humains ont des structures communes, c’est en ce sens que l’écriture justifie un dialogue profond, très direct. Presque intime, et paradoxalement publique, ce jeu du double. Elle est narcissique (l’écriture), c’est tabou, mais c’est. Malgré moi, j’envisage des réalités réprouvées, peut-être est-ce une fascination pour des non-dits qui se dévoilent, pour l’en-dessous, l’en-deça. Le visible caché, connu mais peu exhibé.

Vous abordez la question de la souffrance sans pour autant la qualifier. La souffrance est à la fois celle d’un corps que l’on modèle dans la performance et d’une écriture toujours dans l’effort, dans la recherche. Votre texte manifeste ce choix de ne pas évacuer la souffrance mais de la sonder, de l’interroger.

La souffrance est dans la vie, et elle peut être forte. Dévoiler fait partie de cette vision où l’on va chercher une image de soi et de l’existence, dans le texte, le texte est un reflet de la vie. C’est une supra existence. C’est en ce sens qu’il m’intéresse, il communique des perceptions et sensations du réel. La photographie est aussi une image de la réalité et de sa fabrication (il y a parfois composition, quelque chose qui mène à voir, qui dirige le regard vers..). Sonder, soit le dehors, soit le dedans, en lien ou réaction l’un avec l’autre. Mettre en question, y compris soi-même. L’affirmation n’est que le revers de cela, une autre réponse ou position.

Nathalie Gassel beige_clair.gif Sonder la souffrance permet aussi de s’interroger sur les peurs de la société. Le corps en souffrance n’est-il pas une image de l’obscène, comme ce qui déroge à cette exaltation de corps parfaits, en pleine santé ?

Oui, vous avez raison, la souffrance est une image de l’obscène. C’est la réalité de la descente, de la fin. Dans Récit plastique, des images : le portrait posthume d’une guêpe (elle se trouvait dans mon appartement) et le corps mutilé de ma mère. Nous ne pouvons pas oublier que tout a une fin, une misère, et que nous avons tendance à nous la cacher pour être dans une humeur combative, et d’autre part, parce que la société nous vente les mérites de notre utilité (elle ne peut avoir lieu que dans la santé, lorsque nous rapportons sans coûter).

L’autofiction, la recherche de l’authentique, explique le lien entre écriture et photographie. Ecriture et photographie scrutent la réalité de l’expérience vécue et en même temps se distinguent dans leur rapport au temps.

L’image. De soi, des autres, d’un monde. L’écriture aussi est une image mais abstraite. La photographie : elle se voit, parle un autre langage. Une juxtaposition de langues, et elles disent autre chose, ça m’a intéressé. Par la multiplication de vues offertes, de chemins, de prises, et une autre temporalité, la photographie saute aux yeux d’emblée. Elle a une première présence que n’a pas le discours, les images sont utilisées dans les publicités de la ville car elles ne demandent pas le même effort pour y entrer. Elles ont une accessibilité. Eventuellement, elles percutent (et répercutent une communication) sans nécessiter une appréhension intellectuelle au premier contact.

L’autofiction est un exercice périlleux entre auto-analyse et conscience de l’incapacité d’une connaissance parfaite de soi. Ne contient-elle pas en elle-même son échec ?

Exposition, connaissance et ignorance : nous sommes là-dedans. Donner à voir, courir après ce qui se dérobe. Entendre que nous échappons à nous-même et aux autres, même dans l’exhibition et la vision, tout un pan est obscur. L’intérieur est peu accessible même s’il est déclaré, éclairé, édifié et énoncé.

 

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