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Regards sur "Deux êtres qui luttent" réunis en une seule et même personne,
"tantôt nonne, tantôt bacchante" *1 : enchanteresse éblouissante,
"Prêtresse du soleil et du sommeil"



"J'ai moi aussi aimé la beauté,
je l'ai contemplée et louée dans l'univers infini.
C'est elle qui élève et guide les pas de l'homme,
qui le réjouit par le plaisir aux mille visages contradictoires,
qui alimente la force de l'intelligence, la sage folie du cœur." [...]


"j'étais comme ces ivrognes qui aggravent leur mal en buvant en route,
mais qui étaient déjà ivres au départ.
Je suis née ivre, et j'ai vécu toujours altérée
de véhémence et de douleur." *

Anna de Noailles



Acte II


Florilège de témoignages élogieux suite


a) "1er mai 1933"
Article de journal sur la mort de la comtesse de Noailles
de Jean Cocteau


                             
                            

                             Je viens de perdre une sœur qui comme moi vivait dans une chambre close ; et de chambre en chambre, nous possédions un tunnel mystérieux où nous circulions à merveille sans avertir personne.
                             Cette petite femme était grande entre les grandes. Je l'imagine, ce matin où les embaumeurs la changent en elle-même, comme une Thaïs, une Sapho couchée dans les bras de sa lyre, parmi les colliers de turquoise qu'elle maniait de ses mains violentes et de ses doigts de fleuriste.
                             Beaucoup de jeunes gens ne savent plus comprendre le miracle de cette figure, morte d'épuisement après une vie ravagée par la gloire et par le monologue d'une conversation qui cesse aujourd'hui pour ses intimes et commence pour le monde entier.
                             Figure de Christ espagnol, de jeune Bonaparte, d'énigme  d'Antinoë, oiseau du Nil, sultane voguant désormais sur le fleuve illustre, dans un sarcophage pareil aux gondoles de Venise.
                             Un jour une jeunesse nouvelle verra que toute autorité l'emporte  sur la cruauté des modes, et adorera cette prêtresse du soleil et du sommeil.
                             Éteinte un dimanche à deux heures, je suppose qu'elle eut le temps, cette assoiffée de grandeur, d'organiser pour le soir même la rencontre des immortels qui furent ses guides.
                             Au revoir, Anna, je vais essayer de vivre de telle sorte que vous voudrez bien continuer à m'aimer après ma mort.

b) Chronique critique de l'ouvrage de Jean Cocteau
"La Comtesse De Noailles Oui et Non"
par Maurice-Pierre Boye




                                 

                                  SUJET.- Tout ceux qui connaissent les trois premiers recueils de Jean Cocteau, si rapidement reniés par leur auteur et si difficiles à trouver aujourd'hui, savent à quel point l'influence d'Anna de Noailles  fut grande et profonde sur le futur poète de "Vocabulaire" et de "Plain-Chant". Cette influence éclate avec sa juvénile "Danse de Sophocle". Nous sommes en 1913; Cocteau, qui n'a pas encore vingt ans, admire également- il l'a avoué- Hérédia, Mendès et Rostand. Mais tout va changer rapidement et Cocteau, avec le "Cap de Bonne-Espérance", composé de 1916 à 1919, trouvera sa voie véritable.             
                                  Cependant, s'il change de dieux, il gardera toujours un culte secret pour le chantre de "Forces Éternelles". Il est vrai que, de toutes ses admirations d'adolescent, celle pour Anna de Noailles fut la plus valable, et cette admiration, nous sommes nombreux encore à la partager. Alors que, au seuil de la vieillesse, Cocteau voyait s'effacer un peu plus chaque jour la gloire, qui fut si grande, de la comtesse de Noailles, il a tenu à élever un petit monument à sa mémoire, fait de fidélité et de ferveur, et d'autant plus émouvant qu'il voit le jour après la mort de celui qui le suscita ! Il s'agit en réalité d'une sorte de recueil anthologique. Cocteau n'y participe que modestement, avec de trop courtes pages de souvenirs auxquelles  Emmanuel Berl ajoute les siennes, trop rapides également. La participation de l'héroïne, elle, est beaucoup plus étendue, avec un choix intelligent de ses poèmes et de ses proses. Parmi les autres textes repris, citons le beau discours de Colette à l'Académie Royale de Belgique, où elle succéda à Anna de Noailles. le portrait qu'elle nous en donne est prestigieux.
                                   VALEUR.- Tel qu'il est disposé, en dépit de son disparate, cet ouvrage plaira aux fanatiques de la grande poétesse disparue. À la formule :"Oui et Non", nous répliquerons oui tout court. Cette femme de génie se doit de survivre.
                                   Librairie Académique Perrin, 1964




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III


Blason de la poétesse Anna de Noailles par François Mauriac

ANNA DE NOAILLES EST MORTE.



                          
                        

                            Cette jeune femme illustre prêta sa voix à toute une jeunesse tourmentée. Sa poésie fut le cri de notre adolescence. Auprès des autres, nous cherchions l'apaisement, la lumière; ou nous leur demandions d'être bercés et endormis. Mais elle attirait à soi les passions qui ne veulent pas guérir. Quelle tentation, pour un jeune cœur, que de découvrir Dieu au-delà de l'assouvissement !
                            Admirée, adorée, chargée et comme accablée de tous les dons humains, elle nous précédait de dix années dans la vie, pour que nous fussions avertis que posséder tout, c'est ne rien avoir, et qu'il ne sert à rien de gagner l'univers. L'univers, elle l'avait pondant capté dans ses poèmes où Venise, Sorrente, la Sicile nous semblaient plus chaudes et plus odorantes que dans le réel. Mais de tous les jardins du monde, elle rapportait les seules herbes nécessaires pour composer le philtre qu'Iseult partage avec Tristan et elle nous le faisait boire. Elle n'a jamais distingué l'amour de la mort. Son exigence débordait infiniment l'amour humain. Dans les poèmes admirables qui ouvrent le recueil les Vivants et les Morts, elle sut nous rendre sensible la fuite de la créature aimée, même tenue et pressée entre nos bras :
Quelque chose de toi sans cesse m'abandonne,
 Car rien qu'en vivant, tu t'en vas...
                           Cette trahison, en pleine fidélité, de l'être qui s'écoule, qui se défait; ce mensonge de la vie, elle fut la première à nous en persuader. Notre vingtième année lui doit d'avoir connu cette disproportion entre le désir du cœur et ce qu'il poursuit jusqu'à épuisement. Il ne servait de rien à notre jeune passion d'atteindre son objet, puisqu’elle n’en épousait jamais les contours. La beauté, enfin appréhendée, ne ressemblait pas à celle -qui nous avait fui : Je me tairai, je veux, les yeux larges ouverts, Regarder quel éclat a votre vrai visage, Et si vous ressembler à ce que j'ai souffert.
                           Ce défaut de conformité entre l'amour et l'objet de l'amour éveillait en nous une douleur qui, devenait l'amour même, ou du moins, tout ce qu'en dehors de la volupté il nous était donné d'en connaître. Par l'unique douleur, l'amour humain prenait conscience de lui-même, au point que, si nous ne faisions pas souffrir, nous ne savions pas que nous étions aimés. Les amants ne se connaissent qu'au mal qu'ils se font qu'aux coups qu'ils se portent. Toute la misère de l'attachement aux créatures tient dans ce vers impérissable :                      
                          La paix qui m'envahit quand c'est vous qui souffrez.
                          Et cependant, rien n'arrête, puisqu'ils sont vivante, l'incessante dissolution de ces deux corps qui se cherchent. En vain le poète s'efforce-t-il de fixer l'instant et le lien de sa joie :
                         La terrasse est comme un navire
                         Qu'il fait chaud sur la mer ce soir !
                         Rien n'est immobile; tout parapet devient une proue ; la nature entière bouge comme le vaisseau de Tristan et entraîne à la mort le couple éphémère.
                         Dès sa jeunesse, ce bel aigle avait regardé la mort en face. Pareille aux grands romantiques, elle n'en a jamais détourné les yeux. Et c'est ce qui rend sa mort si étonnante. Pour la plupart des hommes, mourir est un accident : ils trébuchent et disparaissent dans la trappe comme des bêtes surprises.
                         Mais de celle-là qui, depuis tant d'années, contemplait et, si j'ose dire, veillait sa future dépouille, le silence, l'immobilité déroutent l'esprit. Je répète à cette endormie le mot du Christ après la Cène, lorsqu'il interroge ses disciples : " Vous croyez, maintenant ? " [...]
                        Durant toute une vie, aura-t-elle contemplé la mort en vain ? A cet esprit, l'un des plus avides que nous ayons connus, la mort ne révéla rien de ce que dissimulent ses ténèbres. Penchée depuis l'enfance sur ce gouffre d'éternelle clarté, Madame de Noailles a toujours donné son cœur et son consentement à la nuit. Pourquoi, en dehors d'un imprévisible miracle, sentions-nous qu'il en devait être ainsi ?
                        Elle-même paraissait terriblement sûre de ne jamais succomber à la tentation de Dieu, comme si elle eût été tirée sur la berge, très loin du courant de grâce où beaucoup de ses jeunes frères se sentaient entraînés. Elle paraphrasait en vain Pascal dans de sublimes Élévations. Elle dressait en vain vers Dieu l'holocauste de ses poèmes : Mon Dieu, je ne sais rien, mais je sais que je souffre !
                        La fumée du sacrifice était rabattue vers la terre. C'est qu'il ne sert à rien d'interpeller Dieu si nous ne l'écoutons pas. L'attention dans le silence est un aspect trop méconnu de la prière. Ce cœur innombrable, ce cœur retentissant ne se taisait jamais. Cet essaim bourdonnant, que pouvait-il entendre, hors son bourdonnement admirable ?
                       "Il faut d'abord avoir soif " ; ce mot de Catherine de Sienne que Madame de Noailles inscrivit en exergue du Poème de l'amour - quelle triste habitude nous eûmes tous de dérober aux saints leurs plus pures paroles, pour faire le jeu de notre passion - ce mot l'aurait sans doute éclairée, si elle l'eût ainsi compris : "Soif de ce silence où Dieu nous parle. " Peut-être alors eût-elle entendu la parole intérieure qui fut adressée à Catherine de Sienne : "Tu es celle qui n'est pas..." C'était le mot de l'énigme, et Madame de Noailles ne l'a pas trouvé. Elle est demeurée inguérissablement elle-même, aveuglée par sa propre lumière. À l'entour, les planètes humaines ne lui apparaissaient que dans l'éblouissement de ses rayons.

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Portrait d'Anna de Noailles par Ignacio Zuloaga

                        La jeunesse s'éloignait ; les nouvelles générations portaient leur encens à d'autres idoles ; autour de cette femme étendue, une terrible cognée abattait ceux qu’elle chérissait le plus. La solitude et le silence prirent ainsi possession, par la force, de cette vie tumultueuse jusqu'à ce qu’elle fût définitivement immobilisée, crucifiée à la maladie. N'allons pas au delà ; agenouillons-nous devant ce mystère des derniers jours où, vaincue enfin, dépouillée de toutes ses armes, cette grande inspirée reçut peut-être les seules inspirations qui lui fussent inconnues, celles qui ne s'obtiennent, nous enseigne Pascal, que par les humiliations. […] C’est une dangereuse épreuve que l'excès de bonheur. Les anciens n'avaient pas tort de redouter une chance trop constante ; la créature comblée finit toujours par être accablée.
                        Il est des êtres sur qui le bonheur humain s'acharne, comme s'il était le malheur, et, en vérité, il est le malheur. Ce grand poète qui vient de s'endormir, nous l'avons vu dans l'éclat de sa jeune gloire. D'autres femmes étaient belles, mais elle seule possédait cette beauté que le génie transfigure. Princesse dès le berceau, elle reçut, au jour de ses noces, un des plus grands noms de France, et des plus glorieux; mais à peine l'eut-elle porté, que l'éclat de son génie obscurcit les fastes de cette famille illustre.
                        Désormais le nom de Noailles n'évoquera plus le vainqueur de Cérisoles, ni cet archevêque de Paris, ami secret des jansénistes et pour qui Racine écrivit l'histoire de Port-Poyal, ni trois maréchaux de France, mais une jeune Minerve revenue de toute sagesse, docile au seul vertige, et qui, comme l’Euphorion de Goethe, s'élance à corps perdu "dans un espace plein de douleurs."
                        Qu'elle était heureuse, cette désespérée ! Son génie jouissait de lui-même, à chaque instant de sa vie ; et non pas seulement lorsque, poète, elle cédait, dans le secret, à ses sublimes inspirations; car elle régnait aussi par la parole. Dans ces beaux jours de notre jeunesse, dès qu’elle apparaissait, nous nous pressions autour d'elle toujours accablée, mais dont l'épuisement même entretenait l'ivresse. Elle faisait rire aux larmes des adolescents que ses poèmes enivraient de tristesse, le soir, dans leur chambre solitaire. Furieuse et joyeuse abeille, elle fonçait soudain sur ses victimes, car elle voyait le ridicule des gens, selon le mot de Saint-Simon, « avec cette vérité qui assomme ». Insoucieuse du dard qu’elle laissait dans la plaie, la téméraire ne se méfiait pas de cette terrible mémoire qui est celle de l'amour-propre humilié, pareille à cette dauphine Marie-Antoinette, à cette jeune reine adorée, mais qui charmait moins de cœurs queue n'en blessait.
                        Tant qu'une seule chose nous manque, nous espérons l'atteindre et le désespoir reste impossible. Mais rien ne manquait à cette reine de notre jeunesse; et elle obtint donc, par surcroît, le désespoir si nécessaire aux poètes. Il faut tout avoir, pour ne tenir compte de rien, tout posséder, pour avoir le droit de tout mépriser. Il n'y a pas de détachement possible sans possession, car comment nous détacher de ce que nous n'avons pas ?
                        Aucun humble désir, aucun "manque "ne détournait de penser à la mort cette créature idolâtrée, envers qui le destin se montrait perfidement prodigue. Nul médiocre souci ne la divertissait de son unique disgrâce, la seule dont aucune puissance, sur la terre ni dans le ciel, ne la pouvait délivrer : cette disgrâce d'être née mortelle et de ne donner son cœur qu'à des créatures aussi éphémères qu'elle-même. L'écoulement, la fuite, la dissolution de l'être adoré devint ainsi le motif essentiel de cette poésie, si longtemps consacrée à tous les ciels et à tous les jardins du monde. Le thème bergsonien de la durée - qui devait trouver, grâce à Proust, sa transposition romanesque - fournit à cette porteuse de lyre une source de sublime...
                       […] Jusqu'à ce jour où il devint visible que le temps altérait aussi le seul de ses biens quelle aurait cru inaltérable : sa gloire. Dans le tumulte de son long triomphe, rien ne l'avait pu préparer à cette épreuve inévitable et qui n'épargne aucun créateur ni, surtout en France, aucun poète, car c'est la politique, et non la poésie, qui fit du vieil Hugo l'idole de la France !
                      "Ce grand supplice, la vieillesse ! " notait Michelet à son déclin. il aurait pu dire : ce supplice sans cesse grandissant, l'approche même encore éloignée de la vieillesse ; oui, le pire des supplices pour ceux, du moins, dont la route glorieuse ne monte pas vers Dieu; supplice qui, pour être supporté sans cri, exige un courage d'homme, une raison d'homme. Dans ces ténèbres où il aurait fallu qu’elle fît un acte de foi dans son génie, la triomphatrice de naguère ne nous apparaissait plus que comme une pauvre femme, stupéfaite, anxieuse.
                      C'est que, dans l'orgueil des poètes, il ne faut voir qu'une apparence. Il n'en est aucun, même parmi les plus grands, qui ne doute de soi, que la moindre critique ne trouble, qui n'ait besoin, comme de pain et d'eau, d'admiration et de louanges. Mais nous, qui étions sûrs que l’œuvre de Madame de Noailles vaincrait le temps, nous nous irritions de la sentir si démunie. Hé quoi ! il ne lui suffisait pas de relire les Vivants et les Morts pour consentir à l'indifférence des jeunes barbares d'après la guerre ?
                      C'était l'époque où, après un long temps d-incubation, le virus de Rimbaud se manifestait dans la poésie française; l'époque où un jeune insolent disait devant moi à Madame de Noailles : " On ne fait plus de vers, aujourd'hui, madame !", l'époque enfin où, dans la lignée de Mallarmé, se manifestait un poète attentif à la valeur et au poids de chaque mot, ennemi de toute facilité. Dans les premiers jours après l'Armistice, je me vois encore, chez le libraire Floury, lisant d'un trait la Jeune Parque de ce Paul Valéry […] aux antipodes du "Cœur Innombrable " et des "Éblouissements ". Mais il y a, chez les Muses, beaucoup de demeures ; et dans ce temps où je me sentais proche encore de mes belles années, bourdonnantes de tous les poètes, les dieux nouveaux n’empiétaient pas sur mes anciennes adorations.
                      Aucun de nous qui ne soit demeuré fidèle à celle dont la poésie fut la voix même de notre jeune passion. Peut-être aurions-nous dû le lui redire; mais nous ne pensions pas que cette. immortelle eût besoin d'être rassurée.

                     Cette apparente désaffection, ce silence que le monde fait autour d'une destinée qui décline, heureux sont ceux qui ne le redoutent pas et qui même l'attendent avec une anxieuse espérance. Il est bon qu'avant que nous le quittions, le monde nous quitte. Autour du vaisseau qu'on va lancer à la mer, toutes les amarres, l'une après l'autre, sont rompues ; il demeure immobile, il ne glisse pas encore, quoique plus rien ne le retienne. Bénie soit la vieillesse qui nous détache longtemps à l'avance, afin que le passage à l'éternité s'accomplisse sans déchirement. En haine de la vieillesse, le monde renonce à nous qui n'aurions peut- être pas la force de renoncer à lui. Puissions-nous en ces jours-là, lui rendre grâce d'obliger la frivole créature à demeurer seule en face de son créateur. "Quand on vieillit, notait René Bazin à la veille de mourir, quand on vieillit, tout s'en va, mais Dieu vient ! "

                     Il vient, mais son approche est différente pour chacun. Peut-être - je l'ai toujours cru - ne traite-t-il pas les poètes comme les autres hommes. Tout se passe comme si les poètes avaient une mission particulière, un exemple à donner et que seuls ils peuvent donner ; comme si leur vie, telle quelle est, était voulue. Tous, qu'ils aient cru à la vie éternelle ou qu'à l'exemple d'Anna de Noailles ils l'aient niée, ils attestent la grandeur de l'âme humaine, sa vocation divine. Les poètes m'ont toujours défendu contre le doute : même couverts de boue, comme Rimbaud et Verlaine, ils, éveillent,-en nous le sentiment d'une pureté édénique, d'une pureté perdue qu'il nous faut retrouver dans l'abaissement et dans les larmes. Battus de tous les vents, ruisselants de tous les embruns, ils sont bien des "phares ", ainsi que Baudelaire les appelle, immobiles sur leur rocher, incapables en apparence de se sauver eux-mêmes, ils brûlent dans les ténèbres, mais notre route est inondée de leur lumière.
 
                     Aussi éloignés qu'ils paraissent les uns des autres, ces inspirés bien-aimés gardent entre eux un air de parenté, une ressemblance mystérieuse. Les trimardeurs terribles, Verlaine, Rimbaud et la comtesse de Noailles, née princesse de Brancovan, ont une vocation commune d'ardeur, de souffrance et de grandeur humiliée. La chambre sordide où Verlaine mourut, nu, la face contre le carreau, je la confonds dans mon esprit avec la pauvre chambre -meublée, rue Hamelin, où j'ai vu Marcel Proust étendu; avec la chambre de la rue Scheffer, où un " cœur innombrable " a fini de souffrir.

 

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Tableau peint par la poétesse qui pratiquait la technique du Pastel

privilégiant les motifs floraux


                          

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