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Amagnie

Au fil des jours et des mots, de ces nuits avides, sans aurores, elle se regardait aller comme une funambule sur le fil. Comme au cirque. Ah oui le cirque. D’ailleurs ce n’était pas normal de penser à un funambule alors que la maison respirait après sa première chaleur d’avril, les pierres sèches; elle les entendait haleter. Les enfants, Pierre le tordu et les jumeaux dormaient à côté, dans la chambre. Et s’ils n’avaient pas été là ces enfants, comment les jours seraient ils passés ? Au fond, bien avant les cimes d’où descendait une brise presque fraîche, les dernières maisons de la commune disparaissaient dans une brume légère qui montait de l’herbe tendre, chauffée par ce soleil pas encore tout à fait de l’été. Et là, trop proches, les cochons grognaient derrière le mur, il faudrait bientôt penser à les retourner au fond du jardin, avec les jours chauds, l’odeur allait devenir aussi intolérable que le bruit des truies en chaleur à la fin de l’hiver. Et s’ils n’avaient pas été là les cochons ? Comment les jours se seraient ils mangés ?

La dernière fois qu’elle avait vu un cirque, c’était au moins, avant sa première communion. Oh la robe de ce jour là…Il y avait la robe, le dieu, le dieu juste à côté des cierges allumés. Que tout était beau. Quelle histoire tout de même, le Dieu dans le bleu du ciel de l’église, les femmes du village avec leurs robes noires et leur air sévère d’être toujours en colère. Mais enfin, Dieu et les histoires du curé, on grandit trop vite pour toutes les retenir, faut-il vraiment s’en rappeler pour être heureux ? Aujourd’hui, à bien y penser, de la religion, ce qui se voit, ce ne sont que des grimaces partout sur la terre…Ils sont là avec leurs guerres, leurs croix et leurs bannières, leurs lunes et leurs faucilles, leurs voiles et leurs interdits, leurs commandements disent ils, qui sont ils pour commander avec leurs terreurs, jusqu’ici, partout ailleurs, les enfants dans les champs, les cuisines et sous les robes de leurs mères?

Et ses yeux se mouillaient du temps si vite passé.
Le temps, mais oui, le temps fait pleurer un peu. Oh pas grand-chose, le temps d’un oignon, d’une pelure de mémoire, le temps d’un souvenir. Alors oui, parce que le temps passe comme un funambule qui monte vers la plate forme. Elle avait souvent l’impression de n’avoir pas été en équilibre mais en chute et c’est vrai qu’un funambule qui tombe, eh bien ce n’est plus un funambule. Elle, elle n’était pas tombée. Elle n’était pas devenue
non plus une funambule. Enfin, parfois la vie prenait l’air et tardait juste un peu à reprendre sa place.
Entre les murs de planches des ruelles de Montréal, l'hiver vient de se poser sans gène, glissant sous mon blouson, sa main froide comme celle de ma diva à son retour de promenade. Il y a des débuts de saisons qui ressemblent en leurs mitans, à ces pleins qu'ils annoncent, à quelques heures à peine de la promesse enfuie, bien à la place qu'ils occupent sans frémir, tel cet hiver 'installé comme s'il n'y avait que lui.

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Commentaires

  • Bonjour Bernard, y-a-t-il une suite? J'ai beaucoup aimé l'ambiance de la maison au début du printemps, mais j'avoue que je reste sur ma faim, car j'attendais plus

    Bonne journée à vous

    Marie-Ange

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