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Alvéoles - Le voyage de Judith (9)

Valérie précipitamment quitté Judith, prisonnière dand "l'endroit où l'on fait les rêves dont on ne se souvient pas". Elle se retrouve dans notre monde, où la petite famille est menacée. Mais Valérie refuse d'abandonner Judith à son sort. Son attitude inquiète ses parents.

 

Faustine observa l'infirmière dont le regard s'attardait sur les écrans de contrôle, l'air maussade. Après une hésitation, elle déploya une couverture supplémentaire sur le lit de Judith.
— Elle a froid ? tenta Faustine.
— Trente sept, dit l'infirmière, sachant que cette information était loin d'être confidentielle.
— C'est ça qui m'a fait peur, dit Valérie en serrant le cou de sa maman. Enfin, en partie.
— Quoi donc, ma chérie ? Il faisait froid dans ton rêve, c'est ça ?
— Pas dans mon rêve. Dans Judith.
— Ma puce... Ce n'est pas de ta faute.
— Si. Je l'ai laissée toute seule.

 

(...)

Plus tard, Valérie et sa famille doivent quitter l'hôpital avec précipitation.

(...)

 

Valérie se blottit contre sa maman.
— Tu ne veux pas te reposer un peu, ma chérie ? demanda Faustine. Sur le canapé ? Comme ça tu restes près de nous.
— Je ne suis pas fatiguée. Je n'ai pas envie de dormir.
— Mais tu as encore la grippe. Le repos est le meilleur moyen de guérir, je te l'ai déjà expliqué.
— Je voudrais que Judith guérisse aussi.
Faustine eut un sursaut de culpabilité.
Nous l'avons abandonnée.
— Ça va aller, ma chérie. Elle est à l'hôpital, on la soigne.
— Elle n'est pas à l'hôpital, maman, lui dit-elle d'un ton de reproche. Elle est dans le rêve. C'est là qu'elle a besoin d'aide.
La jeune femme s'assit dans le canapé, sa fille à califourchon sur elle, ignorant que c'était là que Dominique avait transporté sa femme juste après l'attaque des abeilles. Daniel, ne sachant que faire depuis leur arrivée à la bastide, avait empoigné l'aspirateur pour débarrasser le salon, la chambre et la salle de bains des cadavres d'hyménoptères
laissés par les pompiers.
— Raconte, dit-elle, laissant à sa fille tout le champ d'expression possible.
Valérie hésita.
— Je ne me souviens plus bien.
— De quoi ne te souviens-tu plus bien ?
— J'ai vu Judith avant qu'elle ne devienne comme une statue.
— Tu veux dire : avant son accident ?
— Non, dit sa fille, dont la nervosité montait. Dans mon rêve. Je l'ai vue tomber dans la rivière noire.
— Et tu te souviens de ce qui s'est passé ensuite ?
Elle commença à se tortiller sur le ventre de sa maman.
— Non.
Faustine serra sa fille contre elle.
— Ce n'est rien, ma chérie. Tu as zappé ce moment-là ? C'est ça ? C'est comme un cauchemar qui joue à cache-cache dans ta tête ?
— Oui. Je ne veux pas dormir.
— C'est d'accord. Tu peux t'allonger dans le canapé, tu peux te reposer sans t'endormir, comme ça tu ne feras pas de cauchemar.
— Oui, mais...
— Quoi, ma chérie ?
— Mais qui va aider Judith ? Elle va mourir si on ne fait rien.

 

(...)

 

Daniel avait terminé d'aspirer les cadavres d'hyménoptères dans la pièce, au grand soulagement de sa femme et de sa fille. La seconde parce qu'elle avait mal à la tête, la première parce qu'après une telle nuit, même la vue d'une mouche l'aurait fait hurler. Il lui faudrait du temps avant qu'elle ne puisse à nouveau accepter la compagnie de ses propres abeilles.
Valérie s'était allongée sur le canapé. Les yeux fermés, elle tentait de se reposer, mais Faustine, assise auprès d'elle, doutait qu'elle puisse s'endormir. Le visage de sa fille trahissait sa grande nervosité : d'imperceptibles battements de paupières s'associaient à quelques mouvements discrets mais désordonnés au niveau de ses mains, qui
semblaient vouloir saisir quelque chose.
— Ma chérie, je suis désolée que tout ceci nous arrive. Tu n'y es pour rien, tu sais.
Paradoxalement, c'est d'une voix calme et les yeux toujours clos que sa fille lui répondit :
— Je sais bien, maman.
— Je ne voulais pas que tout ceci nous arrive.
— Dominique a dit qu'on est en sécurité ici ?
— Oui, ma chérie, tu n'as rien à craindre.
— Alors Judith est la seule à être en danger ?
— Non, Dominique a dit que les gens qui nous cherchent ne risquent pas de lui...
— Maman, ce n'est pas de ça que je parle !
— Ok, ok, dit Faustine, un peu fâchée que sa fille revienne à nouveau sur le sujet. Mais nous ne pouvons rien faire.
— Il faut la délivrer, dit Valérie après une longue hésitation.
— Comment ? demanda Daniel qui venait de s'asseoir juste derrière Faustine. Tu as une idée ?
— J'ai peur d'y penser.
— Repose-toi, ma chérie, dit Faustine.
— Ma puce, insista-son père, tu ne te souviens pas de ce qui te fait peur ?
— Non, je n'ai pas envie.
— Tu as peur de rêver encore de ça ?
— Oui.
— Et... Tu te souviens de monstre-placard ?
— Daniel ! sursauta Faustine.
— Oui.
— Tu veux que maman...
— Daniel... reprit-elle comme une menace.
— Laisse parler notre fille, veux-tu ? Je crois qu'elle est assez grande pour savoir si c'est une bonne idée ou non. Qu'en penses-tu, Valérie ?
— Je ne sais pas.
— Tu te souviens comment tu lui as donné un gros coup de pied dans le derrière, à monstre-placard ?
— Arrête de lui vendre cette idée, Daniel !
— Moi, je m'en souviens, continua-t-il, ignorant la remarque de sa femme. Vous avez été formidables, maman et toi.
— Mmm... fit la jeune fille, laissant apparaître une petite ride verticale entre ses sourcils.
— Daniel, pour l'amour du ciel !
— Tu sais quoi, ma puce ? Prends le temps d'y réfléchir. Maman et moi allons voir dans la cuisine s'il y a de quoi manger. On peut te laisser quelques minutes ?
— Vous allez vous disputer sans que j'entende ?
Les parents s'échangèrent un regard qui les mit d'accord sur un point : Valérie était bien leur fille, directe comme son père, clairvoyante comme sa mère.
— Nous allons nous accorder, dit-il. Tu sais comment ça se passe.
— Oui.
— Merci ma puce, dit Daniel, invitant Faustine à se lever.
La porte de la cuisine à peine fermée, la jeune femme brandit un index menaçant vers la poitrine de son mari, exactement comme Mimmo l'avait fait envers elle à l'hôpital.
— Daniel ! On ne fait pas ça à la légère !
— Je le sais, dit-il d'une voix calme. Justement. Toi, tu sais comment faire, et je respecte cela. Tu te souviens de notre fille lors de l'épisode de monstre-placard ? De son visage, mangé par les cernes, à force de s'empêcher de dormir ? Dieu sait ce qui se serait passé si tu n'étais pas intervenue.
— Nous n'en sommes pas là.
— Pas encore. Et je sais aussi que tu répugnes à user de ces compétences avec notre fille. Mais regarde les choses objectivement. Jamais nous n'avons vécu quoi que ce soit qui ressemble à ce que nous vivons depuis deux nuits. Notre fille vient de fuir d'un hôpital en compagnie d'un gars qui a mis hors d'état de nuire deux tueurs. Sa maman et son papa ont échappé à la mort. Même si elle ne connaît pas les détails, elle palpe notre angoisse. Et en plus, elle a la grippe A.
— Je sais tout ça, Daniel.
— Elle a cauchemardé à propos d'une femme dans le coma. Crois-tu sincèrement qu'elle va passer à travers ça sans le moindre souci ?
— Ce que tu me demandes de faire n'est pas anodin, Daniel, tu le sais très bien.
— Je sais. Mais tu es une experte, Faustine. Et je te fais confiance. Je ne veux pas que notre fille ait à traîner de mauvais rêves des années durant. Surtout en ces circonstances. D'ailleurs je ne te demande pas de le faire, je te demande de répondre positivement si et seulement si elle te le demande.
— Tu lui as déjà mis l'idée en tête.
— Je lui ai juste rappelé que maman peut l'aider, si elle veut.
Faustine baissa les yeux et sourit doucement. Son mari comprit que la conversation était terminée. Ils revinrent dans le salon où les attendait leur fille.
— Voilà, dit Daniel d'un ton satisfait. Ça va, ma puce ?
— Oui, dit-elle en ouvrant les yeux. Ça a été court.
— Ah bon, tu trouves ? dit Faustine.
— Oui, souvent quand vous vous accordez, vous allez dans votre chambre, et après vous êtes de super bonne humeur. On mange quoi ?

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Commentaires

  • Je fais un appel aux paris: que va-t-il se passer?
  • La patience  récompensée ...merci Eric !
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