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Alvéoles - Le voyage de Judith (12)

Le voyage de Judith touche à sa fin. Abandonnée et immobile, elle se demande qui l'accompagnera au dernier moment.

Valérie, quant à elle, est revenue auprès de ses parents. Mais pour combien de temps ?

 

Daniel interrogea sa femme du regard.

— Dominique va négocier, dit-elle. Il a eu un contretemps. Je n'ai pas de détails, mais il espère encore pouvoir régler tout ça cette nuit.

— On appelle la police ?

— Je n'en sais rien. Il faudrait récupérer le cylindre dans la voiture de Dominique, ce serait déjà ça... Où est Valérie ?

— Je l'ai mise dans notre lit. Elle s'était endormie dans mes bras.

— Je vais la rejoindre. Nous devrions dormir.

— Je vais prendre un anti-douleur et je te rejoins.

Daniel se leva et tendit la main à sa femme pour l'aider à s'extirper du canapé. Elle était épuisée. Il se dirigea vers la cuisine, attrapa la boite de médicaments et se servit un verre d'eau. Son regard se perdit un instant dans les bulles que se formaient autour du cachet effervescent. Il n'avait rien perdu des échanges entre sa fille et sa femme lors de la séance d'hypnose. Lui non plus n'avait pas aimé les exclamations de Valérie lorsqu'elle était revenue à elle. Ce n'était pas comme un simple réveil en sursaut. C'était comme une chute.

Il sursauta à son tour lorsqu'il entendit :

— Daniel ! Je ne trouve pas Valérie !

 

(…)

 

 

Valérie entendait les voix de ses parents, affolées et lointaines. Elle était triste pour eux, triste de les inquiéter de la sorte, mais il fallait qu'elle se concentre. Elle n'avait pas beaucoup de temps devant elle.

Elle se coucha sur le matelas pneumatique. L'eau était fraîche sur son dos. Dans son rêve, il avait fait froid devant et chaud derrière, près de maman. Maintenant c'était le contraire, mais elle n'avait pas le loisir de faire la fine bouche.

La sensation de flottement, en revanche, l'aida beaucoup. Elle plongea ses yeux dans les étoiles qui commençaient à apparaître. Petit à petit, la jeune fille entendit les voix s'éloigner. Ses parents avaient raison : elle n'avait pas vraiment parcouru tout le chemin de retour depuis sa chambre-rêve. À sa grande satisfaction, lorsqu'elle ferma les yeux, elle s'y retrouva immédiatement.

 

(…)

 

Valérie n'entendait plus ses parents. Elle flottait avec Judith, attendant le moment où elle plongerait. Son rêve avait recommencé exactement au début, comme dans un film.

Lorsqu'elle avait parlé avec son papa, elle avait évoqué toute cette tristesse qui avait lesté Judith, à un tel point qu'elle avait fini par plonger dans la boue noire. Vaguement consciente que son corps était resté allongé dans le monde réel, Valérie se dit qu'elle devait ouvrir les yeux au bon moment, car lorsque la vague de tristesse viendrait et emmènerait Judith, elle devrait se cramponner à quelque chose pour ne pas subir le même sort.

Ou carrément me faire emporter à sa place.

Sa maman avait raison : c'était dangereux d'aller là-bas toute seule.

(…)

À la bastide, plus personne n'entendait le téléphone depuis un bout de temps. Daniel et Faustine avaient retourné la maison entière, jeté un œil prudent au chemin menant à l'imposante bâtisse.

Valérie restait introuvable.

 

(…)

 

Valérie était secouée, mais résistait tant bien que mal. Ses parents l'avaient trouvée, couchée sur le matelas pneumatique, au beau milieu de la piscine, et tentaient de ranimer son corps.

Mais elle n'avait pas le droit de s'en préoccuper. Ce qui se passait dans son rêve lui prenait toute son attention.

La vague de tristesse était venue, énorme, implacable, et Valérie s'était laissée balayer par elle, tout comme Judith. Elle ouvrit les yeux. Derrière les nuages qui s'étiraient comme des cirrus sous l'effet de la vague, les étoiles apparaissaient, parfois cachées par les visages translucides de ses parents. Elle aurait bien voulu leur crier de la laisser tranquille, mais ils n'auraient pas compris, et surtout, ce qu'elle redoutait le plus, l'auraient tirée vers eux.

Tournée vers le ciel, Valérie entendit Judith tomber très bas, loin dans son dos. La jeune fille n'avait pas envie de revoir cela, mais elle n'avait aucune alternative : si elle perdait Judith du regard, elle perdrait Judith tout court.

Tournant le dos aux étoiles – elle referma les yeux, ce qui affola ses parents – Valérie plongea au moment même où Judith embrassait l'énorme masse noire.

 

 

Nous voici presque au terme du voyage. Le dernier épisode apportera autant de réponse qu'il posera de questions.

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Commentaires

  • Parfois ce sont les enfants qui nous sauvent du pire...

  • Magnifique ce thème !

    Une plongée sauvetage dans l'astral pour communiquer hors des corps

    avec une femme chère au bord de l'abime de la mort....

  • ... et cela le restera au-delà de la dernière ligne, promis...

  • C'est passionnant, mais plein de mystères...

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