Il est malaisé d’exposer les thèmes du spectacle Alaska orchestré par Patrick Masset. S’agit-il du 49e état des états Unis d’Amérique incorporé définitivement en 1959 ? Certes non… Ni non plus de la fonte des glaces du Pôle et de la détresse des ours polaires, quoique…? Ou est-ce une allusion à la baleine biblique de Jonas, quoique… ? Ou à la mort, toujours blanche, façon Permeke ? … Là on approche, sans brûler d’ailleurs, car c’est du grand genre expressionniste! Voici sans doute une peinture complexe d’états d’âmes, une superposition de réalités rendues au travers de plusieurs biais artistiques qui se chevauchent.
A chacun d’y projeter ses propres obsessions, chimères ou phantasmes. Les modes d’expression confluent : du chant, à la danse, à l’acrobatie dans un cube gigantesque qui joue au rouleau compresseur, aux marionettes grandeur nature, à la chorégraphie de costumes surréalistes et à la pop music. Ainsi l'auteur esquisse et exorcise sans doute des bribes de souvenirs - sanglants - pour la plupart, des bribes de paradis perdu et des lambeaux d’angoisses. Cela ne se raconte pas, ce sont des installations vivantes qui s’évanouissent les unes dans les autres. A la recherche des cadavres perdus dans les placards… ou d’une ritournelle de grand père qui émerge de la glaciation comme dans le film Rainman, où Dustin Hoffman interprète Raymond Babbitt.
Un travail artistique intéressant - la salle était comble - ce qui indique l’intérêt du public pour des expressions avant-gardistes originales de l’émotion primale. Ce que l’on peut retenir en tous cas, c’est une résultante totalement polysémique, à la façon de la poésie, le tout sans paroles compréhensibles ou presque. Du cirque poétique qui table sur le visuel, le musical et le mouvant. Emouvant si on se laisse prendre, hermétique si on reste de ce côté–ci du miroir.
Et la baleine de se tenir les côtes: de blanche, elle est passée au jaune fluo et au strass et paillettes, allez savoir pourquoi!
On n' a pas compris non plus, pourquoi ce spectacle s'est joué à rideau fermé: une sorte de moustiquaire qui filtre la vue sur le spectacle... et gêne la vision. Et ce n'était pourtant pas un filet de pêche!
Intervenants:
Véronique Dumont (jeu, chant), Sébastien Jacobs (jeu, chant, mouvement), Sandra Nazé
(jeu, chant lyrique et répétitrice), Laura Trefiletti (voltige), Julien
Pierrot, Valentin Pythoud (portés acrobatiques) , écriture et mise en scène: Patrick Masset
Commentaires
L'originalité de ce spectacle tient principalement aux portés acrobatiques de trois gymnastes qui
traduisent en équilibres précaires la difficulté d'être, quand la normalité, soit de l'esprit soit du corps, fait
défaut.
Le scénario est ténu; il évolue par petites scènes.
Le raffinement des chants et des éclairages embellit un propos qui, par touches impressionnistes, traite
de la confusion mentale, de la maladie et de la mort; peut-être une voie vers un autre monde ?
Rosanne Lemaire