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Adieu 4

Il déposa son revolver sur la table, Tiens, l’arrêtoir est griffé remarqua-t-il
Tout à ses pensées il ne fit pas plus attention et, se replongea dans la lecture

« Coup de fil, coup de fatigue, coup de grisou. Comment contenir mon angoisse ? Trop c’est trop. Que s’est il passé ?
Je ne sais. Une assertion de trop, un coup de pied, un mauvais jour, un coup de griffe mal placé ? Je ne sais plus. »
Il poussa un soupir, attendit quelque peu et reprit la lettre
« A part une aliénation complète, une décentralisation de la conscience, je ne vois pas comment je pourrais avoir envie de vivre avec toi. Partager ton quotidien. Je t’ai aimé avec faiblesse, avec joie, avec peine, avec des larmes. Aimé contre toute raison, contre toute attente »
Il éclata d’un rire joyeux en lisant ces dramatiques lignes. Aliénation, décentralisation… Fichtre que de mots…. de mots, de mots pompeux !
Il se frotta les yeux et murmura : Il était grand temps que je rentrasse en moi, en mon silence comme le loup en sa tanière l’éléphant en son cimetière. Je suis dans une espèce de nomansland de « non-souffrance » Comment ai-je pu écrire, pire encore, vivre cela ?

Il prit « Le neveu de Rameau « et se perdit dans le silence de la chambre. La musique était de trop, sa perruche était en trop Tout occupé à son séisme intérieur, à ses tempêtes affectives. Et cependant il avait conscience qu’il ne pouvait plus rien lui arriver quand bien même elle eut fait un signe. Il en était guéri, indifférent. Tout lui était indifférent. Il relisait cet amour de jadis avec des yeux de glace.
Quel cheminement avait- il parcouru. Tout ça pour ça ? Il avait vécu dans un état de manque, difficilement concevable. Etait passé par d’intenses souffrances oscillant sans cesse entre le désir de la voir et celui de la fuir.
Il songea, à nouveau, à cette période de sa vie Il sourit amer se concentra sui lui-même comme un boxeur qui esquive les coups de son adversaire Le voici en apnée de pensées perdu dans des abîmes Il songeait à ses afflictions ô combien bruyantes C’est alors que l’idée de la mort commença de l’envahir peu à peu. Il prit grand soin, à présent encore, de rester tout sourire au –dehors. Son âme avait fait un repli sur elle-même L’amour est enfant de la cécité. Il y a presque trois ans, presque trois ans ; il se souvient de tout Etrange jeu de rôle que ce jeu où sur « un chiche » pour « un chiche » el s’était joué de lui. El fut toujours le pion central, certes mais un pion à l’orée du réel, à la frange de toute logique ; ses récits le mettaient en joie. Il prenait notes, au fur et à mesure, qu’elle se racontait, se déboutonnait, se déshabillait. El écrivait des extraits de sa vie intime qu’el lui envoyait rarement il est vrai mais quand el laissait des traces ! A l’époque, il ne savait quelle partie prendre de cette parade amoureuse ou de ce streap tease
Il reprit le manuscrit

« Mon cher, en quel état je me présente à vous ? Les pensées décoiffées, en désordre. Coupable ? Oui, je me sens coupable de l’aimer de ma clandestinité. Mea culpa ; Je suis un misérable voyeur, un voleur de songes, voleur de rêves, je fais figure d’impudent, de mal avisé. Je l’encombre je l’ennuie et si, d’aventure je me tais, El me téléphone ingénue, étonnée de ne point avoir de mes nouvelles tandis que je deviens fou.
Mon ami, je ne puis oublier sa voix grave et veloutée, sa voix creuse où se niche ma déraison. Exproprié de toute sérénité, je m’enfonce dans cette « voix souvenir » aux inflexions chaudes aguichantes
Qu’ai j’affaire de la morale que les autres, les bien pensants me cornent aux oreilles ? Le désir est amoral par essence par nécessité. Il est élan, évasion, fantasme ,liberté et lien. Le désir est invocation, évocation
Je l’aime à cause de nos échanges riches, durs, profonds et rares Echanges coupants comme des brisures de vitres El m’aliène d’un mot ; El me téléphone et me voici. Chose, objet manipulation féerique ; la magicienne fait une OPA sur ma volonté, ma confiance. Je ne connais aucune allégorie assez juste pour vous décrire le souhait de me désaltérer à cette promesse sans cesse renouvelée à cette « O »
Avec vous, mon cher ami, je vais de confession en confession scrupuleusement. Je veux m’exorciser, me délivrer, j’annote mes impressions, j’explique, vous explique ce que je ressens ; commente mes fautes, mes manquements. Souvenirs vilebrequins me rentrent, avec quelle jouissance pointue… dans les chaires. Fine devient ma souffrance tandis qu'el me laisse seul se retirant dans l’ombre et sans l’ombre d’un regret.

Nous sommes amants par la pensée, par le désir, notre alliance secrète m’étourdit, m’effraie ; j’aime et j’ai pour amante une pièce à conviction, un fantôme, une ressemblance, un reflet un effet de lumière
Révèle- moi mon Absente, ma Dédaigneuse. Révèle- moi, Arbre du fruit défendu. Nouveau Testament de tes désirs. Ouvre- toi Indique- moi et, l’Eden et, le Péché originel. Laisse- moi te frapper à l’enclume de ma passion, à l’emblème de ma folie Laisse- moi te marquer à mon effigie pour jamais modelée monnayée
Je me vêts de rêves licencieux, bleus comme des hématomes de nos « nuits clos »

Il déposa la lettre avec un sourire. C’est fou. Pour un peu il se croirait lui-même, se prendrait au sérieux
Oui, il me faut écrire le mot « FIN » murmura-t-il déposant son revolver dans un tiroir à portée de main.

 

andree colon

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