Il soupesa son revolver pendant un bon moment tout en remarquant que, somme toute, il n’était pas bien lourd et cependant…Il en estima le poids soigneusement
….C’était bien une arme, une arme à feu qu’il détenait sans permis
« La où croisent les rayons qui naissent de l’ardeur »
« Vos yeux Béatrice sont le repos du désiré
« Ma Dame donna l’aile à ma volonté »
« Je la regardais comme l’œil du chasseur suit le vol de faucon »
Il resta deux bonnes heures à se perdre, ce complaire dans « La Divine comédie » Il savoura cette joie solitaire Quel besoin de partager ses sentiments ? Foutaise que cela ! La communion des âmes… Les autres ? L’Autre dans le regard du quel je me reconnais… L’Autre n’était qu’un fieffé menteur qui ne lisait les livres par kilo « Vous avez aimé untel ? Allez ! Moi, je ne l’ai jamais lu. Vous avez-vu le volume ? Gros hein ? Il parlait d’un livre par vantardise, lisait un livre comme on lit une sténographie alors que lui, parcourait, voyageait entre les pages, sautait un passage, comme on saute un ruisseau. Se baignait dans tel chapitre qu’il relisait mainte fois; un autre qu’il soulignait avec grande joie, profonde émotion ou émerveillement, c’était selon Il conversait avec un livre.
On ne sait jamais si Dante s’adresse à Béatrice, à Marie, à Dieu se dit-il soudain changeant brusquement le cours de sa pensée
C’est astucieusement bien ficelé pour parler de sa libido. Quoi de plus délicieux que de boire les larmes du Seigneur.
Le voici devant sa bibliothèque placard Les livres était dans un placard, à cause de son allergie à la poussière Il ne possédait, u demeurant, pas une bibliothèque à proprement parlé mais un fatras de livres qu’il connaissait un à un.
« Cha0grin d’amour de Jean Edern Hallier « Impossible de parler de ce livre avec âme qui vive ; à croire qu’il ne s’entoure que d’imbéciles Dès qu’il prononce « Chagrin d’amour » Ne dure qu’un instant… La vieille rengaine avait la peau dure ! Il citait Edern Hallier! Tu parles d’un emmerdeur ! Hier soir, chez Pivot….. Sur le livre, pas un mot Ils n’avaient jamais lu une ligne de l’emmerdeur.
Tout en songeant à cela il s’habilla pour faire ce qu’on attend de lui : Sortir, sourire, voire rire, parler, tandis qu’il a l’impression de s’évanouir au-dedans. Il se rêve, se voit en bordure de la raison, de cette réalité qui lui pèse tous les jours un peu plus Le vide est lourd à porter. Avec l’âge, on perd de plus en plus les êtres qui nous sont chers
L’après midi
Il reprit avec délectation sa lecture son manuscrit qu’il corrigeait pour se donner bonne conscience en fait, il se réécrivait se ré-aimait pour la dernière fois il faisait le point. C’est le cas de le dire
12 février ! Un an déjà, un an seulement. Il y était retourné mais seul cette fois dans cet établissement. Leur table était libre Deux théières deux tasses, un cendrier plein. La table, leur table. La chaise, sa chaise. Il notait ces détails tout en constatant qu’il n’aimait pas le thé 12 février, un an déjà, un an seulement qu’il passe et repasse, chaque semaine, devant cette table. Leur table Comment faire son deuil dans de ces conditions ? Au demeurant il ne désirait nullement faire son deuil ; Se muter, oui Se transformer, certes. Renoncer ? Jamais. Il ne suffit pas de clamer : Je te veux, viens. Je ne te veux plus, casse toi.
Les souvenirs lui reviennent à un rythme endiablé en sarabande folle. Le voici proche de l’auto admiration.
Comme j’ai grandement souffert tout de même et, avec quel panache ! Ah ! Ce premier soir du mardi 12 février ! C’était un mardi jour, de scrabble.
Il s’arrêta de lire ; il ne ressentait rien resta songeur. Que d’idioties ! Tout cela pour écrire ces satanées trois cents pages, pour imiter Diderot Rien que cela. Diderot écrivait ses romans en jouant les scènes au fur et à mesure. Il avait fait de même. Jamais dans la vie courante il n’eut toléré la moitié de ce que cette fille lui a fait subir Jamais il n’eut permis que l’on se moqua de lui de la sorte Il alla même jusqu’à créer les rebondissements si, d’aventure, le rythme ralentissait encore qu’avec elle, cela ne se pouvait ; elle parlait tellement et, toujours d’elle ! Son thème favori étant « son viol par son père » Avec quels détails, avec quel soin de précision, avec quelle analyse fine elle décrivait ce viol, pas tout à fait un viol, mais un viol tout de même. Elle le racontait, ce viol, avec quelle souffrance immense !
Il lui avait dit que le 12 février de l’année suivante ce serait la fin de « La Dame en Mauve » Elle savait et jouait l’étonnée pour ne pas changer. Elle était la victime comme à l’accoutumée
Il lui avait dit : Nous allons écrire notre histoire pendant un an. Il avait tenu parole avait terminé ses trois cents pages et… Et puis…. Etait- ce une expérience enrichissante ? Se demanda-t-il ? Certes, presque toutes les personnes qui l’on lue aiment « La Dame en Mauve » Tout le monde s’y reconnaît. Que de fois avait-il perdu le « Nord » en écrivant leur histoire ! Que de bourrasques, de gros vent, de gros sel ? Il se souvient. D’El se racontant sans arrêt et Jeanine et Ma mère et mon fils ; tout devenait dans sa bouche flaubertien, dantesque. Elle était dans l’horreur, le sadisme, magnifique de prestance.
Cher Magnum silencieux Son amour de jadis Il nota en rouge
« Ce n’est pas la victoire qui rend l’homme beau c’est le combat. »
Ce qu’il devait être beau alors sublime Il se sourit avec complaisance à cette idée El sa Silencieux, sa Capricieuse qui a toujours confondu attente et abandon, pause et silence, volonté et caprice
Tout cela est bien charmant se dit-il avec un soupir Victime effarouchée, cible de ses harcèlements !
Incroyable qu’il ait pu gober cela. Il se voyait accusé d’harcèlement avec des petits cris ravis « Jamais jaaaamais je n’oserrrrais faire cela affirmait-elle elle ? Non, elle couchait avec son petit papa et criait au viol
En ce moment, dans sa chambre la radio joue la Veuve joyeuse qui implore, elle aussi, de sa belle voix de contre soprano
Ne jouons pas avec le feu car on se brûle toujours un peu
Elle chante, crie, supplie, elle aussi et met en garde
Ne jouuuuuons paaaaas avec le feuuuuuu
Ses pensées, telles des chauves-souris, restent pendues par les pattes dans une obscurité affective des plus profondes
Grande purgation de l’âme il fait table rase de tout émotion ; il hiberne depuis longtemps Rainbow Warri or le voici coulant par le fond Combat naval inégal. Il se revoit renard pris au piège et rongeant sa patte Il se raconte dans le désordre décrit ses silences hachoir, silence tranchoir qui vous coupe les ailes en plein vol. Elle la grande castratrice. Il se souvient des périodes de grande glaciation affective ; à présent, il demeure dans un automne permanent
« La Dame en Mauve » l’emmena sur Pégase Arbrisseau au vent de l’indifférence des autres il se courbe, balance songe à ..Dans pas longtemps, très longtemps, mais, cette préparation lui redonne le courage de survivre
Il fut un vulcanologue de la vie, de sa vie grondante, fumante, tremblante. Hé oui, il voulait les choses, les gens à fond jusqu’à l’ultime. Il désirait des aventures irraisonnées irraisonnables avec un zest d’abandon, un friselis d’audace, un soupçon d’astuce. Il fulminait, fumait à grosses volutes blanches. Il se souvient de ce temps-là, de cet amour-là Il désirait ce qui précisément l’effrayait et tout l’effrayait Il aime la certitude et elle était brouillard Il est roc elle était nuage qui s’enroule. Il disait je veux elle répondait « Je crois » Il disait : A demain elle répondait « On verra bien » Elle était sa piste d’envol, son égérie, moteur de vie Elle le voulait girouette… Du haut de son clocher il grinçait au vent de ses caprices
Tino Rossi succède à Rina Kyty Il entend malgré lui la radio
« La Dame en Mauve » Ses mots se chahutent en lui l’obsède. Il entend, en ce moment précis ses mots-bourreaux, mots cisaillant ses attentes. Temps -Rêve. Temps-Chimère. Temps-Poésie Il découpa ses souvenirs au scalpel tout en demeurant chloroformée.
Il était 10H Il lui fallait sortir, hélas ! En soupirant il remit son revolver dans le tiroir en haut, à droite.
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