Alors que l’appétit de culture n’a jamais été aussi vif, et que son corollaire, la valeur fiduciaire des oeuvres, pèse de plus en plus dans la politique culturelle, Roland Recht revient sur les fondamentaux : à quoi sert l’histoire de l’art, et a fortiori, l’historien de l’art ? Une réflexion urgente à l’heure de la mondialisation culturelle.
Un entretien avec Roland Recht, professeur au Collège de France, membre de l’Académie des inscriptions et belles-lettres.
(document Canal académie) (durée d'écoute: 41 minutes)
Commentaires
Bonsoir,
Les propos de Roland Recht sont parfaitement justes !
Et il était grand temps de les diffuser. L'Histoire de l'Art est de plus en plus menacée. Cette situation se retrouve dans le monde de la culture en général, en ce sens qu'elle n'est plus aux mains de personnes de culture mais bien entre celles de gestionnaires. Il faut y prendre garde avant qu'il ne soit trop tard.
A "mon époque", lorsque j'étudiais l'Histoire de l'Art à l'université, celle-ci était considérée comme l'ensemble d'une série d'étapes de la pensée humaine. Mon cauchemar est celui d'imaginer une Histoire de l'Art essentiellement basée sur les "artistes" à l'origine des meilleures recettes du marché de l'Art.
Un sabotage annoncé se profile ! Le discours de Roland Recht est extrêmement pertinent, particulièrement lorsqu'en parlant de la conception de l'Histoire de l'Art en France, celui-ci évoque l'Italie par rapport à la politique culturelle (laquelle, il faut bien l'avouer, est également en train de changer et pas pour le mieux !).
Il ne faut jamais perdre de vue qu'en Italie, le discours sur l'Histoire de l'Art, à la fois technique et esthétique, est le fruit de la symbiose entre les esthètes et les artistes. A titre d'exemple, la Renaissance italienne a connu son "best-seller" avec LA VITA DEGLI ARTISTI (LA VIE DES ARTISTES) de Giorgio Vasari (1550), l'un des esthètes majeurs de son époque. Bien plus tard, Leonardo da Vinci publie son TRAITE SUR LE PAYSAGE. C'est dire que le discours sur l'art est avant tout une entreprise partagée, car il englobe, non seulement l'art en tant que tel mais aussi l'Histoire, la religion et la philosophie, en tant que catalyseur social.
Roland Recht se fait la réflection, à savoir qu'il n'existe pas en France une institution telle que l'Ecole des Chartes par rapport à l'Histoire, pour prodiguer l'enseignement de l'Histoire de l'Art. Et il le déplore. Faut-il réellement le déplorer ? Je ne sais pas. Néanmoins, ne perdons jamais de vue que l'Histoire de l'Art s'imbrique dans l'Histoire stricto sensu car l'objet demeure le même, à savoir la société. L'Histoire de l'Art analyse la société à travers l'art et l'art à travers la société. L'oeuvre d'art devient pour l'historien l'outil dont la valeur est égale à celle du parchemin. Lorsque j'étais étudiant, j'étais convaincu de faire de l'Histoire, ni plus ni moins. D'ailleurs, l'étude scientifique de l'art se base, entre autre, sur la méthode de la critique historique. C'est dire qu'entre l'Histoire et l'Histoire de l'Art, la ligne de démarcation a toujours été extrêmement ténue.
Roland Recht invoque à la fin de l'entretien un respect mutuel entre l'Histoire de l'Art et le politique, tout en insistant sur le rôle de l'art dans le développement de l'esprit critique. Cet esprit critique se réalise essentiellement dans le décodage de l'image : ce qu'elle cache derrière le miroir. Cela me semble plus un voeu pieux qu'autre chose car le politique se nourrit essentiellement de l'image (quelle que soit sa nature) pour se représenter.
Sans vouloir forcément dramatiser les choses, comment le nazisme aurait-il pu accéder à son apogée sans la collaboration effective d'une Leni Riefenstahl ou d'un Veit Harlan ?
L'émission que l'on vient d'entendre est un acte courageux ! Et je suis personnellement heureux de voir que finalement des voix s'élèvent pour préserver la société de calamités futures !
Bonne soirée,
François.
Demain, je prends le temps d'écouter jusqu'au bout...promis...