EFFLEURESSENCES
de Stephen Blanchard par Christian AMSTATT
Le 25 juin 1857 paraissait sans fanfare un recueil de poésie intitulé : Les Fleurs du Mal d’un certain Charles Baudelaire. 2 mois plus tard, l’auteur était condamné pour outrage aux bonnes mœurs et à la morale publique avec amende à la clé et l’obligation de retirer 6 poèmes. Pour le poète-architecte qu’était Baudelaire, cette blessure intérieure due à cette condamnation ainsi que la mutilation du recueil ne se guérira jamais. Il fallut attendre 92 ans pour qu’il fût reconnu comme l’un des plus grands et que son œuvre fût restituée dans son était d’origine.
Aujourd’hui, un poète contemporain, Stephen Blanchard, a, par le pouvoir de son imagination, revu complètement 40 poèmes de Baudelaire, avec leur titre, (sauf1) dont 10 ne figurent pas dans le recueil initial de 1857.Il ne reprend également aucune des 6 pièces condamnées.
Et c’est ainsi que peu à peu, patiemment, va s’élaborer un recueil qui n’est en rien une copie, encore moins un plagiat du maître.
Ce recueil de Stephen Blanchard s’intitule Effleuressences comme « Et Fleur…Et Sens » On retrouve ce que Charles Baudelaire a recherché toute sa vie : extraire la beauté du mal le plus profond, retrouver le nouveau, la sensualité des parfums les plus rares dans ce qui est le plus négatif pour transcender le plus précieux métal, celui de la poésie pure « Je savoure à loisirs ces fragrances lointaines / aux arômes subtils délivrés par centaines / D’une belle aventure apprise à chaque port ». (Parfum exotique)
Stephen Blanchard réussit le tour de force de donner à ses poèmes l’esprit baudelairien, avec une précision quasi chirurgicale pour ce qui concerne la forme, respectant toutes les contraintes de la poésie classique, cette forme si chère à Baudelaire. Les images d’une grande beauté s’enchainent tout au long du recueil :
« Mais moi, pourrais-je encore effeuiller quelques rimes / Quand mon regard ardent se perd dans les abîmes / Et que l’étoile luit dans la langueur du soir ? » (Le possédé)
« J’ai délaissé mes vers sur une île lointaine /Condamnant à l’exil mes rêves les plus fous ». (Les Ténèbres)
« Dans ce tendre secret que nous emporterons, / Comme un beau souvenir dont nous nous souviendrons, / Pour rester réunis sous la même chapelle » (La Mort des Amants). Par exemple, cette « nouvelle Mort des Amants », ressuscitée par Stephen Blanchard, n’est-elle pas l’essence même du maître Charles Baudelaire, si bien qu’on en arrive parfois à ne plus savoir lequel des deux est l’auteur du texte qu’on a sous les yeux. Comme la confrérie des compagnons du devoir et du tour de France, tombée dans l’oubli ces dernières années jusqu’à ce qu’on redécouvre à l’occasion d’un évènement tragique qu’elle est indispensable, Stephen Blanchard se présente comme un compagnon du devoir de poésie, notamment de la poésie classique (qui n’est pourtant habituellement pas vraiment sa spécialité) qu’on donnait récemment comme ringarde et moribonde, et qui rayonne à nouveau, dans un Baudelaire revivifié et plus éclatant que jamais.. Stephen Blanchard mérite de reprendre à son compte ces deux vers de Charles Baudelaire ;
« O vous, soyez témoins que j’ai fait mon devoir
Comme un parfait chimiste et comme une âme sainte ».
EFFLEURESSENCES de Stephen Blanchard, un recueil à lire, un recueil à vivre, un défi à la poésie !
Christian AMSTATT
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