" Contente-toi de savoir que tout est mystère :
la création du monde et la tienne,
la destinée du monde et la tienne.
Souris à ces mystères comme à un danger que tu mépriserais..."
( in 'Rubaiyat', par Omar Khayyãm, algébriste, astronome, philosophe et... libertin (Perse, Xe siècle)
Babakar Samb, issu d’une famille d’artistes de père en fils, musicien, danseur, chorégraphe et jeune dévoreur de feu a enflammé récemment les planches du théâtre de la Clarencière à Bruxelles avant d’aller s’éclater au 17e festival du Verbe Fou à Avignon cet été. Une coproduction avec L'Arbre à Palabres - Sénégal
Artiste international, Babakar s’est produit en Suisse, au Maroc, en Tunisie où il a donné de nombreuses master class.
Lors du festival , il interprétera sa nouvelle création avec la danseuse française Sabine Resenterra éprise de danse traditionnelle sénégalaise. Il pratique autant la danse contemporaine, que spirituelle ou traditionnelle sénégalaise. Il vient d’atterrir du Sénégal où il opère d’hôtels en hôtels avec une troupe passionnée de griots. Rien à voir avec nos cerises bien sûr, mais avec une très ancienne caste de bardes africains, nantis d’une mystérieuse aura de culture orale séculaire et interdits de mariage avec les autres membres de la communauté du village. Chants, danses, percussions sonores et fracassantes se déploient, exprimant tous les états d'âmes, de la berceuse à la chanson de geste. Ils accompagnent toute célébration du village, des fêtes de mariage aux joyeux rites funéraires empreints d'animisme où le culte de l'hommage, du souvenir, de la transmission et l'envoi du défunt ... dans la Vie, sont absolument primordiaux.
Le Sabar est un tambour sénégalais. Musiques et danses du Sabar ont rythmé la vie de Babakar depuis sa plus tendre enfance. Son incontournable trio : Danser, taper, chanter est son mode d 'expression par excellence, il se greffe sur l'art de la communication ancestrale. En dépit de notre ultramoderne solitude technologique, faisant fi des téléphones portables, le jeune artiste défend des pieds, des mains et de la voix la tradition et le patrimoine Wolof contre les assauts de la modernité. Et le tout en français dans le texte écrit par Fabienne Govaerts, puisque c’est dans la lingua franca qu’il se raconte.
Il est vrai qu’au Sénégal, c’est surtout la musique qui fait le lien, célébrant par le langage du corps et de la sensualité la trilogie emblématique du lion d’Afrique, du baobab et de l’oiseau mythique, la spatule africaine. Du temps des royautés africaines, le lion était l'animal symbolique du pouvoir puisque le roi était roi-lion-soleil-dieu. L’extraordinaire baobab, énorme et majestueux est encore lieu de réunion et de parole dans les villages, le marabout interdit d'ailleurs de le couper. Néanmoins, depuis Léopold Senghor il ne sert heureusement plus d’isoloir funéraire pour la caste des griots, considérée alors comme inférieure, ce que le poète président, en plus des dangers d’épidémies … tenait fermement à abolir.
Babakar séduit et étonne avec sa danse fulgurante, très verticale, d’une incroyable souplesse et d’une énergie physique et émotionnelle qui mettent en lumière toute la persistance de la gestuelle africaine traditionnelle. L’histoire contée, est celle d'une rencontre surprenante. Elle est conte de fées et histoire vraie, une étonnante communion d’esprit et de cœurs. Une aventure humaine qui tient du sacré.
L’homme grand, mince et svelte, en transes sous ses cotonnades africaines, se métamorphose au fur et à mesure du spectacle. Le corps vêtu de coquillages et de grains de café porte-bonheur intrigue et bouleverse comme un arbre musclé indéracinable. Il développe une énergie fabuleuse, touche au sommet de la vitalité. Rubans et tresses brûlent la scène en un feu d’artifice corporel éblouissant: c’est le Mystère. Et puis soudain, c'est la nuit qui tombe, sur ce voyage extraordinaire.
En juillet 2023, à
Avignon au théâtre Le Verbe Fou pour un 17ème festival !
17ème Anniversaire
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