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Publications de Yvette Hulin (83)

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LA GRENOUILLE COQUINE ET L'ANDOUILLE REVEUSE

Une grenouille s’est installée dans mon étang

Si je l’embrasse deviendra-t-elle prince charmant ?

Une grenouille me jette un regard conquérant

Installée sur la tête de l’hippopotame dormant…

 

Elle me regarde fixement et coasse tant et plus

« Je suis ici chez moi, c’est toi l’importune »

« Prince, peux-tu me dire en quoi t’ai-je déplu ?

Tu es pour moi symbole de bonheur et fortune. »

 

« Es-tu folle ? Jamais tu ne poseras les lèvres

Sur ma bouche visqueuse et déjà promise »

« Grenouille, mes journées sont si mièvres

Deviens mon prince et je serai ta marquise »

 

Devant tant d’insistance, la grenouille agacée

Fait un plongeon dans l’eau et en trois brasses

Rejoint la rive.  Et comme je m’étais penchée,

M’embrasse goulûment, mais rien ne se passe.

 

« Pouah ! Cette odeur et cette langue visqueuse !

Tout ça pour rien et encore pour bien moins ! »

« La vie n’est certes pas un conte, malheureuse.

Pour trouver ton prince, poursuis ton chemin. »

 

 

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RÊVE DE BONHEUR... OU BONHEUR DE RÊVER?

Un hurlement bref et strident déchire ma nuit et par la même occasion, la nouvelle page de mon bonheur…

Cela n’avait pas été facile de le convaincre… Mais doit-on convaincre quelqu’un de vous aimer ? J’aurais dû le savoir mais depuis le temps que j’en rêvais, je savourais pleinement ma victoire. J’étais enfin dans les bras de mon Enchanteur.

Pourtant, j’avais fini par perdre tout espoir de faire chavirer son cœur. Il avait été clair depuis le début mais les sentiments sont plus forts que la raison. Au fond de moi, je savais. Mais je vivais de cet espoir que, seule la vie, vous permet de conserver. Certains en sont détruits. Moi, il m’avait permis, au contraire, de me reconstruire.

Et pourtant, même si sa politesse -ou plutôt sa gentillesse-  naturelle l’avait empêché de prononcer les mots, il avait pensé très fort : « Entre nous, il ne se passera jamais rien ». Au fil du temps, j’avais fini par en prendre mon parti. Mais au fond de moi, tout au fond, bien tapi, l’espoir qu’un jour…

J’avais d’ailleurs fait l’expérience que, lorsqu’on veut vraiment quelque chose, on l’obtient toujours.  Et pourtant, j’avais été la première surprise quand, après mûre réflexion, il me prit dans ses bras et m’embrassa.

J’aurais tout de même dû me méfier de la présence de mes parents dans la maison de ma grand-mère. Elle était décédée depuis des années. Je n’en avais pas été particulièrement triste parce que le courant n’était jamais vraiment passé entre elle et moi. Sa maison avait été vendue mais ils y étaient revenus. Cela avait d’ailleurs toujours été le souhait de maman. Mais pourquoi, nous, étions-nous là ? Il n’y avait pourtant aucune raison particulière à cela. Mais je ne m’étais pas trop posé de questions et je savourais le bonheur d’être parvenue à faire sombrer ses dernières réticences…

Notre rapprochement s’était alors fait tout en douceur, très subtilement : balades la main dans la main, longues papotes et discussions au coin du feu, sorties animées et vie de couple débutant… Ce soir, nous nous retrouvions sur une plage vivant intensément le coucher de soleil, ma tête posée tendrement sur son épaule. La lune allait plonger dans la mer quand… Subitement, ce hurlement de bête blessée !

Je me suis redressée, le cœur pris dans un étau et mon Enchanteur disparut aussitôt que j’aie ouvert les yeux. Un de mes petits chiens avait, lui aussi, rêvé. Comme il ne se réveillait pas, je l’ai secoué, le sortant de sa peur. J’étais patraque et triste…Tout cela n’était qu’un rêve merveilleux. Je me sentais trop mal pour me recoucher et essayer de le reprendre là où il s’était arrêté.

 

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RAYMOND POULIDOR... L’ÉTERNEL SECOND...

C’est ainsi que mon grand-père avait coutume de m’appeler. Il aimait donner des surnoms aux gens qu’il côtoyait. C’était chez lui une seconde nature. Ca avait lieu de m’agacer prodigieusement ainsi que d’autres mais qui aurait osé le lui dire ? Certainement pas moi. Il n’était pas homme à accepter la critique.

Et puisqu’il n’avait pas d’autre projet pour moi que celui d’épouser un gentil bonhomme pas trop compliqué, sérieux et travailleur, je n’avais pas à accomplir d’autres prouesses que celles de devenir une bonne ménagère.

Dès l’école primaire, j’avais acquis mon statut de deuxième… Non pas que la première ait eu plus de neurones que moi. D’ailleurs, elle avait été prise un jour à tricher sur ma « composition », comme on disait à l’époque. Elle avait rétorqué à l’institutrice stupéfaite qui lui en demandait la raison : « parce qu’elle est bien plus intelligente que moi ». On ne la prit plus jamais en faute. Elle et sa cousine s’étaient arrangées pour me coincer à la récréation et me donner une « bonne leçon »… A partir de ce jour-là, quand je constatais que je pouvais la dépasser, je m’arrangeais pour commettre la plus stupide des erreurs au grand dam de ma grand-mère qui, m’échauffait alors les oreilles en me traitant d’idiote. Mais au moins, elle, ne m’a jamais frappée…

J’avais donc trouvé la place qui me convenait. Cela a continué dans toute ma vie. Je me devais de ne jamais montrer une quelconque supériorité. A la dernière école que j’ai fréquentée contre mon gré et que je n’aimais pas du tout puisque j’aurais voulu intégrer une école normale, j’étais même devenue une élève très moyenne. On ne m’en demandait pas plus. Mon grand-père avait décrété que j’avais atteint mon maximum et que je devais me consacrer à accepter la situation, trouver un boulot (le chômage était pour lui synonyme de fainéantise), apprendre les rudiments du ménage et épouser un brave jeune homme que lui et sa femme avaient repéré…

Et j’ai suivi le mouvement… Il était effectivement très gentil et s’était mis à m’aimer dès les premières rencontres. Et comme personne ne s’était intéressé ainsi à moi jusqu’alors, je me suis doucement laissé bercer par son amour inconditionnel. Là aussi, j’étais la seconde : il avait été fiancé pendant six mois et elle était « décédée inopinément » d’une encéphalite virale.

Et c’est ainsi que j’ai entrepris ma première rébellion : si je ne pouvais lutter contre une morte, je ne voulais plus de cette place de seconde. Il n’était pas question qu’il l’oublie mais je refusais les comparaisons incessantes et involontairement cruelles de ma belle-mère. J’ai donc tout fait pour être la seule et unique dans son cœur. Et j’ai réussi au-delà de toute espérance.

Quand l’enfant parut, nous n’y étions pas préparés. Il était trop tôt pour nous qui pansions nos blessures… Mais nous l’avons aimé dès ses premiers cris, mal sans doute puisque je continue d’en payer le prix.

Je n’ai d’ailleurs jamais été la première dans son cœur. D’un côté, mes grands-parents voulaient recommencer le kidnapping qu’ils avaient commis avec moi et de l’autre, maman voulait s’en venger… Ils me qualifiaient d’ailleurs de mère indigne… Et moi, j’acceptais parce que je ne voulais pas leur ressembler : je refusais de l’étouffer et il fallait à tout prix qu’il devienne très vite responsable et clairvoyant pour échapper à leurs griffes. J’ai échoué… un cerveau d’enfant est très malléable. Et je n’ai pas toujours su faire les bons choix. Je m’en mords les doigts en espérant qu’un jour viendra…

Pourtant peu à peu, l’amour, miracle de la vie, carburant de tous les possibles a réussi à me faire atteindre la première marche du podium… Devenue l’essentielle, le pilier, la bouée du seul être qui avait su mettre en valeur ma beauté intérieure, mon intelligence et ma capacité de me donner entièrement. Pour lui et par lui, j’ai pu faire tomber tous les voiles hideux qui m’engonçaient et m’empêchaient d’être moi-même.

A sa mort, j’ai vite chuté de mon piédestal. Refusant de danser avec le chaos, j’en ai choqué plus d’un. J’ai vite été reléguée au second rang. Et j’ai continué de cultiver cette idée puisque dès le début j’avais été conditionnée pour être le Raymond Poulidor de la vie. Mais vu que j’avais goûté à la première place et que je n’avais plus reçu de raclée depuis que j’avais quitté mes grands-parents, redevenir seconde ne me convenait pas… Après quelques recherches, j’ai trouvé un remède qui m’a permis de retrouver la place qui me revenait : l’essentielle de… moi-même. En effet, comment aimer vraiment si on ne s’aime pas assez soi ?

Ce remède, la sophrologie, n’est pas sans risque : on finit toujours par se sentir bien, sans complexe et dévêtue de la mauvaise peau qui empêche d’être soi. On peut en prendre autant qu’on le souhaite sans risque d’overdose. C’est devenu pour moi un véritable art de vivre.  Je me suis métamorphosée en (bonne) égoïste, me ménage et me respecte. Je ne force personne à m’aimer mais ceux qui ne me détestent pas constatent avec plaisir que ma transformation m’a véritablement épanouie… J’ai toujours autant d’amour à donner. Mais je le distribue différemment, plus intelligemment… Ma vie est ainsi devenue plus colorée, mon univers plus magique et mon rire vrai.

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De fleurs, de chants d'oiseaux et de papillons...

Des bouteilles à la mer s’échouent parfois sur des plages ensoleillées d’îles paradisiaques mais complètement désertes et trop éloignées… Elles restent lettres mortes pendant des années.

Ma bouteille à la mer n’a pas dû voguer longtemps pour que des messages de sympathie me parviennent sous toutes les formes et de partout à la fois.

Nous vivons à l’ère de la communication et parfois, nous ne savons plus ni communiquer ni prendre le temps de nous arrêter… Mais lorsque les ordinateurs, téléphones et gsm deviennent vraiment des outils d’échanges en tous genres, alors, oui, rien n’est plus beau que ces trois ou quatre petits mots : « je pense à toi » ou bien une longue conversation ou tout simplement une petite papote agrémentée de gazouillis de bébé.

Aujourd’hui, je me suis sentie aimée et soutenue. J’ai reçu des photos de fleurs, de papillons et d’oiseaux annonciateurs d’un printemps proche et serein. Mon vieux PC est devenu complice d’échanges amicaux des plus chaleureux.

Liliane a activé son réseau et tous m’ont pris par la main pour danser une farandole autour d’un feu d’amour et de générosité. Il a fait fondre la neige qui emprisonnait mon cœur et mon esprit.

Ce soir, quand je fermerai les yeux, je rêverai d’un demain ensoleillé fait de sourires, de chants d’oiseaux, de fleurs et de papillons.

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UNE BOUTEILLE A LA MER...

Je jette une bouteille à la mer…

Qui me répondra ?

J’avais joyeusement fait mon deuil du menu présenté par un trop long hiver : zakouskis de grésil sur canapé et ses accompagnements (tisane-télé-bougies-pull polaire) ; vol-au-vent en entrée accompagné de pluie millésimée ; plat principal monté en neige et ses frimas ; et en dessert, dérapage sur glace et flambée dans la cheminée…

J’avais remis un peu de couleur dans mon petit univers. Les oiseaux qui continuaient à me faire la sérénade pour un peu de pain et quelques graines commençaient à me présenter à leurs fiancées…

J’avais la tête pleine de projets… Quand on vit l’hiver en louve solitaire, on a le temps de rêver… Cela aide à ne pas hurler à la lune, à ne pas lui crier la douleur du froid qui vous emprisonne le cœur, à ne pas chavirer…

La météo qui ne se trompe plus jamais, nous avait pourtant prévenus de cette nouvelle offensive de l’hiver… Je m’y étais donc préparée. Et pourtant, ce matin, je suis totalement désespérée, les yeux humides et le cœur prit une nouvelle fois dans l’étau de la solitude…

J’attends vainement une sonnerie stridente du téléphone qui me sortirait de ma torpeur, un coucou amical écrit vite fait sur un réseau social, un petit message qui me ferait imaginer que, quelqu’un quelque part, pense un peu à moi… Mais le monde continue de tourner et aujourd’hui, je ne suis pas invitée à participer à son évolution.

Alors, comme d’habitude, je me tourne une fois de plus, vers mes petits compagnons qui m’observent en se demandant ce qu’ils pourraient bien faire pour me consoler.

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EMMENEZ-MOI (extrait de "Je suis vivante")

Emmenez-moi… lalala la… Emmenez-moi au bout de la terre
Emmenez-moi au pays des merveilles
Il me semble que la misère
Serait moins pénible au soleil (Aznavour)

 

Je suis devant ma fenêtre, un thé à la vanille me réchauffant les mains crispées sur le mug… Les flocons virevoltent… Un merle affamé se repaît des morceaux de pains que j’ai déposés dans la caisse clouée sur le mur en face… Nous nous regardons longuement… J’ose à peine respirer pour ne pas l’effrayer… Il continue de me regarder mais la faim est plus forte et il finit par se remettre à manger tout en m’observant du coin de l’œil.

Le temps de finir mon thé… Merveilleux instants de bonheur simple et paisible… Et je continue à vaquer à mes occupations. L’oiseau est toujours là. Il a arrêté de manger mais il reste quasi roulé en boule pour se protéger de la neige. Il s’est rendu compte qu’il ne courait aucun danger avec moi. J’explique à mes petits chiens, un peu impatients d’aller jouer dans la neige, qu’ils doivent attendre avant de sortir. Le simple fait d’ouvrir la porte l’effraierait et le ferait s’envoler. Je souhaite prolonger encore ce bonheur éphémère.

Je suis heureuse et pourtant, ces moments là, qui font partie de mon quotidien, ne me suffisent plus. Depuis quelques temps, je sens l’appel du large… Quelque chose en moi aspire à plus : plus de sensations, de couleurs, de tendresse… de vie !

Je me suis créée un pays des merveilles pour me protéger et ne pas sombrer mais il est temps pour moi, d’être enfin la véritable héroïne de ma vie. J’ai failli la perdre, elle m’est précieuse. Je vais en prendre grand soin…Je vais enfin vivre.

Pourtant, autour de moi, rien n’a changé, tout est toujours aussi gris : le temps, les finances, les visages… Mais quelque chose de coloré a explosé en moi et ne supporte plus cette solitude que je me suis imposée. La peinture de mes murs n’est plus suffisante. Je veux voir d’autres paysages… Ensoleillés de préférence… Et aussi le soleil dans d’autres yeux… Et la chaleur dans de nouvelles étreintes… Et la douceur d’autres lèvres sur les miennes…

Emmenez-moi, la lala lala…

 

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Extrait de "JE SUIS VIVANTE", mon prochain bouquin.

Une vie bien ordinaire (la suite...)

Mon fantôme Gribouille, celui qui s’empare de l’électroménager et de tout ce qui est fonctionnel dans la maison, a une nouvelle fois frappé.

Il doit être né avec des palmes parce qu’il a une prédilection pour ce qui touche à l’aquatique : de la machine à laver aux robinets de la baignoire. Il faut bien avouer que, depuis les sempiternels travaux de la rue, la tuyauterie a beaucoup souffert. Quand elle ne nous prive pas d’eau, celle-ci est chargée de granules plus que suspectes qui réussissent à gripper les meilleures des installations. La mienne, régulièrement entretenue par mon expert époux est plutôt laissée en souffrance depuis son décès.

Dernièrement, lasse d’être privée de bains relaxants et bienfaisants, pour le plus grand plaisir des deux hérissons qui squattent la baignoire, Dédé le bricoleur est venu mettre la robinetterie au pas et en ordre. Pour ce faire, il a fallu couper la vanne d’alimentation. Lorsqu’elle a été rouverte, celle-ci s’est vengée du peu d’attention que je lui prête par un débit régulier de gouttes d’eau s’échappant de son joint. Une petite cascade prenant naissance dans ma cave, j’ai appelé la Compagnie des Eaux qui a jugé qu’il n’était pas urgent, vu qu’on était fin de semaine, d’envoyer un ouvrier pour y remédier.

Nous sommes lundi matin et j’attends qu’un docteur es vannes et tuyaux frappe à ma porte. Je vaque donc à mes occupations quotidiennes, le petit déjeuner étant reporté à plus tard puisque que j’ai émietté mes dernières tartines pour les oiseaux qui viennent mendier devant la porte de la cuisine. Le boulanger passe tôt, donc, je ne devrai pas attendre très longtemps. Pas que j’aie faim, je me suis passée pendant plus de trente ans de petit déjeuner, mais c’est le repas que j’ai choisi pour accompagner la prise de mon médicament du bonheur. Et je ne peux, en aucun cas, déroger à ce petit rituel. Je passe donc à l’occupation suivante : mes ablutions. Vite faites, bien faites. Je ne dois pas traîner : je ne connais ni l’horaire ni le planning des ouvriers des eaux et je veux être présentable pour leur arrivée. Je m’occuperai ensuite des repas des Choupinoux, des cobbayes, du canari et des hérissons. Ainsi que du brossage de mes petits chiens. Un autre rituel, deux fois par jour : le matin pour les « déchiffonner » de leur nuit à s’étendre entre leurs couvertures et le soir pour les débarrasser de ce qu’ils ont amassé de poussières et autres petits corps étrangers lors de leurs escapades au jardin.

Aujourd’hui, je ne devrai que changer les hérissons. Je pense qu’ils doivent être les seuls dans le monde à se prélasser dans des essuies éponges et des morceaux de draps en flanelle. Mais je ne me voyais pas étaler de la paille dans ma baignoire. Chaque matin, je dois changer leur litière et je m’y attèle de bon cœur. Ils sont devenus tellement sympathiques et confiants que je m’y suis vraiment attachée et qu’ils font maintenant partie intégrante de la famille. De toute manière, une fois dehors quand le temps le permet, ils demandent à rentrer. Au printemps, je remettrai en état leur remise pour qu’ils puissent y passer au sec la bonne saison tout en sachant se balader dans la cour et dans le jardin si l’envie leur en prend. Ils pourraient d’ailleurs s’en échapper mais ils ne savent pas comment chasser leur pitance, alors, ils trouvent normal de retrouver leur gamelle garnie de croquettes et friandises. Et cela me permet de cultiver ma réputation de sorcière aux hérissons, ce qui est loin de me déplaire…

Une fois lavée, habillée et pomponnée, je devrais commencer à vaquer mais aujourd’hui, je suis plutôt rêveuse et un peu moins dynamique que d’habitude. Quelques petits désagréments liés à mon médicament chimio me forcent à ralentir la cadence : des petites pointes irradiant ma poitrine et un point dans l’omoplate… Heureusement, j’ai déjà connu cela et je ne me tracasse pas mais c’est le plus désagréable des effets secondaires. Si cela perdure, je prendrai un Xanax qui me permettra de me détendre. Mais je vais privilégier une relaxation et une petite visualisation sophrologique…

La sophrologie, mon cheval de bataille : une lutte incessante entre mon moi et mon ego. Si je suis parvenue à accepter mon passé et à tourner la page, à maigrir, à dompter mon arthrose et à faire la nique au cancer, il faut toujours que j’aille plus loin dans mon obscur désir de perfection. Ce soir, j’irai donc au cours de bon cœur, vu que la matière actuelle m’intéresse énormément. J’en connais trop peu, j’absorberai donc tout ce qu’elle pourra m’apporter en connaissances et en art de vivre.

Mes plans vont être perturbés : je vais d’ailleurs devoir les réviser sur deux jours. Une collaboratrice de la Compagnie des Eaux m’a téléphoné pour savoir si ma vanne coulait toujours. Il n’y a bien sûr aucune raison pour qu’un miracle se soit accompli. Et si miracle il y a, c’est que la situation ne se soit pas aggravée. Mais, comme il n’y a pas péril en ma demeure, la dame décide que l’équipe se déplacera demain. J’aurais eu toute ma matinée de libre. J’avais très envie de prendre une bolée d’air frais avant d’aller faire mon essayage d’un squelettique chez la dentiste. C’est donc remis à plus tard.

Comme je n’avais rien prévu ce matin, je me contenterai de faire un peu de rangement de ce qui n’a jamais été dérangé mais qui pourrait bien finir à la poubelle ou dans un autre endroit, pour passer le temps.

Ma seule tracasserie matinale sera donc de téléphoner à la boulangerie parce qu’en incorrigible bavarde que je suis, j’ai détourné l’attention du livreur qui était sensé m’apporter deux petits pains et qui ne m’en a donné qu’un seul. La sienne aura été de revenir pour s’acquitter consciencieusement de la tâche qui lui a été dévolue : le lundi, un gris et un blanc ; le vendredi, un blanc et un « aux noix »…

J’aime enfin ce pain presque artisanal… Il m’en aura fallu du temps pour ne plus rêver de celui que fabriquait mon mari parfois de ses blanches mains et souvent avec cette machine dont je ne peux plus entendre le chant mélodieux qui me réveillait le matin, accompagné de cette bonne odeur de café et de pain…. Je l’ai d’ailleurs mise en vente sur eBay. Après presque cinq ans d’inutile attente, il est temps qu’elle aille faire le bonheur d’une vraie famille.

J’ai donc dégusté religieusement ma tartine au beurre des Ardennes tout en réfléchissant à ma petite vie très ordinaire. Elle me rassure et m’exaspère en même temps. Combien de fois n’ai-je hurlé à mon époux : « Bon sang, étonnes-moi, nous ressemblons à des petits vieux ancrés dans leur monotonie quotidienne !» Et lui, de chercher à me faire plaisir et bien souvent à y parvenir. Nous partions alors à la découverte de régions, de musées, de forêts ou de vertes campagnes. Toujours en nous intéressant à l’habitant qui, ravi, nous accueillait à bras ouverts, nous racontant histoire et légendes du lieu. Nous avons ainsi, sans doute, plus voyagé à notre porte que certains qui partent pour des contrées lointaines mais restent à proximité de la piscine du Club Med de l’endroit. C’est d’ailleurs ce qui me permet maintenant de faire de mon simplissime quotidien, une aventure de tous les instants.

Je sais que ça ne durera pas : mon nouveau moi devient plus impatient, plus fébrile de nouvelles découvertes. Il subit l’hiver parce qu’il est toujours fragile et sensible au froid et à l’humidité mais il trépigne en espérant que 2013 sera une grande année pour cette nouvelle vie qui ne demande qu’à éclore.

 

 

 

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GALETTE DES ROIS

La tradition de la galette des rois n’a jamais été très installée dans la famille. Je n’en ai d’ailleurs que quelques bribes de souvenirs : une photo de mon fils âgé de trois ou quatre ans, une couronne sur la tête, trois fèves assez jolies dans une vitrine et quelques images furtives et olfactives sortant de ma mémoire : têtes couronnées riant aux éclats, vin mousseux et frangipane…. De bons moments sans aucun doute mais tellement lointains, issus tout droit de la bibliothèque de mon autre vie.

Telle la Belle au bois dormant, sortant d’un trop long sommeil, j’ai depuis quelques temps très envie de mordre la vie à pleines dents… et de grignoter un peu trop. Il faut bien avouer que les soirées sont longues durant ces mois d’hiver. Blottie dans le creux de mon divan, sirotant un thé au miel, une petite douceur à portée de main, papouillant distraitement mes deux petits chiens tout en zappant d’un programme à l’autre de la télé, je réfléchis bien (trop) souvent au tournant que devrait prendre ma vie. J’aimerais maintenant que cette période transitoire prenne fin.

En passant devant le rayon pâtisserie de mon magasin favori, quelques galettes des rois dorées à souhait ont attiré mon regard. Ma main s’est tendue mais n’a pas accompli le geste… A quoi bon ? Il n’existe pas de galette individuelle. D’ailleurs, cela n’aurait pas vraiment de sens. Je feindrais la surprise de tomber sur la fève… Une reine sans royaume, sans valet et surtout sans roi.

Une idée un peu folle m’est alors passée par la tête : mes hanches auront évité le bénéfice de la dégustation d’une galette mais je me suis mis au défit de trouver un roi pour partager celle de l’année prochaine. Un peu plus de trois cents jours pour faire mon marché, trouver le partenaire qui arrivera à me supporter, pas trop chiant, gentil et qui acceptera de partager gâteau, fève, couronne… et plus si affinité. Même si je bouge plus qu’avant, ce n’est pas gagné d’avance. D’autant plus qu’avec la cessation d’activité de mon auberge favorite et l’hiver qui n’en finit pas, je n’ai pas tellement l’occasion de faire de nouvelles connaissances ni de faire des choses particulièrement plus intéressantes que regarder la télé ou surfer sur le net.

C’est ainsi que je suis tombée sur une publicité de site de rencontres. J’ai toujours dit et répété haut et fort que j’aurais bien trop peur. C’est sans doute un peu stupide, vu que tant que ça reste virtuel, il y a moins de danger que dans la réalité. D’ailleurs, toute rencontre, quelle qu’elle soit est une loterie. Et je dois bien avouer que dans ce domaine, j’ai eu ma part de chance.

Alors, vu qu’il n’y a que les imbéciles qui ne changent pas d’avis, n’ayant rien de mieux à faire, je me suis lancée dans l’aventure… J’ai rempli le bon de commande : le moins de renseignements possibles me concernant et un peu plus pour le candidat potentiel. Curieusement, les questions que le site posait ne m’étaient jamais venues à l’esprit : physiquement, je n’en ai rien à faire. Pourvu qu’il ait des yeux pour voir la vie en couleur, une épaule pour que je puisse y poser ma tête, des mains pour prendre la mienne et tendre l’autre, un cœur pour m’aimer assez, je ne demande rien d’autre. Son âge ? Peu m’importe. Ses qualités ? Ses défauts ? Je pourrai les aimer s’il accepte les miens. Je ne souhaite pas rencontrer un extraterrestre, mais un être tout simplement humain. Est-ce donc si compliqué ? J’ai donc complété le formulaire au mieux.

J’ai reçu confirmation de mon inscription dans les minutes qui ont suivi ainsi qu’une promesse d’avoir des nouvelles sous peu. Je ne m’attendais pas à ce que ce soit aussi rapide. J’ai passé ma soirée à cliquer sur le site et supprimer les demandes de contacts. Je me suis sentie aussi envahie que dans une grande surface en période de fêtes où des représentants vous incitent à déguster un tas de trucs un peu douteux que vous êtes sensés aimer sous peine de passer pour une idiote.

C’est ainsi qu’après quatre heures, trente-six minutes et quelques secondes, je me suis désinscrite du site. Finalement, les rencontres, si elles sont arrangées, c’est un peu comme quand on découpe la galette et que la fève apparaît. On feint de ne pas la voir et on s’empresse de donner le morceau à celui qu’on espère qui vous choisira pour reine… Je préfère laisser cette part au hasard en brûlant un cierge à Sainte Rita, patronne des causes désespérées et en allant me balader au gré de mes envies. Et si l’année prochaine je ne trouve pas mon roi, je dégusterai une galette en regardant la télé tout en papouillant distraitement mes petits chiens, rêvant qu’un jour mon prince viendra…

 

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UN BONHEUR SIMPLE

"Je me lève, je suis très calme.
Les mois et les années peuvent venir.
Ils ne me prendront plus rien.
Ils ne peuvent plus rien me prendre.
Je suis si seul et si dénué d'espérance que je peux les accueillir sans crainte. "
Erich Maria Remarque. A l'Ouest, rien de nouveau. 1928

 

 

L’espérance… c’est pourtant tout ce qu’il me reste. J’en ai un bon paquet en réserve. C’est, au final, ce qui m’a toujours permis d’évoluer… d’aller encore plus loin. Cela ne pouvait être pire… j’étais en vie… alors il fallait avancer.

En me levant ce matin, je pensais à la prédiction des Mayas. Ce commencement d’un nouveau cycle. Ma fin du monde était donc terminée. Je me devais de me construire une autre vie. Tous n’auront pas cette chance. Je ne dois rien gâcher cette fois. En me servant de mon expérience passée et de ma connaissance du monde, ça devrait pouvoir se faire sans trop de bobos au cœur.

J’ai donc refait les mêmes gestes du petit matin, les indispensables. Mais seulement parce qu’ils me font du bien, me donnent ce petit apaisement d’une journée qui commence bien… sans précipitation… sans presque d’état d’âme… sinon le bonheur de serrer mes deux petits chiens contre mon cœur comme des petits ours en peluche tout doux, tout chauds… Je me sens très en harmonie avec moi-même et avec ce qui m’entoure : la maison épurée de tous ces objets inutiles qui avaient fini par m’étouffer, une petite poignée d’ êtres qui continuaient de m’aimer pour ce que j’étais et la généreuse et bienfaisante nature... Que demander de plus à la vie ?

Je m’octroie cette pause en dehors du temps et des contraintes, chaque matin jusqu’après le petit déjeuner, pris presque religieusement en communion avec le médicament qui m’a permis non seulement de continuer d’être là, mais aussi d’harmoniser mon existence entre terre et cosmos, les pieds bien ancrés sur la première, la tête sur les épaules et les mains tendues vers les étoiles…

Cela ne dure jamais longtemps bien sûr : de petits estomacs affamés se rappellent à moi et me font me secouer un peu. Presque aussi un rituel que les Choupinoux connaissent bien : ils me suivent de l’entrée de la cave où se trouve le panier aux légumes au plan de travail de la cuisine où j’installe les gamelles. Eux ont déjà pris leur petit déjeuner une fois rentrés de leur sortie libératrice du matin mais ils adorent ce partage de légumes entre tous mes pensionnaires… Ils sont tous devenus végétariens parce que c’est plus pratique et cela revient bien moins cher que donner  à chacun de la nourriture spécifique.

Je coupe, j’épluche et je répartis tout en donnant à goûter à mes petits chéris… Le canari s’énerve : lui aussi s’est mis au chicon/ pomme et je ne suis pas assez rapide à son goût. Je me chamaille un peu avec lui et continue de préparer consciencieusement les gamelles en écoutant la radio. Et je me surprends à chantonner… Je suis enfin heureuse.

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MON COMBAT LIBRE

http://www.courrierinternational.com/article/2009/04/30/ici-tous-les-coups-sont-permis

Extrait :

« Il s’agit, nous dit-on, d’une rencontre de “combat libre”, ce que les amateurs préfèrent appeler “arts martiaux mélangés” … Pratiquement inconnu il y a dix ans, ce sport de combat particulièrement spectaculaire a pris les Philippines d’assaut. Son succès est tel que certains passionnés sont prêts à payer jusqu’à 200 dollars pour assister à un combat opposant des lutteurs connus...

Le combat libre, c’est … Tout ce qui est autorisé en jiu-jitsu brésilien, boxe, lutte, kick-boxing, taekwondo et judo est permis. On peut donner des coups de poing et des coups de pied, effectuer saisies et étranglements. Les pugilistes entament généralement leur combat debout en boxant, mais un coup de pied ou de poing – sinon une projection – les mène tôt ou tard à poursuivre l’affrontement au sol. Chacun tente alors de paralyser l’autre par un étranglement ou une clé. Le combat s’achève quand l’un des deux est mis KO ou abandonne… »

 

Mon combat libre…

 

Qu’on s’y attende ou pas, un jour ou l’autre, le verdict tombe : cancer. Personnellement, je ne m’y attendais pas : avant l’opération, aucun marqueur dans la prise de sang, aucun symptôme qui aurait pu faire croire à quelque chose d’aussi soudain, d’aussi désespéré…

Une simple douleur un jour, le corps qui prévient. Mais pas écouté, il continue de mener sa vie. Et puis, une petite alerte un peu déstabilisante et tout s’enchaîne à grande vitesse. Pas le choix : un truc à enlever très vite. Mais toujours pas d’inquiétude à avoir puisque la prise de sang est bonne et que la batterie d’examens ne révèle rien d’exceptionnel.

Au vu de l’énormité de la chose et ne connaissant pas son évolution, il est nécessaire de l’extraire sans attendre. On ne peut prendre le risque d’une « explosion » interne. Et c’est ici que le tourbillon vous entraîne… embrigadé dans un système qui annihile toute volonté de rébellion : une prise en charge clinique totale dans un domaine aseptisé de la réalité du dehors. A partir de cet instant, plus le choix, on est obligé de faire confiance.

Et pourtant, la mienne avait été sérieusement ébranlée au cours des dix-huit années de galère vécues la main dans la main avec mon double qui était parti quatre ans plus tôt fatigué d’un trop lourd combat. Nous en avions connu des charlatans depuis que s’était déclarée sa maladie d’Hodgkin, mais aussi et surtout des gens formidables qui lui avaient permis de vivre une vie potable. J’avais fini par repérer les incompétents à distance et pendant les dernières années de sa vie, il était entouré d’une équipe médicale formidable sélectionnée par mes soins.

En effet, j’étais devenue très dure, impitoyable mais c’est la sphère dans laquelle nous avons évolué qui m’avait transformée. La vie à tout prix mais pas à n’importe quel prix : dans les meilleures conditions possibles sinon rien.

Nous avions déambulé pendant de nombreuses années dans ce monde particulier du cancer qu’on ne retrouve dans aucun service, une planète à part dans les hôpitaux où tout semble permis au malade dès qu’il en franchit la porte. Le personnel est formé pour répondre à vos moindres désirs toujours avec le sourire et donnant l’impression que tout est toujours parfaitement normal. De vrais bisounours de la ponction, de la perfusion, de la prise de sang, des selles et des urines… Je continue à me demander comment, avec une telle pression journalière, ils peuvent rester intacts. On ne dira jamais assez combien le personnel soignant est admirable. Même les techniciens de surface sont plus délicats, plus attentifs à ne commettre aucune erreur. Vous êtes le patient qui est susceptible de vivre vos derniers instants. Il faut qu’ils soient les meilleurs possibles.

Quand le verdict est tombé en ce qui me concerne, j’allais parfaitement bien. L’opération s’était déroulée avec succès. Ma cicatrice s’était un peu défilée, mais l’important est que je me remettais à grande vitesse et que j’avais repris ma vie de façon quasi normale. Je ne m’attendais pas du tout à ce que j’allais entendre : GIST… rarissime… inguérissable il y a encore cinq ou six ans… mais j’avais de la chance : un seul remède existait qui avait fait ses preuves…

Et c’est là que je me suis étonnée moi-même, il ne m’a pas fallu cinq minutes pour reprendre mes esprits et dire à l’oncologue :

« Cartes sur table, madame. Quand on a un adversaire, pour le battre, il faut le regarder en face. Je veux tout savoir, ne me cachez jamais rien. Sinon, j’irai voir ailleurs. »

Quand je suis sortie de son cabinet, tout était dit, parfaitement expliqué et j’étais tout à fait sereine. J’allais bien quelques minutes plus tôt. Il n’y avait aucune raison pour que cela soit différent maintenant que je savais. J’avais pris ma décision de ne vivre mon cancer que dans le « pavillon des cancéreux », je ferais ce qu’il faudrait et plus encore pour que ma vie reste des plus normales.

J’avais constaté que la plupart, sinon tous les cancéreux que j’avais côtoyés, passaient par les mêmes stades une fois l’annonce de leur maladie : un moment plus ou moins long d’incompréhension et d’abattement, des instants de découragement et ensuite beaucoup de hargne, un sentiment d’injustice (pourquoi moi alors que tel ou telle a fait bien pire que moi ?)… bien que je comprenne cette faiblesse, je n’y adhérais pas. Je n’avais pas le choix. Plus vite je me lancerais dans le combat, plus vite j’en sortirais vainqueur. Je n’en doutais pas. Je n’en ai jamais douté. Il ne pouvait en être autrement.

J’ai donc délimité mes zones de combat :

A l’hôpital, bien sûr pour tous les examens préconisés par l’équipe en qui j’avais mis toute ma confiance. Je n’ai jamais été aussi bien révisée. De haut en bas, chaque petit bout de moi est imprimé quelque part dans un dossier… Aucun risque de prolifération illégale d’une maladie quelconque.

A la maison, à l’heure du petit déjeuner que je me suis obligée à prendre en même temps que l’unique médicament à ingurgiter chaque jour pendant un minimum de trois ans. Et seulement durant ces instants quasi religieux où je ne fais qu’un avec cette bienfaisante chimio. J’ai dû m’y accoutumer… un premier combat mais tellement bienveillant de part et d’autre. Il fallait seulement que Glivec et moi fassions connaissance. Nous sommes devenus très amis. Il ne m’occasionne que, de temps en temps de petits œdèmes sous les yeux ou la bouche, histoire, sans doute que je sache qu’il continue à prendre soin de moi. Finalement, ces petits effets secondaires me rassurent.

Tout ce qui n’était pas zone de combat devait être le plus normal possible. J’allais bien, inutile qu’on me chouchoute, qu’on me dorlote, qu’on me parle comme à une malade… Pour combattre, il faut être dure, solide, pas de sentimentalisme… l’adversaire, le cancer, ne fait pas de concession : c’est lui ou vous. Dans tous les cas, il vaut mieux que ce ne soit pas lui.

Je n’ai pas l’habitude d’attaquer en premier. Mais face à un adversaire qui ne prévient pas et pour qui tous les coups sont permis,  j’ai dérobé à ma règle habituelle et j’ai cogné de plein fouet. Il a tout pris dans la face. Au tapis, mon cancer. Mais je continue de veiller. Je ne lui tourne pas le dos. On ne sait jamais, il est tellement vicieux qu’il pourrait simuler le KO.

Au dixième mois, je suis toujours debout sur le ring, GIST inconscient à mes pieds. Je suis tellement radieuse que ma cancérologue a passé la main à son assistante chargée de mes visites de contrôle. Je ne fais plus que de brèves incursions dans l’atmosphère feutrée de cette aile de la clinique. J’y revois des visages connus, certains reflètent l’espérance, d’autres ont perdu le combat et d’autres encore sont comme le mien… cela nous rapproche d’autant plus que nous savons que plus rien ne sera jamais plus comme avant, que la vie est une guerre perdue mais que chaque combat que nous menons en recule l’échéance fatale. Cette vie qui a pris plus de valeur, qui mérite qu’on la vive pleinement, naturellement et débarrassée de toutes les choses mesquines et inutiles qui la pourrissent.

Cette année 2012 a été révélatrice et enrichissante pour moi. Passant du rien au tout et du tout à rien… Une année charnière ouvrant la porte sur la vraie vie. Je ne l’ai jamais rêvée parce que son existence m’était inconnue. J’ai maintenant appris à prendre soin de moi. Adepte des plaisirs simples et naturels, du bio et de la sophrologie, me voilà bien armée pour entrer sereinement dans l’année 2013.

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C’est l’heure des bilans… A la manière de l’huissier qui vient comptabiliser vos meubles, ma dentiste marque chacun de ceux de ma salle à manger tout en commentant l’art et la manière de combler les trous. Et, oh surprise ! Il y en a un qui me cause bien du souci… Une des molaires du haut manque… Que personne ne sorte ! Qui a bien pu me la prendre ? Je n’ai aucun souvenir d’une extraction quelconque dans mon enfance. Bien au contraire, à chaque visite médicale, le médecin mettait en évidence ma dentition parfaite. Ce qui confortait ma grand-mère dans son idée que les bonbons étaient néfastes.  Elle y allait de plus belle dans son refus de m’en donner fût-ce qu’un de temps en temps, me mettant dans la main une belle pomme qu’elle avait au préalable frotté à son tablier.

Comment donc ai-je pu perdre cette dent ? Qui a bien pu me la prendre à l’encontre de mon plein gré ? Je ne vois qu’un seul voleur possible : la petite Souris !

Dans mon envie de bien faire, de lui faire plaisir - et sans doute aussi à mon cochon tirelire, géré par ma grand-mère qui décidait de ce qui pouvait ou non me faire plaisir ou qui, tout simplement bouclait les fins de mois en « m’empruntant » des pièces que je ne revoyais de toute manière pas-, j’ai sans doute dû m’auto-enlever une « bonne dent » selon l’expression consacrée.

Mais alors, je me suis fait spolier… puisque la petite Souris ne s’intéresse qu’aux dents de lait, celles qui n’ont que peu de valeur. D’ailleurs, elle s’en tirait toujours à bon compte : la pièce qu’elle laissait n’était jamais bien grosse. Les enfants de l’époque euro ont certainement gagné au change. Le moindre petit cent vaut bien plus que nos centimes de l’époque.

Et donc, cette molaire définitive, celle qui n’était pas prévue dans mon plan d’épargne, elle me l’a prise au même tarif que toutes les autres. Je me sens tout aussi escroquée que le vendeur d’un tableau de maître qui se fait avoir par un antiquaire sans scrupule et qui l’apprend fortuitement alors qu’il crève la dalle.

Ma vie aurait pu basculer dans un autre sens… A entendre mes grands-parents, qui portaient une prothèse dentaire, on ne savait pas le trésor qu’on possédait dans la bouche quand on avait une bonne dentition. J’étais donc riche. J’avais toutes mes dents et un sourire éclatant. Comment cela a-t-il bien pu se passer sans que personne ne s’aperçoive que la Souris… ? J’en… rage… de dent ! J’aurais pu être un peu plus riche, mettre la somme réellement due sur mon livret de Caisse d’épargne… Après des années, les intérêts seraient venus s’y ajouter et j’aurais pu… J’ignore, après tout, ce que j’aurais pu faire ou être… puisque j’ai été spoliée d’au moins un lingot d’or. Ou de quelques diamants, c’est ainsi que les petites filles imaginent un trésor.

Je n’ai pas crevé la dalle, j’ai même pu acheter ma maison mais au prix de quelles privations parfois. Alors que si cette fichue bestiole m’avait correctement dédommagée, ma vie s’en serait tout de même trouvé facilitée. Je pense donc lui intenter un procès.

J’espère la faire cracher au bassinet. Au moins de quoi pouvoir m’offrir le squelettique que ma dentiste est en train de me faire confectionner. C’est la période idéale : si saint Nicolas me laisse perplexe, je continue de croire au Père Noël…

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ET PUISQU'IL FAUT UNE FIN A TOUT...

 

Depuis que je n’ai plus les moyens d’être généreuse, mon univers a beaucoup changé. Un véritable chamboulement pour moi, qui avais tellement peur du moindre petit écart dans mes habitudes.

Au fond de moi, je savais que ça ne me convenait qu’à moitié, que beaucoup profitaient de la situation mais je refusais de les voir tels qu’ils étaient. J’ai toujours eu l’optimisme de voir le verre à moitié plein et de croire que « mon petit  monde », comme je l’appelais, était comme moi…

On m’a traitée de mégalomane égoïste. C’est l’autre moitié du verre qui me croit ainsi… Certains pensent que je leur dois des choses. J’ai toujours rendu ce que je pensais prendre. En m’excusant de l’avoir pris : un peu de leur temps, un service, un trajet en voiture… et en essayant de compenser au mieux. Je pense que si ardoise il y a eu, elle est actuellement effacée.

Je n’ai jamais pensé qu’on me devait quoi que ce soit. Même pas le respect dont on ne me gratifiait pas. Mais je ne suis pas un paillasson qu’on laisse à l’entrée de la maison dans l’attente qu’on s’essuie les pieds dessus. Hérisson je suis, hérisson je resterai. Un animal sauvage dans toute sa splendeur… Obligée de faire contre mauvaise fortune bon cœur, à l’instar de mes deux petits compagnons, déracinée de son univers dès la plus tendre enfance… qui a connu l’éponge et la flanelle, les bienfaisantes caresses et les bonnes choses… Le cul entre deux chaises : l’appel de la forêt et l’univers douillet de la baignoire en hiver… Avec un petit passage « vacances » à mi-chemin des deux… Jamais rien qui ne nous convienne parfaitement.

Au fil du temps, il ne reste qu’un petit noyau de ce petit monde qui est pourtant toujours cher à mon cœur. Contrairement à ce qu’ils pensent, je n’ai pas payé pour cette amitié bien précaire. Depuis, j’ai d’ailleurs revisité la définition du mot « ami » : elle est devenue plus juste, plus vraie… J’étais généreuse parce que je pensais que les richesses, quelles qu’elles soient, tant spirituelles, intellectuelles, financières, etc. ne nous sont pas dues. Pour moi, il s’agit d’une chance –pourquoi moi plus qu’une autre ?- et cela se partage… sinon, elles n’ont aucune raison d’être.

Mégalomane ? Je ne pense pas… Idéaliste tout au plus. J’ai ramé dans ma chienne de vie… Des coups durs, j’en ai reçu plus qu’il n’en faut. J’ai toujours fait face. On me croit de marbre, froide, sans cœur… toujours cette attitude du hérisson sur le qui-vive. Certains pourtant ont pris la peine de m’observer et ils savent que, comme mes hérissons, je ne mords pas, je ne me défends pas, je subis. Et une fois l’orage passé, je poursuis ma route. Le soleil finit bien par réapparaître un jour ou l’autre.

Après avoir tout partagé, au point de me mettre en danger : en ce qui concerne les « bons sentiments » j’ai suivi une thérapie. Elle m’a permis de me conforter dans l’idée que si je ne pouvais changer la vision qu’on avait de moi, je ne devais pas non plus en supporter les conséquences. Et en ce qui concerne les moyens financiers, vu que je n’en ai plus, les intéressés se sont d’eux-mêmes éloignés… Dure mais nécessaire sélection naturelle.

Dépouillée de tout par l’état et la société, je pensais qu’il me restait ma « carapace »… celle pour laquelle nous étions deux à avoir ramé et rien que nous deux, qu’il m’appartenait d’en faire ce que bon je voulais. Non pas pour dilapider le seul bien qu’il me restait. Non, j’avais été apprise : les hérissons, maintenant, c’est dans la poche que je les aurai… Mais pour simplement aller mieux, pour rembourser ce qu’il semblait que je doive encore… et poursuivre le bout de chemin qu’il me reste en toute tranquillité. Mais non, il paraît que j’ai des devoirs vis-à-vis de ceux qui ont tous les droits… J’aurais même des comptes à rendre !

Eh bien, trop, c’est trop… cette fois, la coupe est pleine. Et pour éviter qu’elle ne déborde, le hérisson Soleil a repris la route. Celle qui lui convient enfin : le chemin des cancres des bonnes manières, les allées tortueuses de l’imagination, les sentiers fleuris et boisés des sentiments vrais et des généreuses rencontres.

 

 

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EN ROUTE POUR BROCELIANDE

"Deux routes divergeaient dans un bois, et moi,
J'ai pris celle par laquelle on voyage le moins souvent,
Et c'est cela qui a tout changé."
Robert Frost. La route non prise.

 

Pour supporter un peu mieux la vie, j’ai pris le chemin de Brocéliande… La forêt magique et ses habitants. La simple transposition d’une réalité impossible à digérer.

Je me suis souvent perdue… j’ai chuté, je me suis arrachée les tripes au propre comme au figuré aux ronces de ma chienne de vie. J’ai beaucoup souffert. Peu s’en sont aperçu. Ils m’ont reproché de n’avoir rien dit… Comment aurais-je pu ? Les sons discordants ne sortaient pas. Ils m’auraient effrayée. Je suis si fragile sous mon masque bien confortable. Seuls ceux qui ont creusé ont vu et su… les autres m’ont fait fuir.

J’ai exploré les chemins de traverse, pris la route des écoliers, des sentes escarpées, des passages caillouteux…Je me suis éraflée le cœur, griffée l’âme… les larmes ont souvent coulé. Mais j’ai continué.

Il m’est arrivé de rencontrer d’autres brebis égarées. Nos expériences ont renforcé notre volonté d’encore et toujours marcher. Nous avons parfois fait un bout de chemin ensemble mais les routes finissaient toujours par se séparer. Et je me retrouvais toujours aussi seule, assise au bord de la route. Alors, parfois, une bonne étoile me remettait sur la voie, m’obligeait à me relever. J’avais les pieds en sang, je suais, souffrais, mais j’arrachais à mains nues les broussailles aux longues épines qui me barraient le passage…

Je n’ai pas encore découvert le bois magique mais je sais que cette fois, je suis sur la bonne voie. Peut-être la quitterais-je encore, peut-être aurais-je encore envie de suivre quelque luciole égarée. Mais je suis maintenant forte de mon expérience. Mes peurs se sont transformées en véritables victoires contre moi-même. J’ai déposé mes fardeaux, largués les poids inutiles et oublié de semer les petits cailloux qui m’auraient permis de retrouver l’ancienne route.

La métamorphose est telle que ceux qui ne sont pas partis à ma recherche me croisent sans me reconnaître. Tant pis pour eux s’ils ne voient en moi que ce qui leur déplaît quand ils se regardent dans le miroir de la vie.

 

 

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UNE SORCIÈRE COMME LES AUTRES

Fini le jour des esprits et des sorcières…

Larmes de pluie et chrysanthèmes…

Cette année, j’avais décidé de ne pas sortir mon balai. Je n’ai d’ailleurs pas vu la horde d’enfants habituelle à cause des travaux dans les rues. Je n’ai pas accompagné mes semblables pour le grand Sabbat du Bois des  Farfadets. Je resterai donc une sorcière sédentaire faisant peur à quatre petits enfants que les parents ont mis en garde contre mes maléfices.

Aujourd’hui, c’est le grand nettoyage au Paradis pour la fête des Saints… Je me demande comment ils peuvent bien fêter ça. A la manière des dieux de l’Olympe ? Ou bien celle des mormons ? A moins que ce soit paillettes et bling bling ?

Demain, ce sera la fête des morts. Mais vu qu’il y a des défunts qui sont déjà saints, d’autres qui ne le seront jamais et les vraiment mauvais qui sont d’office partis en enfer… comment faire le tri dans tout ça et fêter ceux qui feront vraiment la fête ?

… Qui feront la fête… sans nous qui sommes vraiment loin d’être à la fête sauf peut-être quelque veuf  ou veuve joyeux. Et peut-être aussi des enfants sans cœur qui danseront sur la tombe de leurs parents. Bruyères et pomponettes…  Ainsi nommée la chatte du boulanger  de Pagnol qui n’avait pas été fidèle…

La fidélité à l’être aimé, est-ce les larmes qui n’arrêtent pas de couler ou vouloir changer de vie et la prendre à bras-le-corps, quoi qu’on en dise ou qu’on en pense… Tout simplement pour aller mieux et continuer d’avancer ?

Sorcière, peut-être… maléfique pour les uns… bien-aimée pour les autres. Tout simplement, une âme en perdition qui a suivi les chemins de traverse avant de reprendre le cours de la vie.

Somme toute, une sorcière comme les autres.

 

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