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RAYMOND POULIDOR... L’ÉTERNEL SECOND...

C’est ainsi que mon grand-père avait coutume de m’appeler. Il aimait donner des surnoms aux gens qu’il côtoyait. C’était chez lui une seconde nature. Ca avait lieu de m’agacer prodigieusement ainsi que d’autres mais qui aurait osé le lui dire ? Certainement pas moi. Il n’était pas homme à accepter la critique.

Et puisqu’il n’avait pas d’autre projet pour moi que celui d’épouser un gentil bonhomme pas trop compliqué, sérieux et travailleur, je n’avais pas à accomplir d’autres prouesses que celles de devenir une bonne ménagère.

Dès l’école primaire, j’avais acquis mon statut de deuxième… Non pas que la première ait eu plus de neurones que moi. D’ailleurs, elle avait été prise un jour à tricher sur ma « composition », comme on disait à l’époque. Elle avait rétorqué à l’institutrice stupéfaite qui lui en demandait la raison : « parce qu’elle est bien plus intelligente que moi ». On ne la prit plus jamais en faute. Elle et sa cousine s’étaient arrangées pour me coincer à la récréation et me donner une « bonne leçon »… A partir de ce jour-là, quand je constatais que je pouvais la dépasser, je m’arrangeais pour commettre la plus stupide des erreurs au grand dam de ma grand-mère qui, m’échauffait alors les oreilles en me traitant d’idiote. Mais au moins, elle, ne m’a jamais frappée…

J’avais donc trouvé la place qui me convenait. Cela a continué dans toute ma vie. Je me devais de ne jamais montrer une quelconque supériorité. A la dernière école que j’ai fréquentée contre mon gré et que je n’aimais pas du tout puisque j’aurais voulu intégrer une école normale, j’étais même devenue une élève très moyenne. On ne m’en demandait pas plus. Mon grand-père avait décrété que j’avais atteint mon maximum et que je devais me consacrer à accepter la situation, trouver un boulot (le chômage était pour lui synonyme de fainéantise), apprendre les rudiments du ménage et épouser un brave jeune homme que lui et sa femme avaient repéré…

Et j’ai suivi le mouvement… Il était effectivement très gentil et s’était mis à m’aimer dès les premières rencontres. Et comme personne ne s’était intéressé ainsi à moi jusqu’alors, je me suis doucement laissé bercer par son amour inconditionnel. Là aussi, j’étais la seconde : il avait été fiancé pendant six mois et elle était « décédée inopinément » d’une encéphalite virale.

Et c’est ainsi que j’ai entrepris ma première rébellion : si je ne pouvais lutter contre une morte, je ne voulais plus de cette place de seconde. Il n’était pas question qu’il l’oublie mais je refusais les comparaisons incessantes et involontairement cruelles de ma belle-mère. J’ai donc tout fait pour être la seule et unique dans son cœur. Et j’ai réussi au-delà de toute espérance.

Quand l’enfant parut, nous n’y étions pas préparés. Il était trop tôt pour nous qui pansions nos blessures… Mais nous l’avons aimé dès ses premiers cris, mal sans doute puisque je continue d’en payer le prix.

Je n’ai d’ailleurs jamais été la première dans son cœur. D’un côté, mes grands-parents voulaient recommencer le kidnapping qu’ils avaient commis avec moi et de l’autre, maman voulait s’en venger… Ils me qualifiaient d’ailleurs de mère indigne… Et moi, j’acceptais parce que je ne voulais pas leur ressembler : je refusais de l’étouffer et il fallait à tout prix qu’il devienne très vite responsable et clairvoyant pour échapper à leurs griffes. J’ai échoué… un cerveau d’enfant est très malléable. Et je n’ai pas toujours su faire les bons choix. Je m’en mords les doigts en espérant qu’un jour viendra…

Pourtant peu à peu, l’amour, miracle de la vie, carburant de tous les possibles a réussi à me faire atteindre la première marche du podium… Devenue l’essentielle, le pilier, la bouée du seul être qui avait su mettre en valeur ma beauté intérieure, mon intelligence et ma capacité de me donner entièrement. Pour lui et par lui, j’ai pu faire tomber tous les voiles hideux qui m’engonçaient et m’empêchaient d’être moi-même.

A sa mort, j’ai vite chuté de mon piédestal. Refusant de danser avec le chaos, j’en ai choqué plus d’un. J’ai vite été reléguée au second rang. Et j’ai continué de cultiver cette idée puisque dès le début j’avais été conditionnée pour être le Raymond Poulidor de la vie. Mais vu que j’avais goûté à la première place et que je n’avais plus reçu de raclée depuis que j’avais quitté mes grands-parents, redevenir seconde ne me convenait pas… Après quelques recherches, j’ai trouvé un remède qui m’a permis de retrouver la place qui me revenait : l’essentielle de… moi-même. En effet, comment aimer vraiment si on ne s’aime pas assez soi ?

Ce remède, la sophrologie, n’est pas sans risque : on finit toujours par se sentir bien, sans complexe et dévêtue de la mauvaise peau qui empêche d’être soi. On peut en prendre autant qu’on le souhaite sans risque d’overdose. C’est devenu pour moi un véritable art de vivre.  Je me suis métamorphosée en (bonne) égoïste, me ménage et me respecte. Je ne force personne à m’aimer mais ceux qui ne me détestent pas constatent avec plaisir que ma transformation m’a véritablement épanouie… J’ai toujours autant d’amour à donner. Mais je le distribue différemment, plus intelligemment… Ma vie est ainsi devenue plus colorée, mon univers plus magique et mon rire vrai.

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Commentaires

  • Merci Liliane,

    En effet, depuis que j'ai compris que j'étais mon essentielle sans pour cela être égoïste, tout va bien mieux pour moi et ceux de mon entourage qui m'ont acceptée telle quelle. 

    Un gros bisou.

  • Merci Jo et je suis ravie de compter parmi tes amies.

    A bientôt j'espère.

  • administrateur partenariats

    Bravo Yvette pour tout ce chemin parcouru...

    La vie n'est pas facile, et de toute façon, nous sommes toujours le second de quelque chose ou de quelqu'un... l'essentiel est d'être la première vis-à-vis de soi-même, c'est ma philosophie, le l'applique depuis toujours, elle me convient très bien et je ne me considère pas comme une égoïste puisqu'étant bien dans ma peau,  tout le monde en profite.

    Continue à t'aimer et à être fière de toi.

     

  • Je ne sais plus qui disait que, lorsqu'on est adulte, on devient ses propres parents, on la personne la plus apte à prendre soin de soi-même. Nous jouons le premier rôle dans le film de notre vie. Ce n'est pas de l'égoïsme.Quand on se sent bien, on répand le bien-être autour de soi. 

    Les gens qui établissent des classements parmi les êtres humains et ceux qui se permettent de porter un jugement de valeur en tenant compte de ces classements ne sont que de pauvres imbéciles, incapables de réfléchir par eux-mêmes... Pas de Poulidor parmi mes amis !  Bisous,  Jo.

  • Merci Claudine,

    Tu as raison... Au cinéma, les seconds rôles ont souvent le rôle de faire-valoir. Et, en effet, je me sens bien... A part le petit coup de mou de l'autre fois (il faut bien avouer que, depuis 5 ans, cette période est un mauvais passage), je vais mon petit bonhomme de chemin.

    Bisous, merci pour ton éternel soutien 

  • Bonjour Yvette.

    Ah ! ce bon Poulidor, tout le monde parlait de cette vedette du second rang, comme tout le monde parle des seconds rôles au cinéma.  Comment certains pourraient-ils être premiers, si il n'y avait pas de deuxièmes.

    Tu es une bonne deuxième, tu te sens bien dans ta peau, alors va ma belle, vis ta belle vie et sois en fière.  Il vaut mieux être une bonne deuxième, qu'une mauvaise première, être seule que mal accompagnée etc...

    Bisous, Claudine.

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