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Publications de Vergaelen Michel (17)

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Morts Conjointes - Extrait 1

Mons, 16 mai

Il a été pris au  dépourvu ! Je ne puis pas jurer qu’il soit persuadé du fait que je ne suis pas coupable du crime qui m’a été attribué avec tant de générosité. Il m’a même proposé de plaider coupable en y ajoutant des circonstances aténuantes pour attendrir les jurés. Je me suis opposé avec virulence à ce projet funeste. Je n’admettrai plus d’endosser une culpabilité qui ne m’appartient pas ni que l’on doute de mon innocence !

Lorsque je suis rentré au tribunal, les gendarmes m’ont directement entraîné vers le banc des accusés.

Toutes les attentions m’ont accompagné. Arrivé à la place qui  m’avait été désignée, j’observai les spectateurs, tous ces voyeurs à entrée gratuite. Certains d’entre eux avaient le regard colérique qui semblait expliquer leur présence dans ce cirque romain.

Aucun des membres de l’assistance ne me regardait  avec la sollicitude que l’on réserve au présumé innocent. Je ne la trouvai même pas dans les yeux des membres du jury ! C’eût pu m’inquiéter dans d’autres circonstances.

Le témoin était assis loin de moi, sous la fenêtre, à quelques mètres des magistrats déguisés. Il me lança un regard franc, haineux, mais sincère.

L’espace d’un instant, j’hésitai, je doutai de moi-même : n’aurais-je pas quand même tué ? L’acte n’aurait-il pas été effacé de ma mémoire en réponse à un choc émotionnel ? »

Je ne pouvais pas croire à une telle éventualité. Je ne la retins donc pas dans le cadre de ce qui était réellement à envisager.

Le témoin avait un noir dessein dont j’étais incapable de déterminer la nature. Il était mon ennemi, le seul et unique que je n’eusse jamais eu !

Avouer aurait été mettre de l’eau au moulin de sa vanité, lui donner l’opportunité d’être félicité par une société en mal de vengeance.

Mon regard rencontra le sien. Je le maintins jusqu’au moment où il baissa les yeux. Je refusais sa présence à mon spectacle, je ne voulais pas qu’il se délecte de ma mise à mort due au piège qu’il avait tendu et dans lequel j’avais été entraîné. Mais il était là, pour jouer la pièce qu’il avait écrite, probablement avec la collaboration du Commissaire

de Police ou du Juge d’Instruction.

Le cirque pouvait commencer. Les présentations furent vite faites. J’entrais d’emblée dans la cage aux lions sous la houlette du  magistrat entouré de ses adjoints.

Le spectacle comprenait l’image de la malheureuse étranglée par le vilain dentiste, le témoin qui avait vu le méchant assassiner et jeter ensuite sa victime à l’eau !

Je ne pouvais en entendre plus. Je mis mon esprit en veille, comme j’avais appris à le faire en prison pour ne plus percevoir les bruits parasites qui troublaient ma quiétude.

Un gars de la bande des magistrats se leva et vint briser mon isolement. Il me posa des questions auxquelles je répondis vaguement pour satisfaire sa curiosité et l’éloigner le plus rapidement possible.

Cette séance de méditation d’isolation fut suivie par plusieurs autres que je décrivis dans mon journal.

Je les consacrai à des sujets aussi nobles, toutes dans l’esprit de mon refus d’exister dans le contexte de la justice que l’on voulait m’imposer.

Physiquement, j’étais assis parmi ces chacals sans qu’ils pussent s’adresser  à moi, ni aiguiller mon attention vers le jugement. J’étais auto anesthésié.

Mes prédateurs ne parvenaient même plus à avoir de l’influence sur ma pensée.


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– Il y a quelques jours, j’ai décidé d’écrire une aventure surréaliste, dans le fil de celle que j’ai éditée
en juin 2009.
– Ah ! Et que sont devenus les personnages ?
– Lesquels ?
– Tous !
– Je ne sais pas !
– Ah ! Tu les utilises et tu les abandonnes quand ils t’ont servi !
– J’en ai peut-être réutilisés dans le cadre d’autres récits.
– Ils sont vraisemblablement en train de sécher dans le grenier de ton inspiration !
– Vous êtes injuste.
– Nous ? Et toi, comment qualifierais-tu ton comportement à l’égard de ceux qui peuplent tes livres ?


Que voulez-vous répondre à une telle question ? Ai-je mal agi en écrivant ?


– Comment s’appelait ton premier roman ?
– Les Quatre Chemins.
– De combien de personnages t’es-tu amusé dans ces pages ?
– Je ne sais pas.
– Tu ne sais pas ? Tu poses un acte grave en utilisant et avilissant des âmes pour les besoins de ta popularité. Quand on te demande combien tu en as asservi, tu rétorques que tu ne sais pas !
– Qu’est devenu le personnage principal ?
– À la fin du roman, il retourne au début de l’histoire. Il la revit vraisemblablement avec d’autres.

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Vergaelen Michel - L'Auberge - égarement

« Qu’écris-je ? Je me transpose dans mon personnage… je divague.

M’éteins-je en tant qu’individu de chair ? Que me faut-il faire pour revenir dans ce qui devrait être moi ?
Revenir, rester ? Tester la schizophrénie d’un personnage virtuel, au risque de me bruler les ailes ?
Qui suis-je effectivement ? Ai-je le choix entre l’auteur au travail dans son atelier, le voyageur assis dans le train ou le personnage pris dans un piège absurde, dans une auberge mystérieuse ?
Le paysage qui défile à la fenêtre n’est pas celui que je connais comme étant celui que je vois habituellement lors de mes voyages en train vers Bruxelles.
Nous ne croisons aucune route ni aucun chemin, rien ne vient perturber l’immense champ de blé jaune. Il ne m’est évidemment pas difficile de faire le rapprochement avec ce que je viens d’écrire.
Prémonition, auto persuasion ? Illusion créée par mon inspiration littéraire ?
Je réfléchis beaucoup trop. Le repos m’appelle, il m’invite à fermer les yeux, à…
J’entends la chanson de Jean Ferrat, “Dans le Silence” qui berce mes pensées flottantes… c’est le
soir, cela sent le thym, un bruit de charrette s’éteint, une guitare au loin s’accorde… »

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Monceau, 4 décembre 1959. Le Hameau est gris. La pluie tombait depuis la veille au soir.

Mariette s'était levée à cinq heures, comme d’habitude. Rien ne la retenait au lit.

Sa place sur le vieux matelas était devenue un moule sans confort qui avait épousé la forme de son corps. Lorsqu’elle se couchait, elle roulait aussitôt dans « le trou », l'endroit où avait dormi Zéphyr ! Le ressort devenu mou criait toute son amertume et pleurait la misère qui règnait dans la maison.

Le plafond de la chambre sentait le carton dont l’odeur se mêlait à celle des souris qui grouillent dans le grenier.

Ce jour-là, la pluie avait précipité son lever. Elle rebondissait sur la pierre de la fenêtre pour venir taper à rythme irrégulier sur la vieille vitre. Sans doute résonnait-t-elle autant du fait qu’elle n'est plus qu’à peine tenue par un ou deux centimètres de mastique.

D’habitude, elle se dépêchait pour aller travailler chez madame Lefèbvre, la femme du boucher de Marchienne-Au-Pont. Mais depuis deux semaines, elle ne devait plus y aller. La dame lui avait demandé de ne plus venir tant qu’elle était enceinte.

Elle ne l'était plus, elle allait se représenter pour reprendre le travail. Plus tard sans doute, car sa maman lui avait demandé de garder la maison !

*

**

Comme chaque matin, après avoir enfilé le peignoir devenu trop étroit, elle avait allumé le vieux poêle crapaud. La veille, elle avait rempli deux charbonnières qu’elle avait placées contre la cheminée. A cause de l’humidité, elle avait eu du mal à faire craquer les allumettes, et le bois avait beaucoup fumé.

Pendant que le feu s’allumait, elle avait versé l’eau glacée dans le bassin bleu dont l’émail manquait à beaucoup d’endroits. Elle le déposa sur le poêle, là où elle venait d’enlever le couvercle pour avoir directement le contact des flammes. L’eau fut tiède après une dizaine de minutes.

Elle ne déshabillait que les parties du corps qu’elle lavait en un l’instant, sans se laisser le temps d’avoir froid.

Sa toilette terminée, elle s’était habillée de ses vieilles frusques en loque, étirées et décolorées par les nombreuses lessives. Ensuite, elle a fait le café. Elle a suivi les directives de sa mère. Elle a rempli la bouilloire aux trois quarts et l’a fait bouillir sur le feu, après y avoir retiré le bassin de sa toilette et l’avoir frotté à l’aide du gant de toilette.

La liturgie matinale se poursuivait. Nettoyage du filtre en tissu, en forme de chaussette, rinçage de la cafetière émaillée, pose de la chaussette ainsi que son remplissage, deux tiers de café moka, un tiers de chicorée Pacha… Il ne pouvait en être autrement, au risque que sa mère s’en aperçût !

Pendant qu’elle passait le café et que la bonne odeur lui caressait les narines, Ida, sa maman, arriva et s’assit dans le fauteuil qui lui était réservé, celui qui était couvert de la vieille couverture sur le siège et de la vieille dentelle sur le dossier. L’autre aurait pu être utilisé par Mariette si elle en avait eu le temps !

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Vergalen Michel - L'Auberge (Le Cortège)

Le cortège semble se dissoudre lentement au fil de son avancée. Les personnages, répondant à l’appel des fleurs, les rejoignent et s’y fondent. Liturgique, protocolaire ?
Même Théo m’abandonne. Il prend la forme d’un nuage. Il se positionne devant le soleil et se dissémine dans le ciel bleu.
Le cercueil continue de m’acheminer dans un parcours sans but, jusqu’au moment où il commence à s’effacer, entraînant mon corps dans un mimétisme inquiétant. Errance d’un mort en sursis.
L’effacement de mes « véhicules » me donne la sensation agréable de me libérer de mes contraintes. Je quitte une dualité qui me pesait, comme je l’avais imaginé lors de mes séances d’écriture qui m’avaient mené à l’auberge.
Les coquelicots ont tout envahi, l’arrière-plan de ma vision est rouge, tout est couleur sang. Sang de personne et de rien, dans le vide qui trompe mon regard. Je m’envole, mais demeure dans l’espace du jardin ! Je ne vais nulle part !
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Vergaelen Michel -Extrait 3 - L'Auberge

J’étais fatigué. Je décidai de fermer le cahier. Mes idées s’embrouillaient. Je ne pouvais me débarrasser de l’angoisse du personnage principal de mon roman. Je subissais les mots qui avaient mouillé le papier à son encontre, percé par les regards agressifs des figurants nommément cités.

Mon inquiétude grandissait à mesure qu’avançait le dévoiement de mon inspiration. Mon implication en tant qu’auteur se transformait en phobie.

Bien que j’eusse quitté le contexte de la scène livresque, je ne parvenais pas à revenir dans une situation habituelle de dépôt de stylo. J’étais assis dans le train que je croyais avoir quitté au début de l’aventure, avant de courir la campagne…

Qu’écris-je ? Je me transpose dans mon personnage… je divague. M’éteins-je en tant qu’individu de chair ? Que me faut-il faire pour revenir dans ce qui devrait être moi ?

Revenir, rester ? Tester la schizophrénie d’un personnage virtuel, au risque de me brûler les ailes ?

Qui suis-je effectivement ? Ai-je le choix entre l’auteur au travail dans son atelier, le voyageur assis dans le train et le personnage pris dans un piège absurde, dans une auberge mystérieuse ?

Le paysage qui défile à la fenêtre n’est pas celui que je connais comme étant celui que je vois habituellement lors de mes voyages en train vers Bruxelles.

Nous ne croisons aucune route ni aucun chemin, rien ne vient perturber l’immense champ de blé jaune. Il ne m’est évidemment pas difficile de faire le rapprochement avec ce que je viens d’écrire. Prémonition, auto persuasion ? Illusion créée par mon inspiration littéraire ?

Je réfléchis beaucoup trop. Le repos m’appelle, il m’invite à fermer les yeux, à…

J’entends la chanson de Jean Ferrat, « Dans le Silence » qui berce mes pensées flottantes,…c’est le soir, cela sent le thym, un bruit de charrette s’éteint, une guitare au loin s’accorde…

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L'Auberge - Extrait 2 - Vergaelen Michel

En vertu de la consigne RGN (Règlement Général des Navettes), le chef de train donna un premier coup de
sifflet pour ordonner l’ouverture du journal suivi d’un second qui donnait le départ de la lecture.

Si je ne prenais le train de temps en temps aux heures de pointe, je ne crois pas que je n’eusse jamais eu un contact quelconque avec la presse écrite. Chaque fois que je suis soumis à cette obligation, je suis choqué par la dureté des évènements qui y sont évoqués. Ils me semblent effectivement plus cruels à lire qu’à voir en images.
Est-ce à cause de la disposition des titres ou des photos qui figent les scènes les plus horribles ? Méditation…

Je tentai de me concentrer sur les faits relatés à la une. Les parties du monde traitées par ces articles semblaient se complaire dans une existence effervescente et malsaine qui m’attristait à me blesser l’âme fragilisée par mon parcours encore vierge de personnage de roman.
Pour ne pas pleurer, je tentais de me rassurer en me rappelant que tout dans ce monde n’est qu’une comédie orchestrée par celui qui tient le stylo.

J’observai les figurants assis autour de moi. Je me rendis compte de la qualité de leur jeu de scène. Chacun dissimulait son chagrin et son étonnement que suscitaient les émanations des journalistes du jour.

Pour éviter tout débordement, le contrôleur de sentiments qui nous accompagnait fit le tour du compartiment, évaluant les visages, juste avant le départ. Comme son travail devait être difficile !

Dans une chronologie parfaite, le train se mit en route. Je me sentais bien, malgré l’article qui relatait tous ces gens qui mouraient dans des souffrances atroces, dont la vie était déchirée comme une feuille de papier. Je tentais de relativiser en me persuadant que ma position d’émanation d’inspiration d’auteur ne me permettait pas de compatir pour quelle exaction que ce soit, même pour celle dont je serais l’auteur.
Transcendance… Je devais m’en tenir au rôle que moi-même m’étais attribué…

Pour jouer ce rôle, j’avais enfilé un beau costume de scène littéraire. Chaussettes vertes dans des souliers rouges, short mauve m’arrivant aux genoux, chemise assortie aux chaussettes. Je me sentais conforme à mon personnage. J’avais remonté mes lunettes de plongée au-dessus du front pour éviter qu’elles s’embuent.

Imperturbable, le train roulait vers la destination que chaque voyageur voulait rejoindre.

  • Où allez-vous ? Demandai-je à mon voisin immédiat.-
  • Je n’ai pas encore décidé. Me répondit-il en souriant. La surprise sera d’autant plus grande lorsque je le découvrirai en descendant du train. J’adore l’aventure. Et vous, Où allez-vous ?
  • À Bruxelles !


Je posai la même question à un autre voyageur qui semblait vouloir s’immiscer dans notre conversation.

  • Moi, je vais à Paris ! J’y ai un rendez-vous important. Qu’allez-vous faire à Bruxelles ?
  • Rien de particulier !
  • L’avantage du train est qu’il peut nous transporter dans des directions différentes, voire opposées, alors que nous peuvons demeurer ensemble durant le voyage.


Je ne trouvai pas utile d’ajouter quoi que ce fût à cette affirmation qui était, on ne peut plus juste. Je fermai
les yeux et simulai le sommeil du matin afin de me détacher de la conversation.
Vraisemblablement suite à une délation, le contrôleur arriva rapidement pour me réveiller. Il prit le journal qui gisait sur mes genoux et, d’un geste agressif, me le tendit pour que j’en poursuive la lecture.


Je soupirai en signe de protestation, mais me soumis à sa volonté. Je me forçai à lire un article concernant la dégradation des relations entre les Wallons et les Flamands.
Malgré le comique du sujet, je n’arrivais pas à lui consacrer mon attention.

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L'Auberge - Extrait - Vergaelen Michel

Une foule attendait l’arrivée du train sur la voie 9. Je m’y insérai sans que quiconque ne parût s’en rendre compte. J’observai les acteurs de cette attente, pressé par le besoin d’interpréter les mimiques dégagées par leurs visages. La plupart ne laisse aucun sentiment apparaître, les regards dirigés vers le quai adjacent. Ils semblent faire le même rêve.

Mes yeux furent soudain attirés par un mouvement qui rompit la monotonie de ce spectacle silencieux.

Une grosse dame fendait la foule en s’approchant de moi, l’air grave et décidé. Les cheveux gris en bataille
semblaient n’avoir jamais été alignés au travers des dents de peigne. Une paire de grosses et affreuses lunettes couvrait la moitié de la superficie de son visage plat, presque inhumain. Ses yeux grossis par les gros verres tournaient dans un mouvement perpétuel. Son gros manteau de chasseur en loden était couvert de poils probablement de chien clair en mue.

Elle tenait, dans la main gauche un gros marteau de carrossier en caoutchouc noir. L’autre main, était fermée sur un burin trempé à l’huile d’olive et travaillé par un forgeron suédois installé dans les Ardennes Belges. Cet outil lui avait certainement été offert par ce dernier pour la remercier de lui avoir indiqué la route de sortie d’une cité de logements sociaux dans laquelle on se perd facilement dans le Borinage.

La grosse dame avait une tête à s’appeler Charline. Elle marchait d’un pas arraché vers la place qu’elle voulait occuper sur le quai pour y attendre paisiblement l’arrivée du train.

Le spectacle commençait à devenir intéressant. Parmi les figurants qui entouraient Charline, étaient des personnes qui se singularisaient par des variantes remarquables pour un œil observateur.

L’un regardait ses pieds tandis que son voisin observait les aller et venues d’un pigeon qui remuait l’air avec la tête. Un grand barbu s’adressait à une jeune femme qui faisait mine de l’écouter attentivement. Une jeune fille se balançait au rythme de la musique que diffusait les petits écouteurs insérés dans ses petites oreilles. Ses pieds battaient le quai en émettant un bruit qui ostensiblement dérangeait le vieil homme posté en face d’elle.

Dans un crissement de freins épouvantable couvrant le bruit des roues qui, pourtant, martelaient les joints des rails, le train entra en gare. Dès qu’il se fut arrêté, le chef de train ouvrit les portes et siffla immédiatement le rassemblement. Tous les voyageurs choisirent une file face aux portes, selon la couleur du journal qu’ils tenaient en main. La couleur du canard déterminait la tendance de la pensée du voyageur. Le tri permettait d’éviter les risques d’animosité des uns contre les autres. Il s’agissait d’une mesure de sécurité qui avait été prise par les autorités à la suite de la catastrophe de Louvain qui avait été causée par un combat de lecteurs libéraux contre les socialistes dont le bilan avait été de trente et un tués du côté libéral, les rouges ayant été plus combatifs.

Je tentais de choisir une file lorsque, soudain, je me rendis compte de mon erreur : j’avais oublié d’acheter un journal. Il m’était donc impossible de prendre place dans le train !

Comme le temps me manquait pour me rendre à la librairie de la gare et prendre une place dans une file, je décidai de prendre le train suivant.

Je m’achetai deux journaux, un rouge et un bleu, cela me permettait dès lors de choisir la file la plus courte pour m’asseoir plus confortablement. En ce temps-là, seules ces deux couleurs idéologiques étaient reconnues par le Ministère des Libertés Encadrées et, donc, disponibles dans les kiosques publics.

Le train suivant arriva sur le même quai et avec autant de bruit que le précédent. De manière identique, le chef de train siffla le regroupement par files de couleurs devant leurs portes respectives. Suite aux opportunités qui se présentaient alors, je me plaçai dans une file rouge, le journal correspondant à la main, l’autre replié dans la poche de mon blaser, en réserve pour un besoin éventuel lors du retour.

Les files furent prêtes pour l’embarquement dès que le chef de train en eut opéré l’inspection habituelle pour s’assurer que la couleur du journal de chacun correspondait avec la couleur de la porte choisie.

Tout semblait être en ordre. Le chef signifia l’autorisation en sifflant longuement comme le prévoit la procédure. Chacun entra en silence.

J’étais content d’avoir pu prendre place. Je ne pouvais que me sentir bien. À la maison, je vivais dans la solitude. Il m’arrivait de croire que je n’appartenais pas à ce monde. Je jouais un spectacle devant un groupe de personnes qui m’étaient invisibles. Du lever au coucher, j’improvisais magistralement le rôle qui m’était attribué par moi-même, l’auteur. Ci et là, j’interpellais des figurants de passage qui me donnaient la réplique sans que le sens n’en fût altéré.

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Dorénavant, elle n’allait plus être qu’un vague souvenir dans l’esprit des clochards qui avaient collé leurs corps sur le sien, se soulageant des peines que leur apportait chaque jour leur pauvre vie. Georgette avait perdu la petite place qu’elle avait pu occuper dans la gare.
Ce matin-là, Bobotte toucha instinctivement le visage de sa mère. Elle sentit la peau froide et dure du corps sans vie. Malgré son très jeune âge, elle comprit immédiatement que sa mère avait abandonné le combat de la survie et qu’elle était partie sans même lui dire au revoir. Elle l’avait laissée là, dans cette cave dégoûtante que même les rats de son enfance avaient fuie.
Elle devait prendre une décision immédiate, elle savait qu’il ne fallait pas rester là à attendre des jours meilleurs qui ne viendraient sans doute jamais. Elle réunit ses quelques pauvres affaires et les fourra dans le vieux sac que sa mère utilisait pour transporter ses bouteilles. Elle baisa le front de la défunte et quitta cet endroit avec la ferme intention de ne plus jamais y revenir.
Immédiatement après qu’elle fût sortie de la cave, elle se mit à la recherche de son parrain Albert pour lui présenter ses projets de petite fille indépendante.
Très étonnamment, la gamine avait gardé la tête froide. La mort de sa mère ne semblait pas l’accabler.
Au moment des faits, Bobotte n’avait que huit ans. Cela ne l’empêcha pas de prendre une sage décision qu’un adulte, dans les mêmes circonstances, n’eût peut-être pas pu prendre. Elle projeta en effet de rejoindre Gognies pour y retrouver sa grand-mère maternelle qui, pensait-elle, la mettrait en contact avec son papa qui serait content de la retrouver.
Lors de leurs longues soirées d’hiver passées dans la cave humide, sous les tonnes de vieux vêtements qui les tenaient au chaud, lorsqu’elle n’avait pas trop bu, sa maman lui avait raconté des épisodes de sa jeunesse, ses premières années chez ses parents, à Gognies-Chaussée, un petit village situé sur la frontière entre la France et la Belgique.
Georgette avait embelli son aventure avec le Bob, histoire de se faire oublier à elle-même qu’elle l’avait vécue comme un cauchemar et que la cicatrice ne s’était jamais refermée.
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Promenade à pied...sans moi!

Après quelques heures, je me voyais parcourir la campagne Boraine sur un chemin bordé de prés clôturés dans lesquels broutaient des vaches. Elles me regardaient passer, tranquilles, n’ayant pas conscience de l’imminence de la mort violente qu’allaient leur infliger ceux qui les possédaient et qui les avaient mises en confiance.

La route me semblait longue. Ci et là, des arbres cassaient la monotonie du paysage fait d’immensités vertes des prairies uniformes.

Un oiseau m’accompagna de son chant saccadé pendant que défilait sous mes yeux le talus qui dont la hauteur grandissait à mesure que j’avançais. Fleurs de pissenlits, de marguerites et de myosotis le couvraient abondamment…

La température montait. Les abeilles dansaient leur sarabande habituelle autour des fleurs mobiles sous l’effet du vent.

Prendre la route sans en évaluer la raison ne m’était pas habituel ! Comment ne pas s’interroger, la dualité de nos personnes n’est-elle pas la clé de notre raison ? Je me harcelai de questions sans pouvoir trouver de réponses.

Les circonstances qui m’avaient amené à me mettre en route demeuraient mystérieuses. Sans doute avaient-elles été effacées des archives de ma mémoire.

Mes idées s’érodaient, mon courage s’amenuisait au rythme de leur érosion. Je peinais à marcher, je me traînais… Je traînais ce corps qui m’avait pourtant si bien été jusqu’alors.

Je m’approchais du nuage de poussière ou, peut-être, s’approchait-il de moi. L’espace qui nous séparait diminuait à vue d’œil. Atteignais-je l’horizon ?

Je peinais. Qu’est-ce qui me poussait à braver l’adversité avec autant de détermination ?

Au moment précis où j’atteignis le nuage de poussière, ma volonté me quitta ou, plutôt, je me quittai pour accompagner ma volonté avec un recul qui me permettait de la diriger sans devoir en subir les contraintes.

Cette mutation me donnait l’impression de laisser mon corps se débrouiller dans l’effort prolongé et insoutenable dont je ne parvenais pas à juger ni de sa nécessité ni même de sa légitimité… La marche ne me donnait pas l’impression d’être la mienne.

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Terre Abandonnée

Je suis une victime volontaire de la fièvre interprétative lorsque mon regard admiratif couvre les choses qui ont fait notre histoire et dans lesquelles courent les ornières creusées par les âmes qui les ont faites. Chambre de créativité à ciel ouvert.Je ne m’inspire pas que des couleurs qui les font, de leurs formes ou de leurs parfums. Non, Elles dégagent beaucoup plus que cela. Venez les voir, peut-être comprendrez-vous ce que je tente de vous expliquer mais que je ne puis exprimer avec les mots.Il fut d’ailleurs une période pendant laquelle l’inspiration de ces lieux m’amena à situer les constructions humaines dans des déserts de sable. Faut-il y voir un symbole lié à l’abandon de nos lieux par l’humain, après avoir pressé le citron ?Début août deux mille un. Il pleuvait depuis plus d’une semaine.En été, lorsque le temps le permettait, je pratiquais des activités physiques telles que la course à pied ou la randonnée. Cela me donnait l’occasion de jouir pleinement de mon environnement. Il était très rare que l’envie de peindre me prît à ce moment.Ce jour-là, comme justement le temps était un obstacle à ma sortie jouissive habituelle, je décidai de terminer le tableau commencé à la fin de l’hiver.Quand vous viendrez à la maison, vous pourrez le voir pendu sur le mur du salon, juste devant le fauteuil que je me réserve pour pouvoir souffler un peu lorsque je rentre du travail. ( http://www.macollection.be/site/News/article.php?newsid=168) Ça me permet de le regarder sans devoir faire l’effort de déplacer mon regard dont je suis, cela dit en passant, très économe. Je ne balaye de mes yeux que ce qui m’apporte du plaisir. Comme je n’en éprouve pas beaucoup en regardant un mur, je place soigneusement ce que je dois voir dans les endroits qui me permettent de les observer sans effort de recherche.Le tableau dont il est question ici est un paysage dont les prés et les champs ont été envahis complètement par la désertification qui n’a laissé que les clôtures en mauvais état. A l’horizon se dressent les dunes qui ont porté jadis, lorsqu’elles étaient des monts couverts de verdure, un verger dont témoignent certains arbres cadavériques.Le ciel est éclairé par la lune voilée.En bas, à droite, subsiste un étang aux eaux dormantes qui reflète le ciel et son voile lunaire qui lui donne sa noblesse. Il est ceinturé par une clôture dont les irrégularités lui donnent le charme des prairies d’antan. Elle le sépare de la rue qui le longe et qui s’éloigne à perte de vue à travers le verger séché par le soleil du désert après avoir coupé un carrefour.Les quelques arbres du verger supposé semblent brûlés par un soleil d’une sévérité implacable. L’un d’eux, celui qui fut planté le long du chemin, plus près de l’étang, supporte, sur sa grosse branche, un oiseau de mauvais augure. Il a l’apparence d’un corbeau, il pose son regard sur les ruines de ce qui fut une maison qui aurait pu être l’habitation d’une ferme, du temps où le paysage qui l’entoure était encore vert.Il ne reste de la maison qu’un pan de mur dans lequel une fenêtre est mystérieusement éclairée au travers du rideau fermé.L’inspiration de ce tableau m’était venue dans un songe dans lequel mission m’avait été donnée de le peindre. A l’époque, d’ailleurs, la plupart de mes tableaux étaient réalisés sur commande.Ils m’apparaissaient en rêve. Il m’était clairement demandé de les réaliser. N’ayant pas de formation dite « artistique », je les reproduisais du mieux que je pouvais, sans respect des règles académiques.Ce jour-là, je terminais donc ce tableau. J’étais occupé à interpréter l’étang, le chemin qui l’entoure, ainsi que la clôture qui le ceint.La séance de travail en question était une reprise, fait qui empêchait une motivation positive. Comme cela m’était arrivé maintes fois au préalable, je m’attendais à un changement en cours de route.Mais, à mon grand désarroi, un sentiment mystérieux m’empêchait de me remettre au travail. De toutes mes forces, je me mis à la combattre, bravant cette perturbation que je prévoyais passagère.A cet obstacle s’ajoutait la sensation aussi étrange qu’une force incontrôlable entraînait mon bras vers le tableau. Je ne pouvais m’en dégager qu’au prix d’un effort très intense, aussi physique que psychologique. Ce phénomène était surprenant, mais surtout très perturbant.Je n’éprouvai dès lors plus le plaisir de peindre. La mission qui m’avait été donnée en songe se concrétisait à la manière d’une photo qui sort de l’appareil photographique. Mon inspiration se concrétisait à la sortie de mon esprit via les poils de mon pinceau sans que ma volonté ne soit sollicitée. C’était du moins la sensation que j’éprouvais.Je ne maîtrisais pas mon interprétation. Je la subissais !N’étais-je pas soumis à l’émanation de mon propre esprit, à moi-même ?Une réflexion sur la situation me décida toutefois à poursuivre la séance pour terminer l’œuvre qui devait être, je l’avais décidé, la première d’une série de paysages désertiques que j’allais associer à des œufs dans des situations particulières, tableaux que j’avais peints pendant la saison précédente. Cette sous-série accordait à l’œuf une place proéminente. Je les transposais dans des paysages surprenants, leur donnant une place qu’ils n’auraient jamais pu occuper sans l’intervention d’un interprète : dans la mer, dans un verger, derrière un portail de l’entrée qui aurait pu être celle d’un domaine viticole ou émergeant d’un océan sous l’apparence de poissons et d’un phare qui veillerait à la justesse de leur destination.La série de tableaux interprétant la mort de notre monde en le transformant en désert devait rejoindre la renaissance représentée sous forme d’œufs.J’avais en effet mis la charrue avant les bœufs en créant la renaissance avant la mort qui devait nécessairement la précéder ! La mort et le renouveau, rythme de la vie qui mène la danse de l’éternel recommencement ! Envol et réincarnation via l’œuf !Je terminais l’étang qui avait résisté à la sécheresse quasi générale de ce monde. L’eau, symbole de la vie. Elle précédait l’œuf, dans mon esprit. A quoi servirait donc la naissance d’une vie physique en l’absence d’eau ?J’avais clôturé symboliquement encore cet endroit sacré, le séparant du néant apparent de la mort.Quelques heures auparavant, j’avais nettoyé la palette sur laquelle avaient séché les mélanges de couleur abandonnés lâchement. J’avais gratté sa surface à l’aide de la petite truelle et terminai mon nettoyage avec un coton imbibé de térébenthine.Après un séchage rapide, j’avais pressé les tubes de peinture nécessaire pour réaliser l’interprétation. J’y ai mis une once de bleu outremer, une petite pointe de noir ivoire, un peu de terre de Sienne et énormément de blanc de zinc.Avant de m’installer devant le chevalet, je pris la décision qui m’était habituelle de placer un disque dans l’appareil de lecture. J’avais choisi d’écouter « Excalibur » de Vangelis. Je puisais une partie de mon inspiration dans la musique. Je choisissais un morceau qui correspondait à la nécessité de l’instant sans qu’un effort de réflexion ne me fût indispensable. Le choix d’écouter une interprétation musicale se faisait automatiquement. Le morceau correspondait à la nécessité du moment sans que je dusse faire une corrélation. Mon effort ne consistait qu’à laisser tomber ma main sur le disque qui serait l’élu pour assurer la bonne marche de l’évènement qui allait prendre cours.J’avais pris l’habitude d’écouter des musiciens tels Mike Oldfield, Pink Floyd et Vangelis pour stimuler mes séances de peinture.Il m’est difficile, voire impossible, de peindre ou d’écrire dans une atmosphère de calme domestique. Cela n’est pas valable en ce qui concerne le calme extérieur de la nature qui est un calme serein, élément indispensable pour l’épanouissement. Le silence, les bruits du silence d’une maison, sont déprimants par leur monotonie et leur effort inutile d’illustration de notre existence qui, sans les piaillements de la nature, est morne et obstacle à toute forme d’expression créative.La musique que j’écoute lors de mes réalisations expressives me caresse l’oreille et masse mon cœur en faussant l’atmosphère pour favoriser l’interprétation picturale de ce que m’apportent mes yeux et mon âme.D’emblée, les percussions déchirèrent cruellement l’ambiance détestable qu’avait créée l’atmosphère domestique.de la pièce que j’occupais, entraînant derrière elles les charmes puissants des chants d’Excalibur.La séance était ouverte. L’expression avait le champ libre.
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De la Faute à Mai 68 - Il était Belge!

Papa s’appelait Jef, diminutif de Jozef en flamand. Lui non plus ne voulait pas être Témoin deJéhovah ni de quoi ou qui que ce fût et, surtout pas d’un accident car il estimait également ne pas avoir letemps, comme maman. C’est tout ce qu’ils avaient en commun !Devant le lit de mort de son père, il avait juré sur la tête de sa mère qu’il n’avait jamais connue, qu’il neprononcerait jamais un seul mot de français. Et il ne pouvait trahir sa parole. En effet, il avait échangé sonlit avec celui du père décédé et craignait que l’âme du défunt ne lui fît passer de mauvaises nuits en cas detrahison de la parole donnée. Certaines personnes affirment en effet que l’âme des morts intègre l’objetqu’ils préféraient lors de leur séjour sur terre. Et gare à l’esprit de vengeance ! Le lit ayant été l’objetpréféré de son père…Lorsqu’il avait encore l’impression d’être riche, jeune et beau, le papa de Jef, mon grand-père, futcambriolé par des malfrats qu’il supposa appartenir à la gente francophone. En effet, lors du procès, cesgens s’exprimèrent dans une langue qui n’était pas le néerlandais. Dans sa logique, cette langue ne pouvaitdonc être que le français !Dès lors, il s’affilia au VMO (Vlaamse Militanten Orde), un club néerlandophone en mal d’activitésculturelles qui avait choisi de combattre la francisation de la Flandre pour instaurer un nouvelordre flamand dans leur région. Comprenne qui pourra ! Les femmes et les enfants d’abord !Jef croyait que le combat du père était le bon, mais n’aurait pu en donner la raison. Certainement parcequ’il avait une confiance aveugle en lui, c’était naturellement un sentiment familial. Il ne comprenaitrien à cette histoire compliquée mais supposait que la cause était juste du fait qu’elle avait été adoptée par denombreux flamands de son âge, même ceux dont les parents n’avaient jamais été cambriolés par desfrancophones !
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Ailleurs

La série de tableaux interprétant la mort de notre monde en le transformant en désert devait rejoindre la renaissance représentée sous forme d’œufs.J’avais en effet mis la charrue avant les bœufs en créant la renaissance avant la mort qui devait nécessairement la précéder ! La mort et le renouveau, rythme de la vie qui mène la danse de l’éternel recommencement ! Envol et réincarnation via l’œuf !Je terminais l’étang qui avait résisté à la sécheresse quasi générale de ce monde. L’eau, symbole de la vie. Elle précédait l’œuf, dans mon esprit. A quoi servirait donc la naissance d’une vie physique en l’absence d’eau ?J’avais clôturé symboliquement encore cet endroit sacré, le séparant du néant apparent de la mort.Quelques heures auparavant, j’avais nettoyé la palette sur laquelle avaient séché les mélanges de couleur abandonnés lâchement. J’avais gratté sa surface à l’aide de la petite truelle et terminai mon nettoyage avec un coton imbibé de térébenthine.Après un séchage rapide, j’avais pressé les tubes de peinture nécessaire à la réalisation de mon interprétation. J’y ai mis une once de bleu outremer, une petite pointe de noir ivoire, un peu de terre de Sienne et énormément de blanc de zinc.Avant de m’installer devant le chevalet, je pris la décision qui m’était habituelle de placer un disque dans l’appareil de lecture. J’avais choisi d’écouter « Excalibur » de Vangelis.Je puisais une partie de mon inspiration dans la musique. Je choisissais un morceau qui correspondait à la nécessité de l’instant sans qu’un effort de réflexion ne me fût indispensable. Le choix d’écouter une interprétation musicale se faisait automatiquement. Le morceau correspondait à la nécessité du moment sans que je dusse faire une corrélation. Mon effort ne consistait qu’à laisser tomber ma main sur le disque qui serait l’élu pour assurer la bonne marche de l’évènement qui allait prendre cours.J’avais pris l’habitude d’écouter des musiciens tels Mike Oldfield, Pink Floyd et Vangelis pour stimuler mes séances de peinture.Il m’est difficile, voire impossible, de peindre ou d’écrire dans une atmosphère de calme domestique. Cela n’est pas valable en ce qui concerne le calme extérieur de la nature qui est un calme serein, élément indispensable pour l’épanouissement. Le silence, les bruits du silence d’une maison, sont déprimants par leur monotonie et leur effort inutile d’illustration de notre existence qui, sans les piaillements de la nature, est morne et obstacle à toute forme d’expression créative.La musique que j’écoute lors de mes réalisations expressives me caresse l’oreille et masse mon cœur en faussant l’atmosphère pour favoriser l’interprétation picturale de ce que m’apportent mes yeux et mon âme.D’emblée, les percussions déchirèrent cruellement l’ambiance détestable qu’avait créée l’atmosphère domestique.de la pièce que j’occupais, entraînant derrière elles les charmes puissants des chants d’Excalibur.La séance était ouverte. L’expression avait le champ libre.Faisais-je de l’art ? Il m’est difficile, voire impossible, de qualifier mon travail comme tel. D’aucuns ont clôturé l’art dans des définitions bien arrêtées, dans une enceinte, un clos, entouré d’un haut mur épais en dehors duquel aucune autre forme de travail que l’académique n’y trouve sa place. Il ne peut y être inclus les formes d’expression populaire que la plupart dégage avec un désintérêt financier que n’ont pas la plupart des « académiciens » vils et vaniteux après une reconnaissance qui déracine et tue leur véracité.Il ne m’appartient pas de juger l’appartenance d’une activité au domaine du travail artistique, d’autant plus que ce domaine doit comporter des critères définis par l’élite autoproclamée qui l’étend quotidiennement selon ses souhaits ou selon les connaissances de ce qu’elle croit être le goût de la plupart desdits non initiés.Je n’aurais d’ailleurs pas la prétention de pouvoir baliser ces travaux sensuels en excluant les autres. Je crois que, dans le hit parade de l'absurdité, cette pratique est celle qui ferait le sujet qui tiendrait la première place le plus longtemps !En conclusion, s’il en était besoin, mon ignorance m’obligerait de classer mes activités dans les travaux d’expression personnelle et dans ce que je qualifierais d’interprétation de sentiments, sans préjuger de son niveau. En outre, entre nous, ce qui est considéré comme artistique par une civilisation peut très bien ne pas l’être par une autre !Après cette réflexion de mise au point pour me motiver, je pouvais commencer.Je pris ma truelle et préparai le premier petit mélange à base de bleu outremer destiné à couvrir la surface de l’étang qui, depuis bien trop longtemps, était restée béante, dans l’attente d’une surface réfléchissante dans laquelle on lirait la tristesse de la lune.En mixant ma pâte, je pensais à la chance qui m’était donnée de me trouver là, debout devant mon chevalet et d’avoir la possibilité de m’exprimer librement sur une toile. Geste politique car libérateur !Aucune contrainte ne me dévie de mon but ni ne barre mon chemin. Privilège de l’existence. Je savoure la liberté, ma liberté, comme on savoure un fruit, en sachant que l’on en arrivera au bout, mais sans m’en préoccuper le moins du monde.Se poser sur une toile, imprimer, immortaliser ses pensées, ses rêves, ses visions. Figer un sentiment, un moment de son existence, marquer l’histoire d’une empreinte, si petite soit-elle et pouvoir se dire que l’on a existé, que l’on n’a pas toujours été absent de la marche physique d’un univers qui semble ignorer notre présence la plupart du temps/Je peins, j’écris, je crée. Donc je pense exister ! J’existe, au moins pour moi !
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Rêve phantasmagorique

La foule était là, devant ma porte fermée. Elle murmurait entre deux cris d'appel. Elle voulait m'emmener ou, peut-être simplement me voir.J'avais pu me réfugier de justesse dans la maison que je croyais sûre, protectionniste et confortable. Je n'avais jamais supporté la popularité, qu'elle me fut ou pas positive. Je n'avais jamais apprécié que la tranquillité de ma vie que je voulais intime, avec mes proches et, pourquoi pas, avec les rencontres fortuites qui ne faisaient qu'effleurer son existence.Mon succès avait été fortuit. Je ne pouvais toutefois pas m'y adapter. Jusqu'hier, j'avais pu jouir d'un anonymat que je n'avais pas apprécié à sa juste valeur. L'intégrité de ma personne était sur le point de fondre dans une prise en charge par la société standardisée que je m'étais toujours refusé d'accepter, de reconnaître. De toute manière, j'avais toujours refusé d'être pris en charge par qui que ce fut. J'avais conscience de n'appartenir qu'à moi-même, sans artifice d'aliénation, sans volonté de paraître. Je voulais simplement être et non avoir.Jusqu'il y a peu, je n'avais d'ailleurs été que moi, dans toute ma splendeur.Cette splendeur, je ne l'avais voulue que pour moi, intime comme toute splendeur égoïste!M'eut-il été possible, si j'avais pu prévoir les désagréments du regard des gens, de certaines gens, d'éviter de m'exprimer ? Simplement et sincèrement. Sans penser allumer le désir des assoiffés de culture, du moins ceux dont l'expression est plate pour la plupart, qui ne peuvent qu'apporter une vue critique sur l'émanation de leurs contemporains, la jugeant bonne ou mauvaise ou, dans le pire des cas, nulle. Ne m'eut-il pas été possible d'éviter le regard de ces frustrés qui font la pluie et le bon temps dans un monde qu'ils disent culturel mais qui croise et côtoie le chemin de l'argent de l'esclavage spirituel des nantis de la pensée.J'étais effrayé par le manque de perspective et de liberté que m'offrait cette situation que je n'avais jamais pensé vivre ou, du moins que je n'avais jamais imaginé en être la victime.Le murmure de la foule se faisait de plus en plus intriguant, oppressant. Je subissais la tempête du succès qui passait par tous les interstices possibles et imaginables. Là, sous la porte, ici, par la fenêtre peut-être, partout sans doute?La poussée de la foule en mal de gourou intellectuel m'effrayait. Elle m'empêchait depuis longtemps déjà de retrouver l'équilibre dont j'avais besoin pour poursuivre l'oeuvre que je ne considérais cependant pas comme telle.Depuis longtemps, j'assemblais des mots, pour créer des symphonies littéraires, des hymnes à la joie qui me sortaient de mon quotidien, des quotidiens, dussé-je dire, qui auraient du se succéder jusqu'à mon expiration finale que je n'attendais pas encore avec impatience! Jamais je n'avais pensé que ces assemblages littéraires eussent accroché à ce point, jamais non plus je n'avais craint qu'ils eussent pu briser ma solitude qui me seyait si bien! La faute de ce désagrément majeur était à imputer à ma soeur.Quelle erreur de lui avoir autorisé la lecture des «Trois Tomes de l'Infini»!
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Extrait de "De la Faute à Mai 68"

Ma mère m’a gracieusement mis au monde unmercredi matin pluvieux et venteux de février 1969,dans un petit, très petit appartement situé dans unpetit quartier sympathique de la banlieue deBruxelles, capitale de mon petit pays et de l’Europe.La lune finissait de se cacher dans le ciel à peineéclairé par les premières lueurs du jour qui pointaientà l’horizon. Le vent soufflait et sifflait dans les trousdes vitres, mal rebouchés avec le papier du journal dujour et de la veille de ces petites réparations ainsi quedu papier hygiénique non encore utilisé.Josette, c’est comme cela que s’appelle maman,était une femme frêle et timide. Je ne crois pasqu’elle était moche. Ses cheveux noirs étaient coiffésvers l’arrière alors que ses dents allaient de l’avant,ce qui équilibrait l’architecture de sa têteaérodynamique.Elle ne fumait pas de cigarettes qu’elle aurait purouler avec ses doigts et dont le papier aurait pu êtrefermé grâce à sa salive étalée d’un coup de languehabile et ferme. Non, elle préférait garder une bonnesanté pour pouvoir monter, sans être essoufflée, lesescaliers qui menaient à l’appartement, sans devoircracher des glaires jaunes ou verts dus à la fumée dutabac.
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Extrait de "Les 4 Chemins"

Il fut toutefois rassuré de lire qu’un humain, quelfût-il, ne pouvait être victime d’un coup de foudreaigu qu’une seule fois dans sa vie, si longue pût-elleêtre ! Il lut également que les objets qui avaient causéle coup de foudre devaient être éloignés de la victimeavant son réveil.Hugo se leva, le manuel du randonneur matinal àla main. Il observa les objets qui auraient pu être lacause de l’incident. Cela ne pouvait être, pensa-t-il,autre chose que son panier de champignons. C’était,en effet, le dernier objet qu’elle vît avant sa chute !Il prit le panier d’Inès dont il vida le contenu dansle sien. Il le déposa vide dans l’herbe. Après unecourte hésitation, il le piétina supposant qu’il étaitl’objet déclencheur du problème. Il ne demeura plusdu panier qu’un tas de brindilles d’osier gisant surl’espace d’herbe piétinée.Restait une tâche plus ardue : se coucher sur lecorps de la victime et lui chuchoter à l’oreille unepetite déclaration d’amour persuasive et sincère ! Eny réfléchissant, Hugo relativisa le second exercice. Lavictime était inconsciente, elle n’entendrait donc pas !Mais l’embrasser avidement sur la bouche ! Ça, çac’était dangereux ! Il était conscient des possiblesconséquences d’un tel acte.Dans le village, tous les couples qui se sontembrassés au moins une fois ont eu des enfants !Pouvait-il prendre ce risque ?Hugo ne tenait pas à avoir des enfants. C’estbruyant, les enfants et puis ça ne facilite pas la vietranquille d’un artiste qui trouve son inspiration dansla méditation. Il préférait de loin demeurer seul dansson havre de paix. La présence d’une femme au foyerne l’aurait pas trop dérangé pour autant qu’elle ne fûtni trop fragile ni trop encombrante !
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Extrait de "Morts Conjointes"

Chacun des exécutés avait droit à un espace juste égal à la surface de son corps qui allait y être enterré sans cercueil, à même la terre, sous un petit monticule de son volume et à une petite croix, symbole de l'exécution de celui qui était censé les attendre derrière la barrière de la vie.Une plaquette y fut clouée. Le nom de l'exécuté y figurait avec la date de naissance et celle de son violent trépas. Pas de photo ni autre renseignement qui eut pu raviver un souvenir plaisant. Grégoire Truc gisait comme il avait vécu.J'étais passé de l'autre côté du mur sans quasi m'en rendre compte! Ce n'était que cela? N'était-ce pas plus facile et moins douloureux que de vivre une vie de souffrance permanente?J'étais toutefois rongé par le regret de ne pas avoir pu assumer la vie qui m'avait été donné de vivre dans la peau de Grégoire Truc et de devoir abandonner sa chaire dans ce lopin de terre anonyme.Ma présence dans le lieu magique situé au bout du tunnel ne me satisfaisait que par complaisance avec la force qui m'y avait emmené. Je suivais le courant, contre ma volonté. J'avais gardé mon sentiment de frustration à l'égard d'un jugement humain qui avait été aussi inutile qu'injuste et de cet homme qu'il l'avait provoqué.Tout s'était précipité. Mon exécution, mon envolée vers cet endroit lumineux et magique, l'enterrement de mon corps dans cette parcelle sans âme... Je supportais difficilement ma nouvelle situation bien que ma vie terrestre n'eût pas été extraordinaire. Eût-il fallu qu'elle l'eût été? N'eût-il pas fallu que je me complusse dans mon existence, eût-elle été morne et maussade?
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