Du 29 – 04 au 17 – 05 – 15, l’ESPACE ART GALLERY (Rue Lesbroussart, 35, 1050 Bruxelles) a le plaisir de vous présenter SPIRALES, l’œuvre abstraite de Madame LILIANE MAGOTTE, une peintre Belge dont la relation qu’elle entretient avec l’abstraction ne manquera pas de vous interpeller.
LILIANE MAGOTTE nous entraîne dans les tréfonds d’une aventure qui secoua l’Histoire de l’Art, particulièrement à partir de l’après-guerre : celle de l’abstraction dite « lyrique ». Les premiers exemples de cette forme abstraite remontent au début du 2Oème siècle avec des peintres tels que Kandinsky. Si cette abstraction fut qualifiée de la sorte, ce fut pour la différencier d’une autre forme abstraite, à tendances géométrique ou constructiviste, de laquelle l’émotion ne transparaissait pas. Mais ce ne fut qu’à l’Après-guerre que cette forme d’abstraction nouvelle se développa avec bonheur, à partir de l’Ecole de Paris, sous l’égide de peintres tel que Georges Mathieu.
Entre abstraction « lyrique » (dominée par la seule couleur) et abstraction « florale » (dominée par la présence du motif- en l’occurrence, la fleur), LILIANE MAGOTTE se cherche en nous offrant des bouquets de couleurs, plongés dans un arrière-plan dont la luminosité particulière fait ressortir le sujet représenté de façon saisissante.
Au contact avec son œuvre, le visiteur peut se demander si l’artiste veut entretenir un rapport sentimental avec la forme, associée à un référant faisant intimement partie de notre vie quotidienne.
Dans le cas qui nous occupe, ce référant c’est l’univers floral. Elle le propose au visiteur en interpellant son souvenir dans la moindre réminiscence sensuelle. Sont-ce des fleurs ou des aperceptions rappelant l’univers des fleurs ?
Mais ces bouquets ne se suffisent pas tels quels : des stries de couleurs viennent les enrober et les porter au regard.
En réalité, tout chez cette artiste est une question de couleurs et de celles-ci surgit la forme dans toute la magie de son abstraction. Concernant l’univers floral, cette abstraction est « matérialisée » par une technique acquise en Histoire de l’Art, au début du 20ème siècle, dans le but de brouiller l’acuité du regard, en projetant le sujet dans une dimension « photographique », à savoir le pointillisme, obligeant le regardant à « faire le point » sur le sujet regardé.
De là, s’accomplit la mise au point laquelle n’est autre qu’un problème de perception rétinienne. Mais à ce stade, intervient le phénomène de la subjectivité, laquelle guidée par le chromatisme de l’artiste, conduit le regardant à fabriquer une image à cette aperception. Car ce n’est que par la couleur que la forme survient dans son œuvre.
Par la présence de l’émotion, LILIANE MAGOTTE nous laisse, non pas deviner mais bien créer des choses car l’interprétation (subjective par excellence) revient au visiteur, cocréateur de l’univers qui le submerge. L’artiste (et c’est en cela que son œuvre est totalement « abstraite ») n’impose rien.
La portée même de l’émotion se retrouve exprimée dans le titre conféré aux œuvres. Ainsi, que vient faire parmi cette myriade de couleurs aux silhouettes florales, cette composition largement dominée par le noir ? NOIR DESSIN (50 x 50 cm – acrylique sur toile)
a été dicté à l’artiste par les tragiques événements survenus à Paris le 7 janvier dernier, lesquels ont couté la vie à la presque totalité de la rédaction du magazine Charlie Hebdo. Malgré quelques petites étincelles dorées, c’est le noir qui est le sujet de cette œuvre. Le noir, allégorie d’une tragédie.
A la lecture des titres, l’on s’aperçoit que beaucoup d’entre eux ont des réminiscences révolutionnaires évoquant une finalité régénératrice, telles que MESSIDOR (70 x 70 cm –acrylique sur toile),
PRAIRIAL (40 x 100 cm – acrylique sur toile),
REVOLUTION (70 x 70 cm – acrylique sur toile)
ou VENDEMIAIRE (40 x 100 cm – acrylique sur toile).
La phase florale n’est, en fait, qu’une étape dans l’œuvre créatrice de l’artiste. Cette exposition nous dévoile le parcours qui l’a conduite de l’abstraction florale à l’abstraction lyrique. Ce parcours se caractérise par un refus progressif (mais inconditionnel) d’un savant pointillisme. MESSIDOR (cité plus haut), laisse apparaître sur la toile, l’idée de pétales comportant de par son traitement pictural (la forme), les attributs nécessaires à la création d’une image, susceptible de s’inscrire dans le système cognitif du visiteur. PRAIRIAL (cité plus haut), offre également une « évocation » de fleurs que le visiteur peut interpréter au gré de sa sensibilité.
VENDEMIAIRE (cité plus haut) est sans doute la seule œuvre abstraite laissant apparaître la possibilité de formes florales précises. Des œuvres telles que REVOLUTION (cité plus haut), associent les discours floral et abstrait dans une série d’entrelacs mêlés à une végétation à peine transparente.
Les trois derniers tableaux exécutés par l’artiste témoignent d’une rupture par étapes avec le discours floral pointilliste. Ainsi, la forme se déploie sur un fond uniformément blanc par rapport aux autres compositions, largement dominées par une série de couleurs créant parfois une atmosphère à la fois lumineuse et nocturne, telles que le vert ou le bleu associées.
FRIMAIRE (40 x 100 cm – acrylique sur toile),
accuse encore son goût pour un pointillisme extrêmement fourni.
Par contre, VENTOSE (70 x 70 cm – acrylique sur toile) réduit ce même pointillisme à sa plus simple expression. Contrairement à FRIMAIRE, les taches, plus amples dans leur volume, s’avèrent moins présentes. De plus, elles subissent un changement chromatique radical : du bouquet multicolore, elles passent au jaune-or, bleu-foncé et vert.
LUMINESCENCE (50 x 100 cm –acrylique sur toile)
est l’aboutissement de cette quête vers une abstraction plus dégagée de ses contraintes chromatiques pour n’adopter que les spirales du trait.
Comme nous l’avons précisé, l’intitulé de cette exposition est précisément SPIRALES. Cela sous-entend une maîtrise du trait que l’artiste domine jusqu’à le faire tourbillonner dans l’espace, le faisant sortir carrément de la toile comme pour aller au-delà du geste.
Qu’est-ce qui crée la magie des toiles de LILIANE MAGOTTE ? « L’ensemble de la composition », direz-vous. Certes. Néanmoins, ce qui porte véritablement la forme au seuil du regard, c’est avant tout, l’arrière-plan de la toile, conçu comme un monde où couleurs et translucidité s’enveloppent l’une dans l’autre, plongeant l’œuvre dans une sorte de silence. De cet arrière-plan originel, la forme s’ouvre à la lumière.
L’artiste qui expose maintenant depuis six ans, a fréquenté les Beaux Arts. Elle a suivi les Humanités en Arts Plastiques et elle est titulaire d’un Régendat dans le même domaine.
Elle est aujourd’hui professeure d’Arts Plastiques dans une école technique. A vingt ans, elle découvre l’art abstrait avec, notamment, les œuvres de Jackson Pollock. Etant dans le figuratif depuis vingt-cinq ans, elle décide de franchir le pas vers un abstrait parsemé de pointillisme dans une perspective essentiellement « lyrique ». Ce n’est que récemment qu’elle décide de l’abandonner pour aborder une abstraction plus pure. Cette pureté est exprimée par le blanc. FRIMAIRE, VENTOSE et LUMINESCENCE, sont réalisés au blanc de zinc et de titane.
D’un très grand éclectisme, elle pratique l’acrylique, l’huile, l’aquarelle, le fusain et le pastel avec le même bonheur.
Peinture essentiellement allégorique, les titres de ses tableaux renforcent l’éclairage de leur connaissance. Ils sont d’ailleurs agrémentés par des textes reproduisant des poèmes écrits par les poétesses : Sandra Dulier, Joelle Diehll et Suzanne Walther-Siksou, membres du groupe Partenariat Poésie-Peinture du réseau Arts et Lettres.
LILIANE MAGOTTE, par la délicatesse de son pinceau, nous prouve que, contrairement à ce que d’aucuns imaginent (ou craignent), l’abstrait fait transparaître et triompher l’humain.
Lettres
N.-B.: Ce billet est publié à l'initiative exclusive de Robert Paul, fondateur et administrateur général d'Arts et Lettres. Il ne peut être reproduit qu'avec son expresse autorisation, toujours accordée gratuitement. Mentionner le lien d'origine de l'article est expressément requis.
Robert Paul, éditeur responsable
A voir:
Focus sur les précieux billets d'Art de François Speranza
François Speranza et Liliane Magotte: interview et prise de notes sur le déjà réputé carnet de notes Moleskine du critique d'art dans la tradition des avant-gardes artistiques et littéraires au cours des deux derniers siècles
(29 avril 2015 - Photo Robert Paul)
Liliane Magotte - Vue d'ensemble (photo Espace Art Gallery).
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Commentaires
L’artiste belge Liliane Magotte a exposé ses œuvres dans la galerie en 2015. Et son billet d’art du critique d’art François Speranza à été publié dans le « Recueil n° 4 de 2015 » par « Les Éditions d’art EAG » dans la Collection « États d’âmes d’artistes » en 2016.
Lien vers la vidéo lors du vernissage de son exposition dans la galerie :
https://youtu.be/THxeXHJPX-Y
Merci Monsieur Paul pour ce beau partage. Les toiles de Liliane sont à son image, colorées, dynamiques, positives et raffinées. Toutes mes félicitations à Liliane et un tout grand merci à Monsieur Speranza pour son analyse.
Zoé
Toutes mes félicitations Liliane .......Couronnement bien mérité......Amitiés ......Jacky.
Pour moi dans "Noir" ce n'est pas le noir qui domine. Oui le fond est vraiment noir, la violence des éclats clairs tentent de s'imposer mais le calme des pépites dorées demeurent imperturbables. J'y trouve le souvenir des disparus de cette tragédie.
superbes de trés jolies oeuvres
De très belles œuvres, c'est un univers passionnant. Bravo Liliane !
Il est vrai que grâce aussi à Monsieur Spéranza les lignes bien pensées et expliquées nous permettent d'autant à apprécier ce beau travail acrylique
Trés belle oeuvre bravo !
Bravo à Liliane Magotte pour ses belles toiles harmonieuses, élégantes et pleines d'élan et à François Speranza qui sait si bien contextualiser les belles œuvres