DIRE COMBRAY - MARCEL PROUST
Jouer pour lire et dire.
Il n'est pas sanglé dans un costume de dandy fin 19e, il est en habits de metteur en scène. Dans la nudité noire du plateau, assis sur une chaise de bois, Michel Voïta réussit parfaitement à installer la croyance d’être les sujets du livre lu à la chandelle: trois extraits significatifs des premiers chapitres de Du côté de chez Swann.
Il entraîne rapidement le public dubitatif sur son oreiller d’enfant, parcourant à la manière d’un orchestre de jazz tous les moments de réveil, ces zones entre-deux où s’installent des intuitions profondes et fugaces. Contact, tout s’éclaire. Un temps qui convoque de fulgurants instantanés de mémoire tels des étoiles filantes et qui superpose des perceptions de temps multiples. Nous sommes pris à notre tour au creux du kaléidoscope de Marcel Proust qui balaie l’espace d’évocations tangentes et confuses. Et tout devient lumineux, révélé comme la perception soudaine qui vous saisit lorsque l’on regarde des illusions d’optique. Un tour de force théâtral. Un défilé de personnages et d'ombres et lumières, qui nous ramènent à notre propre ressenti. Une approche originale pour mettre en valeur les textes qui nous passionnent ou nous tétanisent et de les rendre accessibles à tous.
« Comme c’est le cas pour bon nombre d’entre nous, le texte de « À la recherche du temps perdu » constituait une culpabilité culturelle » explique Michel Voïta dans sa note d’intention. Comme pour nombre de pauvres élèves à qui on infligea de pénibles dictées de mots et de souffle - dont il fallait ensuite faire la torturante analyse logique - les difficultés commencèrent lorsqu’il entama son travail de lecture du premier chapitre. Puis lui vint une sorte d’illumination, une communion subite avec le narrateur qui décrit comment, jeune garçon, il inventait un stratagème pour que Françoise accepte de porter la lettre qu’il venait d’écrire afin que sa mère monte lui dire bonsoir dans sa chambre. Une évidence lui sauta dans le cœur: « … il ne fallait pas seulement « dire » ce texte, il fallait le faire mien, le jouer, l’inventer sur le moment même. Il me fallait m’en emparer. Comme n’importe quel rôle. Il était écrit pour cela. Et, aussitôt que je l’abordai ensuite avec cet état d’esprit, le texte s’ouvrit, se dévoila, se simplifia, les phrases s’emboîtaient maintenant logiquement et un cortège d’émotions surgit. »
Et à son tour le public est impressionné et submergé par la même évidence, celle de l’essence du sentiment amoureux à travers les perceptions cruelles de l’amour. Une collision entre la diffraction lumineuse de l’impressionnisme et la recherche intense de l’essence des sentiments de l' expressionnisme. Une rencontre enfin avec un magicien de mots, à la diction parfaite, tendu comme un arbre de vie, vibrant comme un arc - celui d’Ulysse, nul doute - avec son orchestration subtile et juste de l’espace des émotions. Une voix parfaite qui plonge et s'élève dans une très large tessiture. Jouer pour lire et dire. Réussir le défi. Peut-être reconquérir l’amour. Présenter la galerie de personnages qui sous-tendent l'oeuvre et les faire aimer. Faire d'une représentation théâtrale le teaser d'une oeuvre monumentale.
Le public est comblé et reconnaissant devant ce troubadour, voyageur de temps et d’espace. Les amoureux de Proust ne se sentent plus de joie et les autres accèdent aux capiteuses libations, invités désormais à oser entrer dans l’œuvre et à en savourer la force évocatrice.
http://theatre-martyrs.be/saison/dire-combray/0232A99C-552E-EB3B-8F10-4BE41AD6988C/
Mise en scène de Michel Voïta
DATES Les représentations auront lieu du 12 au 29 octobre 2016. Les mardis et samedis à 19h00, les mercredis, jeudis et vendredis à 20h15, les dimanches 16.10 & 23.10 à 16h00
GENERIQUE DU SPECTACLE JEU Michel Voïta
CO-REALISATION Théâtre Adélie 2 | La Servante
RESERVATIONS par téléphone +32 2 223 32 08 ou via le site www.theatremartyrs.be
Bruxelles | Théâtre de la Place des Martyrs infos sur le lieu | Tel. +32 (0)2 223 32 08 | |
Paris | Théâtre de la Huchette infos sur le lieu | Tel. +33 (0)1 43 2638 99 |
http://www.tdg.ch/culture/culture/Proust-en-veuxtu-en-Voita/story/26413720
Commentaires
...Que demander de plus pour décrire aussi parfaitement la sensation d'une émotion non pas perdue, mais enfouie au tréfonds de notre mémoire ? Ce sentiment délicieux, qui refait surface au moment précis où une odeur, une vision, un événement surgit là, devant nos yeux et se faufile subrepticement à l'intérieur de notre être pour se rappeler à nous, dans un moment d'harmonie délectable qui n'appartient qu'à celui qui peut le revivre... C'est ainsi que l'on peut ensuite le partager, dans l'écriture qui donne et rebondit vers un autre qui saura s'en saisir dans le partage! Place au T E X T E !
"II y avait déjà bien des années que, de Combray, tout ce qui n'était pas le théâtre et le drame de mon coucher, n'existait plus pour moi, quand un jour d'hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j'avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé.
Je refusai d'abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai.
Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d'une coquille de Saint-Jacques.
Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d'un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j'avais laissé s'amollir un morceau de madeleine.
Mais à l'instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d'extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m'avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause.
II m'avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu'opère l'amour, en me remplissant d'une essence précieuse : ou plutôt cette essence n'était pas en moi, elle était moi.
J'avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel.
D'où avait pu me venir cette puissante joie ? Je sentais qu'elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu'elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature.
D'où venait-elle ?
Que signifiait-elle ?
Où l'appréhender ?
Je bois une seconde gorgée où je ne trouve rien de plus que dans la première, une troisième qui m'apporte un peu moins que la seconde. II est temps que je m'arrête, la vertu du breuvage semble diminuer. Il est clair que la vérité que je cherche n'est pas en lui, mais en moi. ...
Je pose la tasse et me tourne vers mon esprit. C'est à lui de trouver la vérité.
Mais comment ?
Grave incertitude, toutes les fois que l'esprit se sent dépassé par lui-même ; quand lui, le chercheur, est tout ensemble le pays obscur où il doit chercher et où tout son bagage ne lui sera de rien.
Chercher ?
pas seulement : créer.
II est en face de quelque chose qui n'est pas encore et que seul il peut réaliser, puis faire entrer dans sa lumière.
Et je recommence à me demander quel pouvait être cet état inconnu, qui n'apportait aucune preuve logique, mais l'évidence, de sa félicité, de sa réalité devant laquelle les autres s'évanouissaient.
Je veux essayer de le faire réapparaître. Je rétrograde par la pensée au moment où je pris la première cuillerée de thé.
Je retrouve le même état, sans une clarté nouvelle.
Je demande à mon esprit un effort de plus, de ramener encore une fois la sensation qui s'enfuit. Et, pour que rien ne brise l'élan dont il va tâcher de la ressaisir, j'écarte tout obstacle, toute idée étrangère, j'abrite mes oreilles et mon attention contre les bruits de la chambre voisine.
Mais sentant mon esprit qui se fatigue sans réussir, je le force au contraire à prendre cette distraction que je lui refusais, à penser à autre chose, à se refaire avant une tentative suprême.
Puis une deuxième fois, je fais le vide devant lui, je remets en face de lui la saveur encore récente de cette première gorgée et je sens tressaillir en moi quelque chose qui se déplace, voudrait s'élever, quelque chose qu'on aurait désancré, à une grande profondeur ; je ne sais ce que c'est, mais cela monte lentement ; j'éprouve la résistance et j'entends la rumeur des distances traversées.
Certes, ce qui palpite ainsi au fond de moi, ce doit être l'image, le souvenir visuel, qui, lié à cette saveur, tente de la suivre jusqu'à moi.
Mais il se débat trop loin, trop confusément ; à peine si je perçois le reflet neutre où se confond l'insaisissable tourbillon des couleurs remuées ; mais je ne peux distinguer la forme, lui demander, comme au seul interprète possible, de me traduire le témoignage de sa contemporaine, de son inséparable compagne, la saveur, lui demander de m'apprendre de quelle circonstance particulière, de quelle époque du passé il s'agit.
Arrivera-t-il jusqu'à la surface de ma claire conscience, ce souvenir, l'instant ancien que l'attraction d'un instant identique est venue de si loin solliciter, émouvoir, soulever tout au fond de moi ?
Je ne sais.
Maintenant je ne sens plus rien, il est arrêté, redescendu peut-être ; qui sait s'il remontera jamais de sa nuit ?
Dix fois il me faut recommencer, me pencher vers lui.
Et chaque fois la lâcheté qui nous détourne de toute tâche difficile, de toute oeuvre importante, m'a conseillé de laisser cela, de boire mon thé en pensant simplement à mes ennuis d'aujourd'hui, à mes désirs de demain qui se laissent remâcher sans peine.
Et tout d'un coup le souvenir m'est apparu.
Ce goût, c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul.
La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse goûté ; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres plus récents ;
peut-être parce que, de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s'était désagrégé ;
les formes - et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel sous son plissage sévère et dévot - s'étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d'expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience.
Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir. "
Marcel Proust
(À la recherche du temps perdu.
Du côté de chez Swann, 1913)
À la recherche de Marcel Proust
Selon Barthes, le bonheur de relire Proust réside dans le fait de ne jamais sauter les mêmes passages. Mais il faut encore avoir lu ce chef-d’œuvre avant de le relire ; Michel Voïta n’est pas dupe, avant d’en travailler le texte pour la scène, il n’avait jamais parcouru La Recherche.
Classiques parmi les classiques, les différents tomes de ce roman fleuve ont quelque chose d’intimidant. Le premier refus de Gallimard de publier le texte est légendaire : il illustre les difficultés de réception de cette œuvre majeure. Bien des réalisateurs, des metteurs en scène se sont essayés à la transposition en images de ce livre mais il semble que ce soient les lecteurs qui fassent aujourd’hui les meilleurs passeurs. Guillaume Gallienne a donné à entendre l’humour de Proust dans ses émissions radios ; Michel Voïta lui nous plonge dans l’univers sensible du narrateur. Proust est peut-être avant tout une question de voix comme nous le suggère Dire Combray.
« Longtemps je me suis couché de bonne heure »
Le spectacle et le livre commencent avec cette même phrase. Michel Voïta fait le choix de la première partie, du premier chapitre ; il débute la lecture avec le spectateur. Le plateau est nu, le lecteur rentre avec son folio ; nous entrons de plein pied dans Combray. Très vite, l’acteur prend le dessus et se détache du livre. ll faut bien cela pour rendre vie à ce monde d’hier, ces existences du début du XXème siècle. La diction claire et le texte par cœur, Michel Voïta nous propose un rapport intime avec l’œuvre. Il s’approprie la parole du narrateur et lui donne chair.
Combien de lignes a-t-on écrit sur le style de Proust, la complexité de la phase, la longueur des propositions ? Il n’est pas donné à tout le monde de rendre justice à cette syntaxe, à cette parole singulière. L’acteur nous épargne la vision des blocs de textes, mais nous propose un autre son de cloche. Ce n’est pas la cérébralité du narrateur qui interpelle, c’est plutôt la vivacité avec laquelle les pensées se succèdent. En donnant une âme à ce qui est écrit, en jouant sur les rythmes, Michel Voïta restitue toutes les nuances du textes. Ridicule, pathétique et fier en même temps le narrateur est avant tout un hypersensible qui cherche par tous les registres à se faire aimer.
Le narrateur est bavard, ne souffre pas le vide, mais l’acteur donne l’impression de mettre l’œuvre en conversation. Il est bien sûr question de thé, de madeleine, de rapport au temps mais avant tout d’une sensibilité. On pourra lire la suite par soi-même, ou la relire, mais l’on attend avec plaisir la prochaine mise en voix.
Textes de Marcel Proust
Avec Michel Voïta
Durée 1h
Jusqu’au 19 décembre, les samedis à 21h et lundis à 20h au Théâtre de la Huchette
Alexandre DEMIDOFF,
Le temps
Michel Voïta a choisi trois extraits célèbres de La Recherche du temps perdu de Marcel Proust, plus précisément du premier volet, Du côté de chez Swann : le premier chapitre, la scène du « baiser de maman » et celle de la fameuse expérience de la madeleine trempée dans du thé. Dans les premières pages de la Recherche (« Longtemps je me suis couché de bonne heure… »). En 2004 Charles Tordjman avait mis en scène La Recherche dans Je poussais donc le temps avec l’épaule (2004), interprété magistralement sur un mode plus abstrait par Serge Maggiani dans un décor immaculé comme la page blanche de l’écrivain. Sur un mode très différent et incomparable, Michel Voïta fait le choix de la simplicité et de la familiarité tout en mettant en valeur la virtuosité du style et la profondeur du propos.
Sur la petite scène du théâtre à peine habillée de pendrillons de velours noir, une table ordinaire et une chaise non moins ordinaire. Le comédien entre le livre de poche à la main et commence par faire croire qu’il va faire une vraie lecture attachée au texte. Mais très vite, il pose le livre et nous embarque, les yeux fermés, dans la rêverie du narrateur. Proust analyse avec une précision sidérante les différentes phases de l‘endormissement au réveil nocturne en passant par les états de rêveries à demi-éveillés. Loin d’ennuyer le lecteur, il le rend complice de cette plongée familière que chacun connaît sans avoir le génie littéraire pour la décrire.
Voïta tient le pari audacieux de l’interprétation sans jamais trop en faire. Et nous voilà dans la chambre du narrateur, à interroger l’obscurité, à identifier l’espace brusquement étranger à l’occasion d’un réveil brutal, ou bien encore à rêver d’autres chambres où le narrateur a séjourné et dont il fait des descriptions pleines d’humour dans lesquelles elles deviennent de véritables personnages, comme cette chambre où « j’avais été intoxiqué moralement par l’odeur inconnue du vétiver, convaincu de l’hostilité des rideaux violets et de l’insolente indifférence de la pendule qui jacassait tout haut comme si je n’eusse pas été là ».
Le deuxième extrait met en scène des personnages auxquels Voïta donne vie d’un simple geste, d’une intonation, prenant soin de faire ressortir l’humour du romancier. La venue de monsieur Swann est toujours un événement source d’angoisses pour le petit Marcel car cela lui fait craindre de ne pas recevoir le baiser rituel de sa maman. Envoyé se coucher plus tôt que d’habitude Marcel se désespère : « Il fallut fermer les volets, creuser mon propre tombeau, en défaisant mes couvertures, revêtir le suaire de ma chemise de nuit ». S’en suit le récit de la « ruse de condamné » et ses conséquences inattendues.
Enfin, vient la scène emblématique de la madeleine qui analyse le principe mystérieux de la réminiscence. Le ton change, l’interprétation est plus intériorisée mais Michel Voïta, tranquillement assis sur sa chaise, les yeux dans les yeux, nous fait vivre cette expérience comme un suspens, comme une épiphanie. Il communique sa passion pour le roman et, qui sait, convaincra les lecteurs rétifs de plonger dans une véritable aventure de lecture.
Proust, dire Combray, avec Michel Voïta, au théâtre de la Huchette les lundis à 20h et les samedis à 21h. Résa : 01 43 26 38 99
http://www.webtheatre.fr/Proust-dire-Combray-par-Michel
Comment lire Proust? Commencez par aller au Théâtre de la Huchette http://www.theatre-huchette.com/proust-dire-combray/
découvrir Michel Voïta tous les samedi et lundi jusqu'au 19 décembre…C'est cadeau !
Avec gourmandise Michel Voïta dit des fragments de la Recherche du temps perdu de Proust, se glissant sans autre artifice que celui des mots dans l’univers du jeune Marcel.
Comment mettre Marcel Proust sur scène ? Comment résumer La Recherche ? A ces deux questions Michel Voïta répond par la simplicité. Celle qui rend accessible sans déformer, celle qui doit donner envie d’aller plus avant. C'est-à-dire de se plonger dans les centaines de pages de cette œuvre au long cours, qui tournoie aussi bien dans le monde de la haute bourgeoisie et de l’aristocratie française du début du siècle dernier, que dans l’univers mental de cet auteur magistral qui dut publier d’abord à compte d’auteur, après le refus temporaire des plus grandes maisons d’édition...
De la Recherche du temps perdu, qui commence ainsi comme l’on sait : « Longtemps je me suis couché de bonne heure », Michel Voïta a retenu le premier chapitre, d’où le sous titre de son spectacle : « dire Combray » du nom inventé du village d’enfance du jeune garçon. L’auteur/narrateur, y fait part de ses frayeurs nocturnes, de son amour passion pour sa mère, de ses insomnies (déjà).
Disposant, et il n’en faut pas plus, d’une petite table et d’une chaise, Voïta donne chair au récit, ne lit pas, ne récite pas, mais crée un univers. Comme une partition qui roule, comme une mer qui enfle. Et pourtant, avoue-t-il, quand, en Suisse, il lui a été proposé de faire une lecture publique de Proust, « je ne l’avais jamais lu, et à chaque fois que j’avais voulu m’y mettre, j’avais renoncé, le livre m’étant tombé des mains, et je remettais toujours à plus tard la décision de passer par-dessus les premières difficultés de lecture ». Une telle langue, aussi multiples, aussi dense, ne peut se dire il est vrai du bout des dents.
Mais après force travail, le texte est là, bien là. Et avec lui tout un univers que l’on observe, dont les odeurs et les ombres se révèlent, que l’on touche presque. Dans le tourbillon final, Michel Voïta parvient même à faire partager un souvenir de douceur, de presque rien et pourtant sublime : « Ce goût c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul ». Comme si l’on y était. Lumineux.
Jusqu’au 19 décembre au Théâtre 23 rue de La Huchette Paris 5e, téléphone : 01 43 26 38 99.
Gérald Rossi
du vécu: