Smith rejoint l’agence Magnum en 1955 et va à Pittsburgh pour un reportage, qui devrait durer 3 semaines, et pour lequel il doit fournir une centaine de photos à l’occasion du bicentenaire de la ville. Il va y travailler durant 3 ans et en ramener plus de 10.000 images, sans l’accord ni le soutien de l’agence, ce qui entraînera sa ruine malgré deux bourses reçues de la Fondation Guggenheim, en 1956 et 1958, car aucune revue ou agence n’accepte de financer un tel projet. Il refuse une proposition de 21.000 $ pour une publication partielle car on ne lui accorde pas le contrôle du choix des images, de leurs légendes et de la mise en page. Il y aura une publication de 88 photos dans Photography Annual de 1959, pour laquelle il ne touchera que 1.900 $ mais dont il aura le contrôle total.
En 1956, il réalise sa première commande en couleurs pour l’American Institute of Architects lors d’un travail sur l’architecture moderne. Des tirages géants de 3,50 m. seront réalisé à cette occasion. En 1957 il quitte sa famille et s’installe seul dans un loft de la Sixième avenue à New York où il commence un travail de longue haleine sur des images de rue prises depuis sa fenêtre et des photos de musiciens lors de jam sessions ou de séances d’enregistrement. Il enseigne à la New School for Social Research, et quitte Magnum en 1958.
En 1961-62 il fait un reportage de 2 ans sur la firme Hitachi au Japon. En 1971 il s’installe avec sa seconde épouse Eileen Mioko, également photographe, à Minamata, une petite ville du Japon, afin de suivre les effets de la pollution industrielle. Il y passe 4 ans dans le dénuement le plus complet. Victime de violences de la part d’employés de la firme Chisso, responsable de la pollution, il perd presque la vue et doit être rapatrié d’urgence aux Etats-Unis. La publication de 11 photos dans Life puis d’un livre sur le sujet aura un retentissement mondial.
On peut dire que sa volonté d’implication personnelle dans les sujets de ses reportages a révolutionné cette nouvelle forme de photojournalisme, pour l’époque, appelée “essai photographique”. Insistant sur la responsabilité sociale du photographe, il a développé tout au long de sa carrière une éthique à laquelle il s’est tenu sans dévier et est devenu un modèle pour beaucoup de reporters qui l’ont suivi.
En 1976 il dépose ses archives (11 tonnes !) à l’Université d’Arizona, à Tucson, où il enseigne. Il meurt d’un infarctus en 1978, avec 18 $ sur son compte en banque...
Un “Prix de la Photographie humaniste” de 30.000 $ portant son nom est décerné annuellement depuis 1980 par l’International Center for Photography de New York. Il est destiné à aider et encourager les photographes travaillant indépendamment des courants de la mode et des impératifs économiques de l’édition pour rendre compte des aspects importants du monde actuel.
Commentaires
Du photojournalisme où éthique et esthétisme sont indissociés. Smith un grand pas banal.
Merci pour cet excellent partage.