Statistiques google analytics du réseau arts et lettres: 8 403 746 pages vues depuis Le 10 octobre 2009

Une rencontre JGobert

Sous un vieux saule éventré se cache une mare. Encerclé d’herbes folles,  ce petit point d’eau reçoit et abrite les petits animaux du coin. Apparaît souvent un être que peu de personnes aiment. Hideux sous sa peau boursoufflée, il n’a pas reçu les faveurs du créateur. Et pourtant, sa vie vaut bien celle d’une autre et sa laideur n’est pas un critère de sélection. Une grosse pierre l’accueille chaque jour et il prend un peu de chaleur quand le soleil apparaît. L'ayant aperçu plusieurs jours de suite durant ma promenade matinale, je suis revenu le voir. Ma patience se fait tendre en attendant mon nouvel ami. Celui-ci me fait attendre. La pluie se remet à tomber. L'été est pluvieux.  Et toute cette eau qui se déverse sur la nature la noie.

Mais d’un saut assuré, il se pose sur ce caillou et me regarde. Il a senti ma présence et ne bouge pas. Sa peau épaisse le protège et le dissimule, le rendant parfois invisible. Pourtant considéré comme utile et consommant de nombreux insectes, ce petit batracien est mal aimé et est une victime menacée.

Dans mes souvenirs d’enfance, dans les contes d’autrefois,  transformé en prince charmant ou en vilaine sorcière, cet animal a animé mes soirées et fait vivre mon imagination. Souvent associé aux maléfices et aux rituels magiques, il a occupé une place de choix dans la sorcellerie. Plus tard, traversant la légende des siècles, un grand poète l’a mis à l’honneur dans un de ses textes les plus forts et je garde encore l’émotion de sa fin tragique.

Un matin gris sous un ciel de pluie, je m’aventure dans le petit jardin jouxtant ma terrasse et découvre ce crapaud tapi dans un coin et ayant l’air apeuré et mal en point.  Il ne bouge plus et respire bruyamment. N’ayant que peu de temps à lui consacrer, je le laisse à l’endroit qu’il a choisi et promets de revenir dés que mon temps le permettra. Ma journée passe lentement et mon esprit ne quitte pas ce petit être hideux qui j’espère m’attend chez moi.  Mon travail terminé, je file à toute vitesse et plonge directement dans le jardin prenant soin de marcher doucement pour ne pas l’effrayer.  Il a disparu.  Ma déception est grande, j’aurai aimé l’aider avec le peu de moyen qu’un humain peut avoir sur un tel animal.

La pluie retombe avec force et me contraint de me mettre à l’abri, je rentre me sécher. Le matin suivant, à peine levé, je me rends sur la terrasse et cherche de nouveau ce batracien peut-être revenu.  Cette fois, il a bien disparu et n’apparaitra plus. Mon esprit s’envole et la vie trépidante reprend ses droits oubliant presque ce petit hideux.

Un soir, assis sur ma terrasse, écoutant les bruits autour de moi, un son inhabituel me fait tendre l’oreille et laisse mon attention en éveil. Un vilain bruit qui ne ressemble pas aux chants des oiseaux et qui, directement, me fait penser à ce batracien de la mare d’à coté. Mes yeux le cherchent et enfin, je le découvre dans les feuilles mortes. Il me regarde d’un œil vitreux et gonfle de nouveau sa gorge délivrant ainsi ce son si particulier. L’espace d’un instant, nos regards se croisent. Un moment de grâce que souvent les humains se refusent. Un minuscule instant d’humanité si rare entre race. Une étincelle de vie entre espèce. Ma soirée est rayonnante et je savoure ce plaisir si rare d’une rencontre si improbable.  

 

Envoyez-moi un e-mail lorsque des commentaires sont laissés –

Vous devez être membre de Arts et Lettres pour ajouter des commentaires !

Join Arts et Lettres

Commentaires

  • Merci Betina pour votre encouragement. Je vous souhaite également une excellente fin de journée et une belle fin d'été.

    Mes amitiés

    Josette

  • Bonjour Josette,

    Tous vos textes son un régal et, celui-ci m'a beaucoup touché.

    Je vous souhaite une belle fin d'été avec encore plein de textes à nous offrir.

    Encore merci

    Betina

  • Merci Michel pour le commentaire.. Je ne connais pas cette légende et c'est toujours agréable à apprendre.

    Bonne journée

    Amicalement

    Josette

  • Le crapaud traîne une bien mauvaise réputation mais engendre aussi de bien jolies histoires.

    Des légendes courent toujours la campagne, ainsi "Le crapaud et la belette se détestent. Quand ils se rencontrent, le crapaud fait des cercles autour de la belette, et au bout d'un moment la belette affolée se jette tout droit dans sa gueule en poussant des cris", Joachim Camerarius, 1605 (in Comment faire taire les grenouilles ?, Christophe Recoura, 2008).

  • C'est vrai que ce batracien est bien utile dans les potagers et qu'il n'est pas nuisible. Seul sa laideur gêne. C'est pareil pour les humains. Joli commentaire Nicole.

    Amicalement

    Josette

     

  • J'ai parcouru ton texte avec plaisir, Josette ! Merci de ton partage ! 

    Hideux, le crapaud ?  Peut-être  certains d'entre eux  nous paraissent-ils plus pustuleux ? Est- il repoussant pour autant ?  Les légendes à son encontre sont tenaces...

    Beaucoup ressemblent pourtant, à s'y méprendre,  à des grenouilles , revêtus plus modestement  d'une robe un rien plus terne ou plus sombre !  

    Un peu d'humidité leur suffit, une cache à l'ombre les accueille en journée...

    Chaque soir, un  crapaud  est installé près du petit jardin, sur les pavés...je le repère d'emblée et mes pas l'évitent soigneusement  ... confiant, il reste immobile ... il connaît ma voix et sait qu'il est  bienvenu... limaces, escargots "petits gris" et autres mets savoureux , sans pesticides ni autres poisons,  sont au menu de son repas nocturne...  Merci de ton "coup de pouce" au jardin , petit crapaud ! 

     

  • merci Rolande. Cette brave bête a de la suite dans les idées. Mais on peut rigoler un peu en écrivant...

    Excellent journée Rolande.

    Bisous Josette

  • Chère Josette,

    Merci pour cette jolie histoire qui nous reporte aux contes de notre enfance.

    Le brave crapaud pataud amoureux d'une princesse. Qui sait ! Tu étais peut-être la princesse qu'il a rencontrée un jour et qu'il revenait visiter pour échanger, encore, un regard amoureux.

    Quelle chance tu as …. J'en arrive à t'envier.

    Bisous. Rolande.

  • Merci de votre passage Gilbert.
    J'ai toujours eu un faible pour ce crapaud d'Hugo et parfois, il vient me rendre visite.
    Amitiés
    Josette
  • Bonjour Josette,
    En entrant il y a du "Dormeur du Val ". Très jolie introduction poétique; La nature n'a pas pondu que des papillons aux ailes chatoyantes mais aussi de moins jolies espèces, parfois mortelles. Toucher avec les yeux seulement ! Merci pour cette jolie histoire.
    Amitiés
    gilbert

This reply was deleted.

Sujets de blog par étiquettes

  • de (143)

Archives mensuelles