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12272709066?profile=original« Histoires » [Geschichten]est une œuvre euvre de l'écrivain suisse d'expression allemande Robert Walser (1878-1956), publiée en 1914. Walser est l'un des plus grands écrivains de langue allemande de ce siècle. Il fut l'auteur préféré de Kafka, et Musil l'admira sans réserve; Hesse et Walter Benjamin également. Sa mort "littéraire" précéda de vingt-sept ans sa mort physique. En effet, à partir de 1929, Walser ne devait plus rien écrire, cependant qu'il séjournait dans divers hôpitaux psychiatriques. Les conversations de ses dernières années, recueillies par Carl Seeling, donnent à penser que la fuite du monde et une volonté de retraite comptaient pour beaucoup dans cette "aliénation".

Le Bernois Robert Walser partage avec les romantiques allemands un sens de l'ironie qui met constamment en question sa propre littérature et où voisinent la tendresse et la cruauté, avec la folie toute proche et, enfin, la "Wanderlust". Le vagabondage, les longs voyages à pied ont été pour Walser un besoin aussi constant que pour les "fainéants" d' Eichendorf. Du reste, l'un de ses meilleurs récits s'intitule "La promenade". C'est au cours d'une longue promenade dans la campagne, en plein hiver, que Walser trouve la mort, dans la neige.

"Il ne faut pas être trop paresseux", avait-il écrit jadis, dans ses esquisses, "ne pas craindre quelques centaines de pas, se lever tôt, se mettre debout et vagabonder. Alors l'oeil se rassasie, et le coeur, avide de liberté, respire enfin. Va donc vers le bon paysage enneigé qui te sourit comme une bouche amicale. Rends-lui son sourire et salue-le de ma part." Walser a écrit d'innombrables esquisses et saynètes idylliques et aimables où l'humour enjoué et capricieux, l'ironie plaisante voilant l'angoisse, la cruauté et la mélancolie s'expriment en un langage singulièrement enveloppant, côtoyant ironiquement le surréel, l'angoisse, la folie, la mort. Tout le génie de Walser se trouve dans la simplicité des contes, des poèmes en prose, des paraboles, des récits surtout dont les plus beaux reprennent un épisode de la vie de personnages, de poètes pour lesquels il se sentait une affinité: Hölderlin, Brentano, Lenau, Kleist. La simplicité voulue et atteinte n'a jamais caché, à qui sait observer, la profondeur de vue de ce narrateur qui, de son poste, a su peindre aussi bien la nature que la grande ville. Comptable, employé de librairie ou secrétaire, Walser a toujours vécu dans une pauvreté qui ne lui pesait pas. Avec une humilité, à la fois véritable et feinte, il a porté sur les situations familières le regard le plus étrange. Avant tout, c'est le rapport maître-serviteur ou maître-élève que mettent en scène ses trois grands romans et ses récits -voir "L'institut Benjamenta" et "L' employé". Il aime exalter la petitesse la dépendance, mais en réalité, c'est la domination et toute illusion de grandeur qu'il met en cause avec un mélange singulier de pitié fraternelle et de dur mépris. Il évite toute référence intellectuelle, et pourtant la trame de ses oeuvres est formée par quelques-uns des thèmes les plus profonds de notre époque. Lorsque Walser s'enthousiasme ou s'indigne, il ne perd jamais de vue que cela fait partie de l'acte d'écrire  et que ses sentiments sont montés sur "fil de fer". C'est ainsi par exemple que pour lui un pré est tantôt un objet véritable, tantôt un mot écrit sur une feuille de papier. Il imposera brusquement silence à ses "héros" et laissera parler l'histoire comme s'il s'agissait d'un personnage. Sur les "Histoires", Robert Musil devait écrire: "Danse de marionnettes, ironie romantique, avec quelque chose qui évoque de loin les poèmes de Morgenstern où les rapports s'écoulent par leur propre poids, le long des associations verbales. Pour Walser, l'association n'est d'ailleurs jamais purement verbale, elle a toujours un sens, de telle manière que la ligne du sentiment qui l'anime se soulève comme pour un grand élan, puis dévie et se reprend dans un balancement, satisfaite de se diriger vers quelque nouvelle séduction. Je n'irai pas jusqu'à dire que ce n'est pas un jeu, mais malgré une maîtrise verbale immense et passionnante, ce n'est pas un jeu littéraire; c'est plutôt un jeu humain mené avec beaucoup de douceur, de rêverie, de liberté, et avec la richesse morale d'une de ces journées apparemment inutiles et oiseuses où nos convictions les plus fermes se détendent..." En lisant ces "Histoires", nous pouvons observer l'importance que prend pour lui l'acte d'écrire; c'est là son principal thème. Nous constatons dans ce langage la juxtaposition d'une sobriété d'expression paysanne et de traits d'esprit étranges. Dès les premiers mots écrits, l'écrivain semble pris d'un désespoir qui permet toutes les audaces. Et chaque phrase se propose d'effacer la précédente. Il trace ainsi autour de lui un vide verbal. "Le sanglot est la mélodie cachée de la loquacité de Walser", écrit Walter Banjamin. Il trahit par là l'origine de ses amours: elles viennent bien de la folie, et de nulle part ailleurs. Ses personnages ont la folie comme toile de fond, et c'est pourquoi ils sont à la fois si superficiels et si déchirants, si inhumains, si impensables. Pour exprimer d'un mot ce que ses personnages ont à la fois d'heureux et de sinistre, on peut dire qu'ils sont tous guéris..." "Je suis épouvanté à l'idée que je pourrais avoir du succès dans la vie", dit Walser dans sa paraphrase d'un monologue schillérien. Tous ses héros ressentent cette épouvante. Mais pourquoi? Ils veulent jouir d'eux-mêmes, et nul ne jouit de son existence comme le convalescent. Les contes finissent par: "Et s'ils ne sont pas morts, ils sont encore en vie." Walser témoigne de cette vie-là, en même temps que de l'étrange vie intérieure de l'écriture. La tendresse chez lui est toujours aussi la conspiration de la peur et l'aménagement d'une humiliation acceptée dont il voudrait faire, sans en être capable, un lien mutuel. L'ironie qu'il domine et la folie qui le dominera le rattachent, autant que son style, à ce qu'on appelle l' expressionisme littéraire allemand. La naïveté walsérienne est un coup d'oeil jeté sur la civilisation. Sa tendresse, qui va jusqu'à l' enfantillage, s'accompagne de la vision lucide de cauchemars éveillés. Autant que Georg Trakl, Kafka a suscité trop d'exégètes, Walser trop peu. Il éclaire comme par hasard, et il obscurcit comme à dessein.

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